Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/10/2005

Accueillir l’étranger ou périr avec lui

Ils ont tiré. Ils ont tiré à balles réelles sur des personnes désarmées qui tentaient de forcer un barrage mais ne menaçaient personne. Des soldats espagnols et marocains ont tiré. La guerre économique montre ainsi son vrai visage. Elle tue à coup de fusils ceux qui réclament leur seul droit de survie. Jean-Marie Fardeau exprime sa colère, qui est aussi la mienne, dans un texte que vient de publier l'hebdo Témoignage Chrétien.


"Certains jours, la révolte monte en nous. A deux reprises, des militaires, marocains et espagnols - mais leur nationalité importe peu - ont tué des Africains cherchant à se rendre en Europe. L’Espagne expulse ceux qui sont entrés vers le Maroc où ils sont expédiés sans secours dans le désert. On tue donc aujourd’hui des hommes non armés parce qu’ils tentent de franchir la frontière entre l’Europe et l’Afrique ! Révoltant, inacceptable !
Notre société, dans sa grande majorité, assiste à ces assassinats pourtant médiatisés sans réagir. Un cran de plus est franchi dans notre échelle de tolérance. Déjà, l’opinion s’habitue à des expulsions musclées ou aux conditions « d’accueil » lamentables dans la zone internationale de l’aéroport de Roissy. Faudra-t-il qu’un Français sans papiers soit abattu aux Etats-Unis pour que nous nous posions quelques questions sur le lien indispensable entre immigration et droits de l’Homme ?

Ne succombons pas aux sirènes des prophètes de la déferlante migratoire s’abattant sur notre belle Europe !
Primo, « toute la misère du monde » (n’oublions pas qu’il s’agit tout simplement d’êtres humains) n’a pas l’intention de venir en Europe car l’immense majorité ne souhaite pas émigrer et se débrouille tant bien que mal pour survivre au sein de leur propre société. Y aurait-il des millions de Maliens, de Congolais, d’Ivoiriens aux portes de l’Europe ? Non, ceci est un fantasme soigneusement entretenu pour justifier des méthodes militaro-policières qui tiennent lieu aujourd’hui de politique à l’égard des étrangers « pauvres ».


Secundo, ces quelques dizaines de milliers de personnes qui cherchent chaque année à passer d’Afrique en Europe de manière clandestine, n’avons-nous pas les moyens de les accueillir dignement ? Et si, en dernier recours, un retour au pays est décidé, il doit avoir lieu dans des conditions conformes aux droits humains.
Tertio, il ne s’agit pas de nous protéger de la « misère du monde », mais de se donner les moyens de la résoudre. La solution n’est pas une Europe retranchée dans un égoïsme aux relents racistes derrière tranchées et barbelés, et des dispositifs de surveillance sophistiqués qui engloutissent une partie de l’aide au développement.
La solution n’est pas de confier hypocritement le « sale boulot » à l’armée marocaine, ou, comme certains l’envisagent, d’ouvrir des camps pour migrants en Libye ou en Ukraine, où nous viendrions choisir, comme au marché aux esclaves de l’empire romain, les étrangers « utiles ». La mesure est encore jugée choquante par certains pays européens. Pour combien de temps ?

Nous devons assumer le monde dans lequel nous vivons. Il est déséquilibré, inégalitaire, injuste. L’histoire a placé des populations dans des situations de grande précarité. Certains essaient de tenter leur chance dans des pays où ils n’ont pas le droit d’aller. Cessons de leur tirer dessus ! Quel est leur crime ? Etre pauvre ? Etre Africain ? Etre sans papiers ? Etre victimes de passeurs mafieux ? Ne pas être capable de jouer immédiatement en en équipe de France de football ? Ne pas répondre aux « besoins » de nos pays ? L’Europe doit s’organiser autrement. Contrôle aux frontières, sans doute, mais en recevant les gens, en respectant leur dignité et leur humanité. Et surtout, mettre en place des possibilités d’allers-retours en Europe pour y travailler pendant de courts séjours, afin de proposer une alternative au dilemme entre misère au pays et clandestinité en Europe.

Des milliers d’Africains sont probablement déjà morts en Méditerranée et dans le Sahara au cours de ces dernières années. Victimes de la misère, victimes de notre indifférence. Une société qui ne sait accueillir l’étranger, qui le tue brutalement ou à petit feu, périra elle aussi à son tour.
Et puis, au fait, si demain l’étranger c’était nous ?

Jean-Marie Fardeau
Secrétaire général du CCFD

(Article paru dans Témoignage Chrétien du 10 octobre)

10/10/2005

Cauchemar de Darwin : conférences à Douarnenez et Paris

Un documentaire remarquable, "Le cauchemar de Darwin", passe encore en salle. Ce reportage montre la vie quotidienne des habitants de la ville de Mwansa, sur les rives du lac Victoria. L'introduction de la perche du Nil par des pêcheurs britanniques amateurs, friands de ce poisson, a complètement bouleversé l'équilibre écologique du lac et la vie économique de la région. La perche est devenue un produit d'exportation massif mais les autres espèces, qui nourrissaient la population, ont presque disparu. Le témoignage ci-dessous complète celui du film. Il est paru dans le bulletin Pêche et développement, fin 2003. Catherine Lozac’h et Didier Le Pallec, deux journalistes bretons, ont traversé l’Afrique d’Alexandrie au Cap pendant l'été 2003, en train et en bus. Leur traversée passait par l’Ouganda où ils ont rencontré des pêcheurs artisans et l’Association de femmes de pêcheurs.

“Dès le lendemain de notre arrivée nous avons appelé et avons été très bien accueillis” soulignent Didier et Catherine. L’association, très structurée, a été créée il y a une dizaine d’années et a des bureaux à Kampala.
Ils se sont rendus en minibus au port de Katosi, sur le lac Victoria à deux heures de route et de piste de Kampala, où est implantée l’association. Ils y ont passé quatre jours.
Katosi compte “quelques milliers d’habitants” répartis sur un vaste territoire mais avec un port-village. Tous les pêcheurs ne sont pas là en permanence, certains vivent sur des îles parce que les poissons sont assez loin du rivages “depuis que la perche du Nil a éradiqué les espèces locales” note Catherine Lozac’h. De petites îles servent ainsi que camps de base. “Il y a deux types de bateaux dans le village, explique-t-elle. “D’une part les pirogues qui servent à la pêche et d’autre part, les pirogues couvertes qui viennent chercher la pêche”.

Six kilomètres de filets
“Les pirogues, nous en avons vues une vingtaine à Katosi, sont toutes motorisées, ce qui est d’ailleurs un problème parce qu’il faut pêcher suffisamment pour que cela soit rentable : payer l’essence, réparer le moteur. Mais un petit atelier mécanique s’est créé avec quelques hommes qui travaillent. Ce ne sont pas des pirogues creusées dans des troncs d’arbres, mais en planche. Elles doivent bien faire dix mètres de long. Nous avons embarqué une nuit avec deux jeunes pêcheurs, l’un de vingt ans environ, Freddy, l’autre de 15-16 ans, Richard. Généralement, ils pêchent à deux. Ils embarquent six kilomètres de filets. 60 filets de cent mètres qui sont reliés les uns aux autres. Cela fait une bande de filets droit à mailles assez larges qu’ils mouillent dans le lac à la tombée de la nuit et qu’ils commencent à relever en milieu de nuit pour avoir fini au petit matin. Ils pêchent la perche du Nil, il n’y quasiment plus que cela, et le tilapia. Mais nous ne sommes pas parvenus à identifier ce poisson parce que, quand nous sommes allés en bord de mer dans d’autres pays, un poisson s’appelle également le tilapia. Cela ressemble à un nom un peu générique.
Nous avons quitté la plage à 16h30.

Nous avons fait près de deux heures de navigation puis Freddy, le patron, a mouillé les six kilomètres de filet. Richard, le plus jeune, était au moteur, et Freddy mouillait le filet, puis ils ont inversé les rôles. Une fois le filet mouillé, nous sommes retournés sur la bouée de départ du filet. Il était près de 19h, il allait faire nuit, nous avons mangé. Ils ont récupéré des planches qui étaient dans fond du bateau, les ont mis en travers pour faire des lits, avec une natte en bambou par dessus. Nous avions un peu peur du froid et des moustiques mais, finalement, cela a été. Vers une heure du matin, tout le monde debout : ils ont remonté chacun trois km de filet. Ils ont fini au lever du jour, puis on est retourné sur la plage. Cétait grandiose. On n’a pas l’impression d’être en mer, car il y a des îles un peu partout, mais on a vraiment l’impression d’être sur bateau fragile, sans lumières... D’autres pirogues étaient dans les parages. En une nuit les deux pêcheurs ont pris huit perches... Ce qui couvrent à peine les frais.
Les pêcheurs sont payés au pourcentage sur la vente. Mais la pêche n’est pas toujours aussi mauvaise, il y a aussi des histoires de saison, nous sommes tombés dans la plus mauvaise”.
Didier Le Pallec note, quant à lui, l’ingéniosité des pêcheurs: “Tout est récupéré : le lest est fait à partir de petits sachets plastic de lait, qui est vendu sous cette forme en Ouganda et dans beaucoup de pays africains. Le sachet est récupéré ensuite, rempli de sable, bien fermé, attaché, et cela fait du lest. Pour les flotteurs, c’est le même type de sachet, mais avec du liège dedans. Tout les bidons sont réutilisés pour servir de bouées de marquage des filets”.

Une pêche industrielle sur le lac
Les deux journalistes continuent leur description de la pêche artisanale à Katosi : “L’autre type de bateau présent à Katosi, ce sont des pirogues couvertes, des bateaux frigos avec de la glace à bord (mais sans système de réfrigération) qui viennent chercher les poissons sur les îles ou au large, et reviennent pour vendre la pêche à Katosi d’où des camions réfrigérés la transporte à Jinja. Dans cette ville, il y a des usines de transformation.
Le poisson est déposé sur la plage (il n’y a pas de jeté) puis mis sur une plate forme en béton où il est déposé, pesé. C’est une sorte de criée couverte, mais sans mur, où les acheteurs viennent se fournir, puis le poisson est chargé dans les camions. Il y a aussi un petit marché local quant les pêcheurs arrivent encore à pêcher du tilapia, ils le vendent par lot à la criée.
Il y a d’autres flottes de pêche, mais qui ne partent pas de Katosi, il s’agit de pêche industrielle, l’équivalent de chalutiers de chez nous, en Bretagne, qui partent surtout de Jinja. Nous avons vu leurs lumières, la nuit, quand nous sommes sortis avec les pêcheurs. Comme ils pêchent beaucoup au large, ils contribuent à la raréfaction de la ressource”.

La perche ou la vie ?
L’introduction de la perche du Nil dans le lac Victoria, il y a une vingtaine d’années, a eu des conséquences graves sur la vie des habitants. “L’association, explique Catherine Lozac’h, s’est créée parce que la situation devenait intenable pour les pêcheurs, les familles crevaient de faim. Il fallait trouver des solutions alternatives pour rester au village, car la solution n’est pas de venir s’entasser dans les faubourgs de Kampala.
“Les femmes sont devenues armateurs. La pêche fournit un revenu aléatoire mais qui a le mérite d’exister et d’être assez facilement accessible. Le bateau sur lequel nous sommes montés appartient à l’association, qui a quatre pirogues en tout. Huit marins travaillent avec elle.
Le but, malgré tout, est de se désengager de la pêche par le biais des revenus qu’elle apporte, car la pêche est trop aléatoire. Donc, avec l’argent qui vient de la pêche, l’association finance des micros projets pour les femmes, une trentaine actuellement, afin qu’elles montent d’autres activités à revenu plus stables. Beaucoup sont seules avec les enfants. Les maris sont, souvent, décédés du sida, d’autres sont partis. Elles ont recueilli des enfants dont les parents sont morts du sida... La volonté de l’association serait d’aller jusqu’à aider une cinquantaine de femmes, mais il faut pouvoir financer”.

“Aucune perche n’est mangée à Katosi”
L’association fait également des formations pour sensibiliser les gens à créer leurs propres activités : l’une de ces femmes, par exemple, était devenue couturière mais a laissé cette activité à sa sœur pour monter un petit commerce d’accastillage. D’autres activités tournent aussi vers l’agriculture : production de vanille, plantations de bananiers, achat d’une vache pour avoir du lait et le vendre. Le lait permet aussi d’améliorer la nourriture fournie aux enfants parce qu’une des conséquences de l’apparition de la perche du Nil, c’est que ce poisson est très demandé à l’exportation (vers le Kenya, l’Europe, le Japon...). Aucune perche n’est mangée à Katosi.
Quand la pêche a été bonne, les femmes ont de l’argent pour acheter de la nourriture mais, si la marée a été mauvaise, pas d’argent... Et il n’y a pas de variété locale de poisson à acheter à un prix raisonnable. Dans le village, la qualité nutritionnel de ce qui est consommé a baissé depuis l’apparition de la perche du Nil. Ils ne mangent que rarement du poisson ! Le lait permet d’apporter un peu de protéine dans l’alimentation de base. L’apparition de la perche a également engendré également la disparition d’une activité traditionnelle des femmes : sécher et fumer le poisson. Comme il part directement à l’export, il n’est plus traité dans le village... Mais nous avons vu des familles qui fumaient encore le poisson dans des fours en terre. Ce poisson fumé est vendu dans le village ou consommé par les familles. Il a l’avantage de pouvoir se conserver en cas de disette...

Chance ou malchance ?
“J’ai l’impression, dit Catherine, que la pêche en Ouganda se divise en deux parties : les petits pêcheurs comme ceux que nous avons vus, qui ne sont pas très organisés et très à la merci des mareyeurs et, de l’autre, une pêche industrielle, très organisée, avec des capitaux qui ne sont généralement pas ougandais”.
L’apparition de la perche est-elle une chance pour l’Ouganda ou non. Outre ses conséquences écologiques (la quasi disparition des autres espèces), l’invasion du lac pour ce poisson carnivore a eu des conséquences sociales et alimentaires évidentes pour les populations locale. Mais, note Catherine et Denis, “elle a également permis la création d’une filière de pêche à l’exportation qui permet de donner du travail à des milliers d’Ougandais”.

L’Ouganda est un Etat également relativement stable dans cette partie de l’Afrique. Didier et Catherine y ont également rencontré des réfugiés d’autres pays. Mais, notent les deux voyageurs, “Kampala est stable : au Nord il y a les bases arrières de la guérilla soudanaise, à l’Ouest la guerre au Congo rend certaines zones dangereuses, et à l’est, vers le Kenya, il y a des conflits tribaux “. Ils ont également trouvé là un pays vert, comme leur Bretagne, “C’est le seul pays vraiment vert que nous ayons traversé en Afrique; c’est magnifique, la végétation y luxuriante, équatoriale”. Mais surtout, ils gardent en souvenir le dynamisme de la population : “C’est un pays pêchu où les gens ne sont pas résignés”.

Christian Le Meut

Pêche et développement : http://wwwpeche-dev.org

05/10/2005

An Turki en Europa ?

Komzet vez hiriv an deiz ag an Turki. Ar vro se ne vehe ket en Europa, hervez tud zo. Ha perak ta ?
Sonj m’eus ag ur veaj m’eus graet e bro Kosovo, e 1995. Bet oan bet er vro-se, a zo etre Albania ha Serbia, get mignonned din evit en en gavout get tu ag ar vro, Albaned dreist holl. Ur wezh, ni oa bet degemeret en un tiegezh e-lec’h ma veze komzet albaneg get an dud (hag a ouie komz serbeg ivez). Met ar vamm gozh a gomze ur yezh dizhenvel. Goulennet hon eus get he merc’h peseurt yezh oa : turkeg oa, hag honnezh a gomze turkeg ivez... Turkeg e vez komzet en Europa, abaoe pell.
Araok lâret n’emañ ket Bro Turki en Europa, ret eo sonjal ag an istor hag an douaroniezh . An istor da gomans : an Turked zo chomet er broioù balkanik e pad pemp kant vloaz, memestra. N’eo ket netra. An douaroniezh ar lerc’h : hervez tud zo, an Turki n’eo ket en Europa, hag ar Russia ? Al lodenn vrasan ag ar vro-se ‘zo en Azia... Hag, hiriv an deiz, ar Martinik, ar Réunion, ar Guadeloupe a zo en Europa unanvet. Hag an Turki ne vehe ket ?

Emen emañ harzoù Europa ?
Met petra eo an Europa, benn ar fin ? Desket m’eus, eldoc’h-c’hwi marteze, ez eus pemp douar bras, pemp kevandir, er bed : Europa, Azia, Afrika, Amerika hag Australia... Met, hervez ar geriadur galleg Larousse, un “douar bras”, ur “c’hevandir, zo un douar “e c’hellomp treuziñ war droad hep tremen dre mor ebed”. Amerika, Afrika hag Australia zo douareoù bras da vat e c’hellomp treuziñ anezhe war droad... Met Europa ? Emen eman harzoù Europa ? N’eus ket, nemet ar mor Mediterranée marteze, d’ar c’hreisteiz. Met, war zu ar reter, harzoù ebed. Tu zo monet a Vrest betek Pekin, Vladivostok, Hanoï, Singapour war droad pe get an treiñ, hep tremen dre vor ebet... “Eurazia” e vez graet ag an douar bras-se e levrioù zo. Hag ar wirionez zo gete. An Europa n’eo ket un douar bras.
Hervez ar pezh m’eus desket ar mennezhioù Oural ha Kaukaze vehe harzoù Europa : perak an Oural hag ar C’haukaze ? Perak pas ar Pireneoù pe an Alpoù ? Hervez an harzoù se an Tchétchénie emañ en Europa ha pas ar Georgie, nag an Arménie... Ne dalvont ket netra an harzoù se, da ma sonj-me.

Met perak o deus lakaet, hon gourdadeù, harzoù faos evel se ? An Europeaned o deus sonjet, e pad pell, oa an Europa e kreiz ar bed. Ne faote ket dezhe marteze bout keijet, mesket, get pobloù a Vro Sina pe a Vro India, heretik anezhe ouzhpenn !

Ar relijion ?
Ha, neuze, petra eo an Europa mard n’eo ket un douar bras ? Ul lodenn ag ar bed get un istor hag ur sevenadur da vat ? N’eo ket sur. Istor Finland hag hani bro Spagn pe Gresia zo dishenvel bras. Ar yezhoù ivez zo dishenvel bras. Petra a chom ? Ar relijion ? Gwir eo, kristenion a orin int, tud a chom en Europa, dreist holl, abaoe pell : met katoliked d'an tu, protestanted d'an tu all, pe ortodoxed c'hoazh, ha katared gwezhall... Met n’eo ket trawalc’h, d’am sonj. Protestanted ha katoliked a zo kristenion anezhe, hag o deus en em gannet meur a wezh, en Iwerzhon ha Yougoslavia, da skouer...
Met, abaoe hanter c’hant vloaz breman, Europa zo ul lec’h hag un dra resis : stadoù a labour asambles evit bout krenvoc’h. Ha, tamm ha tamm, kresket he deus Europa unanet. Get lezennoù evit ober war dro an ekonomiezh, diwall doc’h an natur, doc’h gwirioù mab den, gwirioù ar merc’hed, ar pobloù ha sevenadurioù "bihan", ha c’hoazh. Ur raktress politikel eo, benn ar fin, Europa. Ha, mard int a-du an Turked da respetiñ lezennoù Europa, perak ne vehent ket degemeret en Europa unanet a benn dek pe ugent vloaz ? Labour zo gete c’hoazh evit lakaat o pro da vout un demokratelezh da vat... Sur eo, ha plas an arme ‘zo re vras c’hoazh er vro-se...
Met, mard a ya araok an Turki war an tachennoù- se, perak nompass degemer ar vro-se en Europa un deiz bennak ?

Christian Le Meut

04/10/2005

La Turquie, pas en Europe ?

Le débat sur l’admission ou non de la Turquie dans l’Union européenne m’a rappelé une rencontre faite lors d’un voyage au Kosovo. Le Kosovo est en Europe, entre l’Albanie et la Serbie. J’y suis allé en 1995 avec des amis et, un jour, nous avons été accueillis par une famille dans la ville de Prizren, au sud du Kosovo. Cette famille albanaise parlait donc l’albanais et nous communiquions en anglais avec la jeune femme qui nous avait invités. Mais la mère de celle-ci, la grand-mère donc, parlait une autre langue, inconnue de nous. Le turc, langue quotidienne dans cette famille. Cette langue est encore parlée dans ce coin de l’Europe depuis des siècles. La Turquie ottomane a occupé le Kosovo et les Balkans pendant environ cinq siècles, pas moins...

Avant d’affirmer, comme le font certains opposants à son entrée dans l'Union européenne, que la Turquie n’est pas géographiquement en Europe, il faudrait peut-être repenser nos façons de voir l’Europe. Vous avez sans doute appris à l’école, comme moi, que la Terre compte cinq continents : Asie, Europe, Afrique, Amérique et Océanie... Mettons. Mais, si je lis bien la définition de ce qu’est un continent dans mon dictionnaire Larousse, je découvre ceci : “Vaste étendue de terre que l’on peut parcourir sans traverser la mer”. La définition correspond à peu près pour l’Australie, l’Amérique et l’Afrique, mais pas pour l’Europe et l’Asie... Qui ne font qu’un ! On peut les parcourir de Brest à Pékin, de Lisbonne à Vladivostok, sans traverser aucune mer.

Un "continent européen" ?
Le “continent” européen, d’un point de vue géographique, est une vue de l’esprit. Certains atlas utilisent d’ailleurs le nom Eurasie pour définir ce vaste continent qui va de Brest à Hanoi. Et c’est eux qui sont dans le vrai.
Nous avons appris que l’Oural et le Caucase sont les frontières Est de l’Europe... Mais au nom de quoi ? Pourquoi pas les Pyrénées ou les Alpes ? D’après ces frontières virtuelles la Tchétchénie se trouve donc en Europe, mais pas l’Arménie ou la Géorgie voisines... Si la Turquie n’y est pas, la Russie y est-elle ? La majeure partie de la Russie est hors de l’Europe. Par contre la Guadeloupe, La Réunion, La Martinique, Mayotte, la Guyane sont dans l’Union européenne. On y paye ses achats en euro... Et la Turquie ne pourrait pas entrer dans cette Union ?
Les frontières de l’Europe géographique n’en font pas un continent. Pourquoi nos ancêtres les ont-elle inventées, alors? Parce qu’ils pensaient, peut-être, être le centre du monde ? Pour ne pas se mélanger avec ces populations hérétiques qu’étaient les Arabes, Turcs et autres Chinois ? Peut-être aussi pour s’auto-persuader que l’Europe est réellement un continent, avec sa propre entité, sa propre unité... Sa propre supériorité ?

Quelle unité européenne ?
Mais qu’est-ce que l’Europe, si elle n’est pas géographique ? Un patrimoine historique ? L’histoire de la Finlande et celle de l’Espagne n’ont sans doute pas grand chose en commun. Linguistique ? Là aussi la diversité est de rigueur... Religieuse ? Certes, l’histoire européenne est marquée par le christianisme (catholique, orthodoxe, protestant, mais aussi cathare, etc), mais le judaïsme et l’islam y ont aussi eu leur place, ainsi que l’athéisme et les religions pré-chrétiennes, celtes, romaines, grecques... Et puis l’on constate également que les Chrétiens entre eux savent très bien se faire la guerre comme l’ont démontré les Irlandais du Nord, les Serbes et les Croates, ces dernières décennies, ainsi que les multiples guerres de religion qui parsèment l’histoire européenne...

Un projet politique
Alors, quelle unité ? Politique ? Non, républiques et royaumes se côtoient... Démocraties et dictatures aussi.
Mais depuis 50 ans cependant, l’Europe signifie quelque chose. Des Etats démocratiques se mettent ensemble pour bâtir un espace économique mais aussi politique. Ils élaborent des lois sur le commerce, sur la monnaie, les droits de l’Homme, l’environnement, les conditions de travail. L’Europe prend corps et, depuis tout ce temps, elle a maintenu la paix en son sein (mais elle n'y est pas forcément parvenue dans les Balkans)... Alors pourquoi ne pas accueillir, même dans dix ou vingt ans, la Turquie si ce pays accepte de respecter les règles européennes ? S’il avance dans le respect des droits humains, s’il aménage les droits de ses minorités que sont, notamment, les Kurdes ? Certes, l’armée turque a encore une trop grande place dans les institutions turques, les droits de l'Homme et de la Femme n'y sont pas encore garantis, mais ce pays modifie ses lois, depuis des années, pour correspondre au cadre européen, aux lois de l'Union européennes. La situation peut évoluer dans un sens positif et la Turquie peut entrer dans l’Union européenne.
Cela dépend aussi de nous.
Christian Le Meut

02/10/2005

Langues régionales : l'urgence d'un changement

Les récentes déclarations de Patrick Le Lay sur la Bretagne et la langue bretonne m'ont incité à rééditer cet article écrit au début de cette année pour la rubrique "J'ai fait un rêve" de la revue Alternatives Non-violentes, mais non publié parce que trop long... Ce texte est donc uniquement en français. Bonne lecture et n'hésitez pas à commenter !

1998, la France signe la charte européenne des langues minoritaires... Vous avez bien lu : 1998. Il ne s’agirait donc pas d’un rêve, mais d’une réalité, et bien non. Contrairement à presque presque tous les autres Etats de l’Union européenne la France n’applique toujours la charte européenne des langues minoritaires... Les langues bretonne, basque, corse, alsacienne, occitane, catalane, flamande, n’ont toujours pas de statut officiel en France, ni les langues parlées dans les Dom-Tom.

La charte européenne des langues minoritaires a été signée par Lionel Jospin, alors premier ministre mais renvoyée par Jacques Chirac devant le Conseil constitutionnel qui a déclaré cette signature non conforme à la Constitution. Et depuis, rien. Si, 20.000 personnes (1) dans les rues de Rennes, en mars 2003 pour demander cette ratification et la modification de la Constitution qu’elle implique. Dans l’indifférence totales des médias nationaux...

“Ne gomzan ket mui breton bemdez...”
“Ne gomzan ket mui breton bemdez, memes ar re gozh a gav gwell komz galleg etreze breman. Met me, me vourra muioc’h komz breton evit galleg” : “Je ne parle plus breton tous les jours, même les anciens préfèrent parler français entre eux aujourd’hui. Mais je préfère parler breton que parler français”... Ainsi s’exprime Germaine, une femme de Crac’h, commune du Morbihan, près d’Auray. Âgée de 68 ans, elle a appris le breton à la maison, dans son village, et le français à l’école, où sa langue maternelle était interdite. Ce cas est extrêmement fréquent parmi les Bretons d'origine rurale de sa génération.

Si Germaine n’a plus l’occasion de parler chaque jour, elle peut encore écouter la radio ou regarder la télé. Oui mais voilà, les médias publics lui proposent une émission d’une heure à la télé le dimanche (à la même heure que la messe!) et cinq minutes d’actualité chaque jour... Dans le Morbihan, seule une radio associative, mais subventionnée par la région, le département et l’Etat, propose des programmes breton-français. Dans la presse : un reportage par semaine dans le quotidien Le Télégramme, une leçon de breton le dimanche dans Ouest-France...

10.000 bretonnants meurent chaque année
Chaque année, 10.000 personnes bretonnantes de langue maternelle meurent. Il reste aujourd’hui environ 250.000 personnes capables de s’exprimer couramment dans cette langue contre 1.200.000 en 1945. Il s’agit surtout de personnes âgées. 9.000 enfants sont scolarisés;en 2004-2005 dans les filières bilingues créées depuis 25 ans par les parents : bilingue public, bilingue privé et écoles associatives (gratuites et laïques) Diwan.

La pédagogie par immersion (100 % en breton au départ) a motivé le refus d’intégration de Diwan dans l’Education nationale par le conseil d’Etat en 2002, malgré le soutien du ministre de l’Education de l’époque, Jack Lang. Pourtant, Diwan existe depuis 25 ans et les résultats de ses élèves sont plutôt supérieurs à la moyenne... Bizarre non ? Pendant des décennies des dizaines de milliers de Bretons ont intégré l’école française (publique ou privée) sans connaître un mot de français, ont été immergés dans une langue qui leur était étrangère, mais cela n’a guère posé de problème de conscience aux élites françaises. Dans le sens contraire, cela semble en poser... Car si les citoyens français sont égaux en droit (censément), ce n’est pas le cas des langues parlées sur le territoire de la République française et cette inégalité de traitement revient, finalement, à une inégalité citoyenne.

Passer de deux langues à une : un progrès ?
De mon côté, mes grands-parents étaient bretonnants de langue maternelle. Mais ils avaient bien compris que le français étaient la langue de la promotion sociale (toute les institutions le leur assénaient). Le breton était (et est encore), stigmatisé comme arriéré et inférieur. Beaucoup de Bretons ont intégré ce regard méprisant et colonial posé sur leur propre langue. Objectif des autorités : éradiquer les langues “régionales”. Elles y sont (presque) parvenu, refusant de signer, par ailleurs, certains textes internationaux de protection des minorités linguistiques (2). La transmission familiale ne se fait quasiment plus et les enfants qui apprennent le breton aujourd’hui le font à l’école... Mes grands-parents parlaient donc couramment deux langues dans leur vie quotidienne. Mes parents et moi en parlons une seule.
C’est le progrès, sans doute.

Depuis mon retour en terre bretonne, en l’an 2000, j’ai appris le breton, et je continue d’apprendre. Pour moi, c’est aussi une résistance non-violente face à un arbitraire d’Etat. Je n’ai jamais pu admettre l’attitude e la République française qui, à mes yeux, trahit ses propres valeurs en agissant ainsi; ni celles de beaucoup de Bretons eux-mêmes qui, dans leur grande majorité, se sont soumis à l’autorité. Ils n’ont pas pris conscience, ou pas voulu prendre conscience, de la perte culturelle que représente l’abandon de leur langue maternelle, parlée depuis 1.500 ans dans cette partie ouest de la Bretagne. Perte culturelle pour eux-mêmes, mais pour l’humanité entière car une langue qui disparaît est une part de notre richesse culturelle mondiale qui meurt.

Un préfet du Morbihan écrivait en 1831 : “Faire mourir une langue, c’est faire disparaître une individualité de la famille des nations ; c’est détruire une système d’entendement, un caractère national, des moeurs, une littérature. La philosophie et la morale condamnent également cet espèce de meurtre”. Ce préfet n’a pas été entendu. Quant au meurtre en question, un mot a été inventé depuis pour le qualifier : “ethnocide”.

Environ 6.000 langues parlées dans le monde
Un livre publié l’année dernière, “Ces langues, ces voix qui meurent” (3), établit un parallèle intéressant entre la perte de la diversité biologique et la disparition des langues. Environ 6.000 langues sont parlées actuellement dans le monde. La moitié est menacée de disparition dans le siècle actuel. Beaucoup ne sont plus parlées que par quelques individus (langues aborigènes d’Australie, d’Amérindiens du Nord ou du Sud, d’Afrique). Le breton est classé parmi les langues menacées par l’Unesco.

Notre mode vie actuel tend à une uniformisation culturelle rapide vers le modèle étasunien (pour aller vite). Les défenseurs de la langue française qui, parfois, combattent les arguments des partisans des langues dites régionales, ne voient pas que ces derniers défendent une vraie diversité culturelle vivante. Quand la République française, par la voie du président Chirac en particulier, défend “l’exception culturelle”, elle ne défend en fait que la langue française, pas les autres. Les autorités se gardent bien de promouvoir la diversité linguistique à l’intérieur de l’Hexagone.

En Bretagne, l’oppression linguistique a été mise en place depuis environ deux siècles. La royauté avait bien instauré le français comme langue officielle, mais sans chercher à l’imposer à tous les sujets. Au XIXe déjà, des débats ont lieu sur l’intérêt de l’emploi du breton à l’école, notamment pour enseigner le français aux masses bretonnantes... Mais la voie du bilinguisme n’a pas été choisie. C’est l’unilinguisme qu’ont imposé les élus, notamment dans l’Education nationale. Interdit de parler breton à l’école sous peine d’humiliation. Interdit d’enseigner le catéchisme en breton, sous peine de représailles administratives pour les prêtres. Impossibilité de monter dans l’ascenseur social avec la seule langue bretonne...

Une opposition diverses, mais constante
L’opposition à cette politique s’est manifestée sur le terrain politique, éducatif et religieux. Depuis le début du XXe siècle, des élus et organisations politiques demandent l’introduction du breton à l’école. Peine perdue. Cette cause était alors soutenue par des mouvement régionalistes proches de la droite monarchiste et catholique. Mais, à gauche, des instituteurs ont créé le mouvement Ar Falz dans les années 30 pour promouvoir le breton dans les écoles laïques. L’église catholique, de son côté, soutient l’usage de la langue bretonne pour éviter la contamination des idées républicaines ! Et puis l’abandonne quand elle sent que cela ne sert plus ses intérêts...

Juste avant la Seconde guerre mondiale, et dans les années 50, des élus reviennent à la charge, dont René Pleven (qui fut chef du gouvernement sous la IVe république). En 1953 une première loi autorise des cours facultatifs de langues régionales dans les établissements secondaires publiques. Première avancée, mais insuffisante. Face aux changements rapides de société, au déclin de la vie rurale, à l’urbanisation, le breton régresse rapidement. Aucune place ne lui est faite, quasiment, dans les médias publics. Il faut attendre les années 80 pour voir apparaître des radios associatives bilingues, ou unilingues en breton. Idem pour les écoles. A chaque fois, ce sont des groupes de citoyennes et citoyens qui se mobilisent, relayés par une partie des élus locaux. Ils veulent le bilinguisme et le construisent à leur niveau : primaire, secondaire, universitaire. Mais l’absence de reconnaissance officielle de la langue, et le manque d’environnement en breton (médias), entravent leur action.

L’erreur de la collaboration et de la violence
La vigueur d’autres pans de la culture, comme la danse, la musique, ne rejaillit pas forcément sur la pratique de la langue. Ce sont parfois des mondes qui s’ignorent... La langue bretonne apparaît, pour beaucoup de Bretons, comme dépassée, comme une langue dont ils approuvent théoriquement l’existence, comme un patrimoine, mais qu’ils ont renoncé à parler. Deux épisodes historiques n’aident pas à clarifier le débat : la collusion d’une grande partie des mouvements bretons avec l’occupant allemand pendant la seconde guerre mondiale (certains mouvements avaient déjà viré fascistes dès les années 30). Mais la collaboration massive de l’appareil d’Etat français avec les Allemands à cette époque, discrédite-t-elle la langue française ? Des grammairiens ont continué de travailler à l’unification de la langue bretonne pendant l’occupation, certes... Mais l’Académie française a-t-elle arrêté ses travaux pendant cette période ? Aucune institution française n’a, à ma connaissance, arrêté ses activités sous l’occupation...

Et puis il y a les périodes de revendications violentes des années 60-70 des FLB-ARB (Front de Libération de la Bretagne, Armée révolutionnaire bretonne). Ces groupuscules, soutenus par une minorité de la population, jugeaient légitime de recourir à l’action violente pour faire valoir les droits culturels et politiques des Bretons. Certains revendiquaient l’indépendance. Le recours à la violence n’est approuvé que par une minorité de la population bretonne. Il m’est arrivé cependant plusieurs fois cependant d’entendre cette phrase : “Si nous faisions comme les Corses, nous obtiendrions plus de chose”. Et il est vrai que, actuellement, l’offre d’enseignement de la langue corse est pratiquement généralisée, ce qui est très loin d’être le cas ici. L’offre en langue bretonne régresse même dans le secondaire. Les promesses faites par les ministres passent, et chaque rentrée réserve son lot de classes bilingues non-ouvertes malgré les demandes à cause du manque d’enseignants formés, de crédits, etc. Quant aux filières optionnelles, elles ne sont pas mieux loties.

Le centralisme jacobin menacé
L’Etat républicain semble parfois être plus à l’écoute des manifestations violentes que des manifestations non-violentes. Ainsi, il encourage la violence. Car si la démocratie est la loi de la majorité, elle est aussi l’aménagement du droit des minorités. Faute de quoi elle risque de devenir une dictature majoritaire en contradiction avec l’esprit et la lettre des droits de l’Homme.

La signature et l’application de la Charte européenne des langues minoritaires donneraient une reconnaissance et une légitimité aux langues régionales. La non-reconnaissance, au contraire, donne des arguments aux organisations hostiles à la République française, minoritaires mais agissantes. Le modèle français s’est construit sur un schéma communautaire : une seule langue, un seul peuple, une seule histoire, une seule organisation politique centralisée pour tout le territoire métropolitain... L’existence des langues régionales, et le fait de les parler, n’est pas une menace en soi pour la République française. Ce que la signature de la charte européenne, ou l’intégration de Diwan, menaceraient, par contre, c’est un modèle français uniformisant et un centralisme jacobin exacerbé.

La différence linguistique : une “sauvagerie ?”
“Qu’on vous soit différent suppose/par obligation qu’on ait tort” chantait Maxime Le Forestier (4) dans les années 70. La France des droits de l’Homme a bien du mal à intégrer les différences, et cela ne date pas d’aujourd’hui. “La différence linguistique condamne l’Autre à être le sauvage” (5). Suis-je un “sauvage” quand je parle ou j’écris en breton ? J’en ai l’impression parfois, dans le regard ou les réflexions de certains de mes amis, ou de relations.

Pourtant l’apprentissage et la découverte de la langue bretonne est un passionnant parcours de connaissance linguistique, littéraire, mais surtout humain. Le fait de parler, écrire, lire, le breton, m’oblige aussi à ouvrir les yeux et à être le témoin d’un processus triste : la mort possible d’une langue. Que faut-il faire pour sauver le malade ? Le conseil régional, pour la première fois, vient de lancer un plan de sauvetage de la langue. L'actuel président, Jean-Yves Le Drian (PS) a fait beaucoup de promesses dans ce domaine lors de la campagne électorale.

L’application de la charte européenne des langues minoritaires par la République française fait aussi partie des remèdes (mais ce n’est pas le seul). Elle aiderait aussi la communauté nationale française à changer. A porter un autre regard sur ses minorités linguistiques. A approfondir le droit à la différence dans le respect de la République française et européenne. Cette Europe ou tant de langues dites “régionales” (le gallois, l’écossais, le galicien, le catalan, le basque...) ont désormais un statut officiel. Mais un grand village gaulois, replier sur lui-même, résiste encore.

Christian Le Meut

(1) A l’échelle de la France, cela aurait représenté 300.000 manifestants...
(2) La France n’a pas ratifié l’article 27 du pacte international sur les droits civils et politique, ni l’article 30 de la convention des droits de l’enfants, ni la convention cadre européenne sur les minorités nationales, ni donc la charte européenne des langues minoritaires...
(3) “Ces langues, ces voix qui disparaissent”, Daniel Nettle-Suzanne Romaine, ed. Autrement, 19 €.
(4) Chanson “La vie d’un homme”
(5) “Ces langues...”, p. 63.


Suggestions de lectures :
- “Linguistique et colonialisme”, Louis-Jean Calvet, petite bibliothèque Payot, 2002.
- “Halte à la mort des langues” (2002), et “Le souffle de la langue, voies et destins des parlers d’Europe” (1992), Claude Hagège, éditions Odile Jacob.
- “Le français, histoire d’un dialecte devenu langue”, R. Anthony Lodge, Fayard, 1997.

28/09/2005

Emile Masson (1869 - 1923) : "professeur de liberté" et précurseur de la non-violence

Qui était Emile Masson ? Écrivain, poète, penseur libertaire, anarchiste et socialiste, pacifiste et non-violent, écologiste et féministe avant l’heure, pédagogue d'avant-garde, défenseur de la langue bretonne : la liste est longue des qualités de cet homme là, injustement oublié et que plusieurs ouvrages font redécouvrir.


Emile Masson est né en 1869 à Brest et mort à Pontivy en 1923. En 1898, il habite à Rennes où le capitaine Dreyfus est jugé. Il prend sa défense avec son ami Charles Péguy, dont il s’écartera quand celui-ci virera vers le nationalisme. Jeune enseignant, Emile Masson monte des universités populaires pour instruire les ouvriers et les paysans, passe le Nouvel an avec une famille d’ouvrier, au grand dam de la bonne société de Loudun, ville où il enseigne à l’époque. Il se marie en 1902, avec une Galloise, Elsie, très proche de ses idées et admiratrice, comme lui, du penseur britannique John Ruskin. Elsie et Emile Masson traduisent en français les oeuvres et lettre du poète britannique Carlyle (1795-1881).

Une maison ouverte
En 1904, le couple emménage à Pontivy, ville qu’ils ne quitteront plus. Là, Emile Masson enseigne l’anglais à ses élèves. Il a dans ses classes les enfants de la bourgeoisie pontyvienne, externes et francophones, et ceux de la paysannerie des environs, bretonnants de langue maternelle pour beaucoup et internes qui s’intègrent difficilement dans le lycée publique qui pratique la pédagogie par immersion, en français exclusivement... C’est à leur contact qu’Emile Masson apprend le breton, en échange de cours particulier d’anglais, et se révolte face à la situation faite à la langue bretonne.

Dans les actes d'un colloque consacré à Masson en 2003, à Pontivy, John P. Clark, professeur de philosophie à la Nouvelle Orléans, estime que "La question de la préservation des langues traditionnelles est centrale pour Masson. Il rejette l'idée d'un progrès qui décrèterait une uniformité universalisante et soutient que les révolutionnaires doivent parler le langage du peuple qui, dit-il, a été stupidement laissé aux réactionnaires" (1). A l'époque, en effet, les défenseurs du breton se situe plutôt du côté de l'Eglise et des conservateurs. Masson ne veut pas leur laisser la langue bretonne mais l'utiliser pour faire avancer ses idées de progrès social, de dignité humaine, de fraternité. "La langue d'un peuple, c'est la peau de son âme" écrit-il en 1913. Cela n'empêche pas ce polyglotte de soutenir la diffusion de l'espéranto, langue internationale créée quelques années auparavant.

La maison est ouverte et Emile Masson s’occupe de ses deux enfants : un père de famille qui change les couches de ses deux garçons, s'occupe du ménage, cela ne devait pas être très fréquent à l’époque. Il conçoit le mariage comme une "fusion des âmes", un accord volontaire, et non obligatoire, entre "deux personnes égales et libres". Professeur, ses méthodes sont originales pour l’époque. Il est proche de ses élèves, pratique une pédagogie trilingue (français, anglais, breton) et obtient de bons résultats. La hiérarchie le laisse donc faire... Pédagogue, il refuse la violence mais pas la notion d’autorité : “Dans la société future, sans dieux ni maîtres, que se passera-t’il ? L’absolu liberté des individualistes, c’est l’oppression assurée des plus faibles, car qui croit à l’harmonie spontanée entre les hommes ?”. "Hiérarchies et anarchie ne sont pas pour moi inconciliables - au contraire !... Il suffit que les héros soient de vrais héros, c’est-à-dire n’éprouvent pas le besoin anti-héroïque de traiter les hommes en choses”...

Les origines de la guerre par Masson
Masson, qui refuse de voter, critique fondamentalement la société capitaliste et militariste de son époque, en des termes encore pertinents aujourd’hui : “Chaque nation est comparable à un enclos gardé par des soldats où des accapareurs entassent toutes sortes de richesses et même les êtres humains qui produisent ces richesses. L’intérêt de ceux qui dominent et qui accaparent est de maintenir et de fortifier leur puissance. Le moyen le plus sûr et le moins dangereux pour eux-mêmes, c’est de représenter les hommes des nations voisines comme des êtres arriérés animés de desseins les plus pervers , ou bien d’essence humaine tout à fait inférieure moralement. Quand les hommes d’une nation quelconque sont persuadés que ceux de la nation voisine sont des espèces de fauves affamés de proies vivantes ou des bandits qui n’ont d’autres raisons ou moyens de vivre que le crime, l’agression, le vol... Il est bien naturel qu’ils se mettent en garde contre ces fauves, ces bandits, et même en devoir de les pourchasser jusque chez eux...” (extrait de ”Irlande et Bretagne, écrit en 1916”, cité dans "Emile Masson, professeur de liberté").

Ami de Péguy, Romain Rolland, Kropotkine...
Correspondant avec des écrivains comme Charles Péguy et Romain Rolland, des intellectuels libertaires comme le prince Kropoktine, Marcel Martinet et Gustave Hervé, et des écrivains bretons comme Fransez Vallé, l’abbé Le Goff ou Loeiz Herrieu, il décide, en 1913, de créer une revue bilingue, Brug ("bruyère"), afin de sensibiliser les masses bretonnantes du Morbihan aux idées nouvelles (socialistes, libertaires...). Il réunit un réseau de collaborateurs écrivant en breton. Les articles de Brug, publiés en plusieurs dialectes du breton (le vannetais, le trégorrois...) traitent de la condition ouvrière et paysanne de l'époque, du statut de la langue bretonne, du statut de la femme. Brug est un succès : de 500 exemplaires au départ, la revue tire bientôt à 2.200 exemplaires quand arrive la guerre de 1914, qui signe la fin de cette expérience. A l’époque, rares étaient les intellectuels républicains et laîcs à s’adresser en breton aux gens du peuple. Brug manifestait un attachement double, à la “petite nation”, la Bretagne, et à sa langue, d’une part, et à la “France” de la révolution de 1789, d’autre part.

Contrairement à beaucoup de ses amis, comme Gustave Hervé, Emile Masson ne rallie pas L’Union sacrée en 1914 et continue à dire son opposition à la guerre : disciple de Tolstoï, il poursuit sa correspondance avec Romain Rolland, célèbre écrivain qui publie des appels à la paix et contre les nationalismes armés, en pleine guerre. "Je sais que les armées alliées sont pleine d'âmes nôbles qui veulent mourir pour que la vie vaille la peine d'être vécue. Mais je n'ignore pas que de telles âmes ne manquent pas non plus dans les rangs ennemis.(...). Est-ce que la guerre qui oblige à s'entre-tuer des hommes pareils n'est pas le pire des crimes ?", écrit-il en 1917 (2).
Malade à partir de 1909 (neurasthénie), Emile Masson ne peut pas continuer son action une fois la guerre terminée. Lucide, il ne cède pas aux sirènes de la révolution bolchevique de 1917 en Russie. “Ce qui naît de la violence périra dans la violence”, pense-t-il. Il estime que la révolution commence par soi-même et que c’est par la maîtrise de soi, par l'exemple et par la pédagogie, que la société peut progresser.

Proche de la pensée gandhienne
Dans le même temps, Gandhi mène une lutte non-violente pour l’indépendance de l’Inde et la justice sociale. Né la même année que le Mahatma Gandhi, Emile Masson meurt en 1923, année où Romain Rolland publie un essai qui rendra célèbre la personnalité et la pensée de Gandhi dans le monde entier. Tombées dans l’oubli, la vie et l’oeuvre de Masson renaissent aujourd’hui et alimentent des réflexions encore contemporaines sur la fin et les moyens, sur la pédagogie et le rapport à l'enfant, sur le nationalisme et l’internationalisme, sur la révolution et le progrès, les langues régionales...

Masson lançait aux révolutionnaires de “rentrer chez eux” et que la révolution “c’est toi”. La révolution commence d’abord par soi-même : il rejoignait en cela la pensée de Gandhi. Il écrivait le 16 janvier 1915, dans une note destinée à ses fils : “Je place les vertus domestiques au sommet de toutes les vertus, en temps de guerre aussi bien qu’en temps de paix. Car c’est au feu du foyer, et non à celui du champs de bataille, que s’épanouit la fleur de l’héroïsme. Il m’a toujours paru qu’il fallait infiniment plus de courage pour élever un homme que pour en abattre dix”. Et, la même année, dans une lettre à son ami le poète André Spire : “La guerre, le meurtre, la violence ne résolvent rien. Seul l’exemple, mille et mille fois répété, d’énergies individuelles se refusant à tout acte de violence, peut et doit résoudre toutes les batailles de l’homme”.

"Fais-toi toi-même ce que tu voudrais que les autres soient. Tu voudrais que la justice règne ? Fais de toi un juste..." clame Emile Masson, en 1917, pendant le grand massacre.

Christian Le Meut

Bibliographie sommaire :
- Un dra bennag a zo da jeñch er bed, Emile Masson ha Brug, 1913-1914, Fañch Broudig, Ed. Brud nevez, 2003. Interesus bras. Fañch Boudig n'eus studiet ar sonjoù embannet get Brug; e fin e levr e kaver pennadoù embannet barzh Brug.
- Emile Masson, professeur de liberté, J-D. et M. Giraud, Ed. Canope, 1991. La biographie à lire absolument pour découvrir la vie d'Emile Masson.
- Emile Masson, prophète et rebelle, Presse universitaire de Rennes, 2005, actes d'un colloque qui s'est tenu à Pontivy en 2003. Vient en complément utile du premier.
Des ouvrages de Masson devraient être réédités prochainement par les Presses Universitaires de Rennes.

(1) Cité dans Emile Masson, prophète et rebelle, p.111.
(2) Cité dans Emile Masson, prophète et rebelle, p.63.

 

26/09/2005

Lulu, 14 ans

Lulu, tu es née voici 14 ans, le 26 septembre 1991.

Depuis cette date plusieurs anciens de la famille sont partis. Du côté de ton père, la totalité de tes arrières grands-parents étaient bretonnants de langue maternelle. De ces bretonnants qui disaient “piar” pour quatre, un tï pour dire maison ou ur “c’hï” pour un chien. Ils parlaient ce breton vannetais de la côte, avec une accent bien particulier, que plus beaucoup de gens ne parlent désormais dans leur deux communes d’origine, Crac’h et Ploemel. Toi, Lulu, tu ne parles pas le breton, et tu as sûrement beaucoup plus de notion d’anglais, de latin et d’espagnol que de notions de la langue de tes ancêtres. Il paraît que c'est normal. La langue bretonne est, ici encore, en Bretagne, largement mise à l'écart du système scolaire (hormis les écoles bilingues qui se développent heureusement). Il est encore cependant, du côté de Crac’h, Ploemel et Auray quelques personnes qui font de la résistance, qui parlent encore le breton ou l’apprennent. 7.000 pour le pays d’Auray, d'après les chiffres. Mais on n'entend plus beaucoup parler breton dans les rues de Crac'h, alors que c'était la langue majoritaire il y a une soixantaine d'année encore...
Il y a quatorze ans, Lulu, je ne parlais pas breton, juste quelques bribes. J’ai appris depuis, j’en suis bien content, et je continue d’apprendre. Je n’aime pas qu’on ait cherché à me couper de la langue maternelle de mes quatre grands-parents.


Crac'h, Auray, Vannes, et après ?
Il y a quatorze ans , Lulu, tu es née à Auray. Tes grands-parents paternels sont nés à Crac’h juste avant la guerre. Ta grand mère au centre bourg, fille de commerçant, et ton grand-père à Kerchican, juste en bas du bourg, chez les moins riches. Kerchican, quel nom. En breton, “chikannal”, c’est se quereller, se disputer, se bagarrer. Les gens de ce village étaient-ils particulièrement querelleurs ? En aurions-nous hérité quelque chose ? Mystère.
Ton père puis toi, Lulu, êtes nés à Auray quelques décennies plus tard mais désormais les bébés de Crac’h ne naissent plus à Auray, mais à Vannes. Il faut regrouper les maternités pour faire des économies. Mais quelle est la prochaine étape ? Rennes, Nantes, Paris, la lune ?... Les mamans restent désormais le moins longtemps possible dans les maternités, aussi pour des raisons d’économie. J’ai même lu dans la presse qu’un projet est en cours pour n’accueillir les femmes enceintes qu’une journée en maternité. Elles seraient préparées avant puis raccompagnées à la maison tout de suite après l’accouchement. Tels qu’on est là, on va bientôt réhabiliter l’accouchement à la maison et la boucle sera bouclée... Pourquoi pas, après tout, si cela se fait dans les conditions maximum de sécurité, et pas pour des raisons vilement budgétaires. Car l’Etat ferme des plus en plus de petits hôpitaux qui étaient répartis sur tout le territoire, soi-disant pour faire des économies. Mais des économies, je trouve qu’il y a d’autres endroits ou en faire, notamment du côté des dépenses militaires. Là-dessus, je n’ai pas varié depuis 14 ans, ma Lulu...


Balkans : de la guerre à l'incertitude
Quand tu es née, je n’étais pas à Auray, ni en Bretagne, ni en France, pour t’accueillir. J’étais parti en reportage en Yougoslavie, ou une guerre commençait. En Slovénie et en Croatie, pour être précis. J’étais allé y rencontrer des gens et des associations qui essayaient encore de parler de paix. Position difficile, car la guerre n’est pas que l’ennemi de la paix, elle est aussi l’ennemi de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression, l’ennemi de la démocratie et de l’intelligence. Quatorze ans plus tard, la Slovénie vient d’intégrer l’Union européenne. La Croatie y aspire... Mais quel avenir pour les autres Etats issus de la Yougoslavie, comme la Bosnie, la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, le Kosovo ?... Des milliers de soldats européens y stationnent pour tenter de maintenir une paix fragile, mais ils risquent de devoir rester très longtemps car cette région demeure une poudrière, notamment le Kosovo. Que les militaires servent à maintenir le cessez-le-feu et une sorte de paix, très bien. Mais cela ne suffit pas pour construire un avenir de paix. Pour cela, il faut des accords politiques entre gouvernements, un développement économique, du temps. Le Kosovo, par exemple, fait toujours partie officiellement de la fédération Serbie-Monténégro, mais la majorité des Kosovards, albanais d’origine, veulent l’indépendance... Et pour nous, ici, en Europe de l’Ouest, quel avenir ? La construction européenne est stoppée depuis le vote négatif au texte de constitution européenne... Voter non était une chose, mais quel projet cela porte-t-il ? Les choses ne sont pas claires là non plus...

Game Boy : à la poubelle !
Il y a quatorze ans, ma Lulu, je n’avais jamais vu de ma vie une “game boy”, et ne m’en portait pas plus mal. Aujourd’hui ces petites boîtes sont devenues les jeux préférés de millions d’enfants et d’adolescents fascinés par ce qui se passe sur de minuscules écrans. Je n’ai jamais joué à la “game boy”. Mais quand je te parle, Lulu, et que tu ne lèves même pas la paupière pour me regarder et m’écouter tellement tu es fascinée par ton jeu, j’ai envie de la mettre à la poubelle, ta game-boy.
C’est pareil pour la télé. J’ai beaucoup regardé le petit écran durant mon enfance et je sais qu’on y perd beaucoup de temps à regarder des émissions trop souvent vides d’intérêt. La télé est une forme de drogue, une drogue dure. Bien sûr, il y a des émissions intéressantes, quelques-unes, sur des ghettos comme Arte, la Cinquième, voire sur le service public... Mais la tendance dominante est à une télé réalité qui prône la compétition à tout crin, l’allégeance à des modes artificielles, à des stéréotypes totalitaires, à la consommation à outrance, au divertissement permanent au détriment de la découverte de la vraie vie...
L’été dernier, Lulu, tu as été enthousiasmée par une série télévisée appelée Dolmen. Les dolmen y étaient plutôt des menhirs et l’histoire était du genre frelatée. Mais quand je t’ai proposé de venir voir de vrais menhirs, de vrais dolmen, cairns et tumulus à quelques kilomètres, à Locmariaquer, mademoiselle a préféré rester jouer avec sa game boy...
Je n’ai que quarante ans et des poussières, Lulu. Bon, c’est probablement déjà très vieux à tes yeux... Mais j’ai compris que les appareils, les games boys, télévision, ordinateurs et autres, ne sont que des morceaux de plastics avec un peu d’électronique dedans, et de l’électricité. Ils n’ont pas de cœurs, pas d’expérience de la vie, pas de mémoire familiale, pas d’humour ni de tendresse, ni aucun sentiment. Une machine reste une machine et nous, nous sommes des êtres humains. Nous, toi, moi, tes parents, ta soeurs, ta famille, tes amis, et même tes profs... Nulle machine ne peut nous remplacer. J’ai appris aussi qu’aucun écran, qu’il soit de télévision, d’ordinateur ou de cinéma ne te montrera mieux la beauté de la vie et du monde, que tes propres yeux. Alors ne vivons pas nos vies par procuration devant nos postes de télévision, comme dit le chanteur, Jean-Jacques Goldman, en l’occurence.


Une goal de 80 ans !
L’été passé, j’ai joué au football. Déjà, ce n’est pas fréquent mais là, en plus, j’avais comme goal dans mon équipe une mamie de 80 ans. Tu te rends compte ? 80 ans. Bon, elle ne courrait pas beaucoup, mais quelle énergie, quelle “begon”, quand même. J’espère, quand j’aurais 80 ans, être capable de jouer au foot comme ça, avec toi, qui sait... Et j’espère que toi aussi, arrivée à ce bel âge, tu pourras également tenir les buts. Je te le souhaite, ma Lulu.
Gros bisous, et bon anniversaire.
14 ans ! Bizkoazh kement all !

Christian

Photo (C.L.M.) : Lulu, quelques mois après sa naissance, en train de manger un pissenlit.

Lulu, 14 vloaz !

Lulu : te zo ganet pewarzek vloaz zo, an c’hwec’h arnugent a Viz Gwenholon 1991. Piarzeg vloaz, neuze. Me lâr “piar” peogwir e vez lâret mod-se koste Krac’h, parrez a orin da dad, ma breur, ha me. Piar ha pas pevar pe pouar evel ma vez lâret e lec’hioù all... Met bon, n’eus ket mui kalz a dud a gomz brezhoneg e Krac’h, get an doare bourrapl se da zistag. Razh ma zud kozh a gomze brezhoneg a vihan, ha galleg ivez met te, Lulu, gouzout a res un tammig saozneg, latineg ha spagnoleg met ne gomzes ket yezh da gourdadoù na yezh da donton karet, me. Un dra boutin, “normal” eo, sanset... Met muioc’h mui a vugale a zesk brezhoneg er skol, eurusamant.
Ganet out bet piarzeg vloaz zo neuze, ma Lulu. Abaoe ar bloaz se, ma mamm gozh ha ma zad kozh, brezhonegerioñ anezhe, zo aet kuit. Da dud kuñv. Ha traoù all 'deus chanjet. Tri ugent vloaz zo ar bouponned a zeue war an douar er ger, sikouret get ur medisinour pe un amiegez, pe get tud ar vro. Ma zud, da dud kozh, zo ganet e Krac’h. Ma mamm e kreiz ar vourc’h, ha ma zad e Kerchikan, ur geriadenn tost d’ar vourc’h... Kerchikan, nag un anv drol. Marteze, tud ar geriadenn se en em chikane alies... Hag e tennomp dezhe ?


Krac'h, An Alré, Gwened... hag al lerc'h ?
Goude an eil brezel bed ar mammoù oa bet kaset d’en ospital en Alre. Da dad zo ganet du hont ha te, Lulu ivez. Met echu eo, serret eo bet ar stal se ha, bremañ, emañ monet betek Gwened... Krac’h, An Alre, Gwened, hag ar lerc’h ? Roazhon, Naoned, Paris ?... Serret vez muioc’h mui a ospitalioù bihan evit nompass fondiñ re a argant get ar Stad... Ha paseet vez nebeutoc’h nebeut ag amzer get ar mammoù en ospitalioù. Hervez ar pezh m’eus lennet war ur gazetenn, ur raktres zo da lakaat ar mammoù da chom un devezh hepken en ospitalioù ! Ha donet en dro da gulvoudein er ger, evel ma veze graet gwezhall ? Perak pas, benn ar fin, mard eo aozet mat an traoù, get tud a vicher ec’h ober ar dro ar mammoù e toug ?

Me, ne oan ket en Alre pand out ganet. Pell e oan, e Yougoslavia e lec’h ma kroge ur brezel spontus. Bet oan du hont ec’h ober reportajoù a ziar benn tud a laboure evit ar peoc’h hag evit an demokratelezh du-hont, koste Kroatia ha Slovenia. Ar pezh oa diaes memestra. Enebour ar peoc’h eo ar brezel, met ivez enebour an demokratelezh hag ar frankiz. Bremañ, Slovenia zo deuet barzh an Unanviezh Europa, met peseurt dazont evit ar broioù all, evel Serbia, Kosovo, Bosnia, Makedonia ? Ur bochad soudarded ag Europa zo bet kaset enno da sioulat an traoù, ha chom a rint pell, d’am sonj. Ar C’Hosovo zo c’hoazh ur rannvro a Serbia, met an Albaned, al lodenn vrasan ag ar bobl, a faota dezhe sevel ur vro distag, digabestr... N’eo ket sklaer an dazont er Balkan. Nag evidomp ni. Ar Fransision o deus lâret nann d’ar referundum evit ar “gonstitution Europa”. Hag ar lerc’h ? Peseurt raktress a zo, get ar re deus votet “nann”? N’eo ket sklaer ivez...


Gamoù boy milliget...
Piarzeg vloaz zo, ma Lulu, n’am boa ket bizkoazh gwellet ur “game boy”. Ar vugale a c’hoari alies get ar voestoù bihan-se bremañ. M’eus ket komprenet c’hoazh penaos a rit c’hwi evit gwellout ar pezh a zo war ar skrammoù bihan se... A wezhoù, Lulu , te zo staget doc’h ar game boy milliget se ha n’eus ket tu da gomz genit, evel ma vehes hipnotised, saouzanet. Ne blij ket din an dra se, me lar dit, ha n’eo ket seven nompass selaou an dud a gomz dit, ma Lulu... N’out ket da unan evel se. Ur bochad bugale ‘vez hipnotised ivez eldout, met n’eo ket un digarez.
Ar miam tra eo get an tele, ar skinwell. Me, m’eus paseet re amzer dirak an tele pa oan yaouankoc’h; ha gouzout a ran penaos e vez kollet re amzer geti. Traou brav hag interesus a zo war ar skinwell, ne lâran ket. Met ivez ur bern konerioù a bep sort evel “Enezenn an temptassion”, “Fear faktor”, “An dachenn”, ha c’hoazh. Bamet oas dirak Dolmen, filmoù brein skignet war TFunan an hañv paseet. Menhir ha dolmen gwir zo er vro-mañ ha m’eus kanniet dit monet d’o gwellet e Lokmariaker. Met non, kavet peus bourraploc’h chom vreiñan war da welle, e c’hoari get da game boy...

Nemet daou ugent vloaz on met komprenet m’eus un dra bennak, memestra. Ar gammoù boy, ar postoù tele, an urzhiaterioù, ar skrammoù, n’int ket nemet tammoù plastik get un tammig elektronik e barzh. N’int ket met benvegi. N’o deus ket kalon, na karantez, na fent, na skiant prenet, na santimantoù, nag empenn... Ni zo tud. Te ha me, da dud, da dud kozh, da c’hoar vihan, da vignonned, da gelennerion... N’eus skramm ebet, nag urzhiataer ebet a c’hellehe kemer hor flas. Ha n’eus skramm ebet a c’hellehe diskouez dit ar vuhez, an dud hag an natur, gwelloc’h evit da daoulagad ha da galon.


An hañv paseet, c’hoariet m’eus football get ur vamm gozh, piar ugent vloaz anezhi. Ya, piar ugent vloaz. Ur vamm gozh a zo e chom e Bro Gerne, tost da Gemperle. Hoonezh zo chomet barzh ar but, ar palioù, hep redek kalz met bon, begon oa geti memestra ! Spi m’eus e c’helliñ-me c’hoari football genit Lulu, pa m’bo piar ugent vloaz ivez. Ha spi m’eus e c’hellay te ivez c’hoari football, pa po piar ugent vloaz !
Ale, deiz a bloaz laouen mat, ma Lulu ha pokoù bras.
Piarzeg vloaz : bizkoazh kement all !

Christian Le Meut

Skeudenn : Lulu, war-dro pewar miz goude bout ganet, e tebrin ur hwerizionen. Nag ur goantenn dija !

19/09/2005

Le nouveau guide de ressource sur la non-violence

L'association Non-Violence Actualité vient d'éditer son nouveau Guide de ressource pour faire face aux conflits. Cette
association existe depuis 1978. Elle édite une revue bimensuelle et diffuse toute sorte d'outils de formation et de conscientisation : livres, vidéos, DVD, jeux coopératifs de table (où l'on agit ensemble dans un but commun et non les uns contre les autres), ou jeux coopératifs d'extérieur, affiches, etc. Ce guide comprend plusieurs parties : éducation (apprendre la relation et la gestion des conflits à l'école, à la maison...); l'apprentissage coopératif; les violences : comprendre pour agir (violences entre personnes, au travail, à l'école, en famille, violences urbaines); livres pour adultes (biographies, essais) et des livres pour enfants. Cette association conçoit la non-violence comme une forme de gestion des conflits et de l'agressivité.

Ce guide peut être commandé à NVA, BP 241, 45202 Montargis cedex - tél : 02.38.93.67.22.
www.nonviolence.actualité
nonviolence.actualite@wanadoo.fr 

17/09/2005

Reportajoù interesus war F3 adalek disul

"Brezhoneg e 6 miz" ur film-kazetenn e 5 pennad 13', unan bep sul, azalek disul 18/09 da 11e50, war Frañs 3 Breizh.

synopsis : 1añ a viz Here 2003, e maner Keranden e Landerne, kentañ devezh ar stummadur hir e brezhoneg kinniget gant Stumdi. 35 a dud deuet a zo o sellet an eil ouzh egile kurius, lod a seblant bezañ nervus awalc’h. O dervezh distro-skol eo. War-lerc’h ur stummadur puilh a 6 mizvezh, 35 eurvezh bep sizhun, hag a-drugarez d’ar brezhoneg, o deus fiziañs da gaout ul labour e brezhoneg. E-doug ar c’hwec’h mizvezh-mañ em eus filmet pemp stajiad, dezho personelezhioù, orinoù, ha c’hoantoù a-bep seurt.En tu all d’o c’hoant da labourat e brezhoneg, emaint amañ evit un afer a santimant. Ezhomm zo, a-benn deskiñ ur yezh ken disheñvel hag ar brezhoneg e vo dav dezho poaniañ hardiz, savet ha skoliataet m’int bet e galleg. Klask a reont implij ar brezhoneg e-maez ar c’hentelioù, cheñch a ra o sell war ar bed brezhoneg a-wechoù. Dre ma teskont brezhoneg e vezont cheñchet int-i o-unan ivez.

A partir de dimanche 18/09 F3-Bretagne diffuse une série de cinq reportages sur des personnes suivant une formation de six mois à temps plein, à la langue bretonne avec l'association Stumdi. Cette série a été réalisée par Ronan Hirrien. Elle suit l'évolution des stagiaires au cours de leur six mois de formation, et leur relation à la langue bretonne.
A 11h50 chaque dimanche sur F3-Bretagne et en français le samedi 15 octobre après-midi sur F3 Ouest.

16/09/2005

Kentelioù brezhoneg war TF1 a-benn nebeut ?

An aotrou Le Lay zo bet aterset get ar gelaouenn nevez anvet “Bretons”, niverenn miz Gwenholon mañ... “N’on ket Gall eme Patrick Le Lay, me zo Breton. Un estranjour on me pa z’on e Frans”... Ha pennrenour TF1 da lâret ivez traoù kriz a ziout Frans hag ar brezhoneg. Hervez Patrick Le Lay ur “génocide culturel” zo bet graet get Frans a enep hor yezh... “Sevenadur Breizh n’en deus ket droad da vout”, a lâr ivez Patrick Le Lay. Kazetennoù zo, evel Libération pe Le Monde, deus embannet un lodenn ag ar pezh lâret get Le Lay, met hep monet pelloc’h...
Neuze Patrick Le Lay en em senta Breizhad ha pas Gall, e zoare da welled an traoù. Droad en deus da lâret an dra-se ma faota dezhan... Me, en em sentan Breizhad ha Gall, hag European, ha mab den, hag ur bern traoù all. Gwir eo lâret : Stad Gall n’eus klasket lazhiñ ar brezhoneg hag ar yezhoù rannvroel all, dre ur bochad lezennoù. Met ur Stad zo un dra; ur bobl, ur sevenadur, un istor, ur yezh zo traoù all. Evidon me, bout Gall ne dalv ket bout a du get razh ar pezh graet abaoe kantvedoù get ar Stad gall hag get ar Frañsision met bout mab un istor mesket, keijet, etre Frans, Breizh, Europa, ha c’hoazh...

“Génocide pe ethnocide ?”
An aotrou Le Lay a gomz ag ur “genocide culturel”. Ne gavan ket just ar ger se “génocide” evit diskouez ar pezh a vez graet e Breizh hiziv an deiz c’hoazh. Ur genocide zo un dra all, pa a glask ur gouarnamant (pe ur gallout bennak) lazhiñ ur bobl, pe ul lodenn ag ar bobl evel ar Juifed en Alamagn, an Tutsi e Rwanda (met ivez an Hutu ne oant ket a-du get ar gouarnamant) hag an Armenied e Turkia... Krizoc’h eo, memestra. Ni, Bretoned, omp chomet bev evit stourm, resistiñ, en em sevel ma faota deomp-ni, deskiñ ha komz brezhoneg daoust d’al lezennoù gall. Klasket eo bet get ar Stad lazhiñ ar yezhoù rannvroel, sur eo, met ur ger e galleg evit an dra se : “ethnocide”. Da lâret eo klask lazhiñ ur sevenadur hep lazhiñ an dud.
Traoù gwir zo bet laret neoazh get Patrick Le Lay d’ar gelaouenn Bretons. Met re bell a ya getan, d’am sonj. Ha n’on ket sur e vimp komprenet gwelloc’h e Paris goude bout lâret an traoù mod-se getan..
Dipited eo bet renour TF1 get TV Breizh. Gwir eo lâret n’eo ket bet sikouret kalz TV Breizh get ar CSA, conseil supérieur de l’audiovisuel a gaos ma oa ur chadenn skinwell a Vreizh, ur chadenn “kommunotarist”... TV Breizh oa, e penn kentañ, un tele a galite get traoù e brezhoneg ivez. Nebeutoc’h a galite ha nebeutoc’h a vrezhoneg a zo bremañ, met sellet vez ar chadenn se get muioc’h a dud e Frañs a bezh...
Abaoe c’hwec’h vloaz savadurioù, embregerezhioù ha studioioù zo bet savet, tud zo bet gobret, argant zo bet dispignet get Le Lay hag e vignonned evit sevel amañ, e Breizh, abadennoù skinwell... Hag o deus gounezet argant, ar re se ? N’eo ket sur. Met, a-gres dezhe, doublet vez filmoù, tresadennoù bev, rummadoù filmoù ar pezh a gont evit ar re yaouank a zesk brezhoneg hiziv an deiz.


Sikouriñ Kaka Kola ?
Met diaes eo kompreñ an aotrou Le Lay memestra. Hennezh zo e penn ar chadenn TFunan... Ar chadenn skinwell spontusan e Frans (get M6). Daou vloaz zo, Patrick Le Lay n’doa lâret a oa micher TFunan, lakaat pennoù an dud da vout dijapl evit ar pub, ar vruderezh ! Sikour Kaka Kola da werzhiñ he evajoù, nag ur pal sevenadurel ! D’am sonj-me, TF1 a lak an dud da vout sotoc’h. Amouediñ ar bobl a zo he fall, evit gwerzhiñ konerioù..
Moian zo kinnig traoù a galité d’an dud, skignañ filmoù hag abadennoù bourrus ha kentelius. Met petra vez graet get TFunan : filmoù breiñ evel Dolmen ! Daouzeg million euro fondet evit an Dolmen milliget-se ! Hag e vez graet reportajoù ha filmoù geti evit diskouez buhez pemdeziek an tud ? Ya, get Yann-Ber Pernot da greisteiz: traoù kozh, traoù folklorel a blij dezhan, sur awalc’h... Ur vro liessevenadurel eo Bro Frans abaoe pell met penaos ‘vez diskouezet an dra-se war TFunan ? Folkloroù ne lâran ket. Hag ar re zu, ar re ginnidig ag ar Vaghreb, penaos e vez diskouezet ar re se war TF1 ?
Labour zo ganeomp amañ, e Breizh, aotrou Le Lay, evit lakaat ar brezhoneg da vonet araok. Met labour zo ganeoc’h ivez. Perak nompass kinnig kentelioù euskarreg, okitaneg, elzasianeg, war TF1 ? Diskouez d’ar Fransision emañ bew hor yezhoù, ar pezh n’eo ket anavet get kalz dud e Frans... Ma faota deoc’h gopriñ ur c’helenour brezoneg unan a feson zo war Radio Bro Gwened, Albert. Sonjit ta, ne vehe ket fall, ur gentel brezhoneg etre Stareak Akademi ha Kaoc’h Lanta !
Christian Le Meut

11/09/2005

Bientôt un cour de breton sur TF1 ?

M. Patrick Le Lay, P-D.G de TF1, a fait de déclarations fracassantes au magazine “Bretons” de ce mois de septembre, accusant la France de “génocide culturel” à l’égard de la langue bretonne. Il a déclaré également ne pas être “Français mais Breton” et se sentir “étranger quand il est en France”... Patrick Le Lay ne parle pas la langue bretonne que parlait son grand-père de Loctudy dans le Finistère. “Je ne parle pas la langue de mon grand-père” dit-il, et pourtant je n’ai pas quitté mon pays"... Et le PDG de TF1 de parler de “terrorisme intellectuel”... “Il n’y a pas plus grand crime contre l’humanité, en dehors de tuer les gens, que de tuer leur langue”, rajoute-t-il...
Ces déclarations ont été reprises brièvement par quelques journaux, comme Libération et Le Monde, qui n’ont, pour l’instant, pas cherché à aller plus loin à ma connaissance. TF1, et LCI, ont-elles repris les déclarations de leur patron?

Du bilinguisme à l'unilinguisme : merci la France !
Si un grand-père de M. Le Lay parlait breton, ce sont, en ce qui me concerne, mes quatre grands-parents qui avaient le breton pour langue maternelle, tout en sachant le français également. Nous n’avons, nous non plus, pas quitté notre pays, attachés à la Bretagne comme des berniques à leur rocher. Pourtant presque plus personne ne parle breton dans la famille. En deux générations, nous sommes passés du bilinguisme breton-français à l’unilinguisme : c’est ça le progrès républicain ? La transmission ne s’est pas faite et le “terrorisme intellectuel” dont parlait Patrick Le Lay est passé par là... La situation de M. Le Lay, nous sommes de centaines de milliers à la vivre en Bretagne; un peu exilés de l’intérieur. Car c’est bien notre langue d’origine que l’on nous a coupée, avec tout son contenu historique, humain, affectif, toute une façon de voir le monde et de l’exprimer que l’on nous a volée, oui, volée, et que les institutions françaises nous ont, trop longtemps, interdit d’approcher. Durant mon enfance je n’ai que très peu entendu parlé breton : aucune place à l’école, des miettes dans les médias. Une exclusion généralisée, officielle.

Génocide ou ethnocide ?
Pour autant, l’expression de “génocide culturel” me gêne. Ce terme est utilisé souvent, certes, mais il correspond à la définition d’un autre mot, “ethnocide”. On supprime une culture sans supprimer la population qui la portait... “Ethnocide” est moins fort que “génocide”, mais il est plus juste dans la situation de la Bretagne, à mon avis. moins “choc”, mais moins porteur d’ambiguités. Les génocides sont perpétrés par des gouvernements, des pouvoirs en place, en vue de supprimer tout ou partie de leur population : les Juifs et les Tziganes par les nazis; les Tutsis et les Hutus démocrates par la dictature rwandaise en 1995; les Arméniens par la dictature turque il y a un siècle; les Cambodgiens que les Khmers rouges voulaient rééduquer... Assimiler ces massacres de grandes envergures aux politiques délibérées d’élimination d’une langue où personne n’est tué (quasiment), n’est pas juste et ne sert pas à décrire précisément ce qui se passe ici, en Bretagne, encore aujourd’hui. Mes quatre grands-parents sont morts de mort naturelle, et j’ai pu en connaître deux. C’est quand même mieux que s’ils avaient tous fini dans les chambres à gaz !
Cela dit, aucun Etat, surtout s’il se prétend démocratique, n’a le droit de pratiquer un ethnocide, de vouloir supprimer une ou plusieurs langues parlées sur son territoire. Les textes internationaux concernant les droits de l’Homme sont clairs là-dessus... Mais la France s’est bien gardé d’en signer certains...

TV Breizh boycottée par le CSA
Je partage probablement une colère proche de celle de Patrick Le Lay par rapport à ce que la République française a fait contre la langue bretonne et contre les autres langues régionales. Mais je constate que la situation évolue un peu depuis vingt ans et, malgré tout, l’Etat finance aujourd’hui l’enseignement du breton dans les écoles bilingues, même s’il le fait à reculons... La pression vient d’en bas car, en haut, la République française ne se résout toujours pas à ratifier et appliquer la Charte européenne des langues minoritaires, signée par Jospin en 1998, mais retoquée par le Conseil constitutionnel.
Cette même colère peut m’aider à comprendre aussi le point de vue d’autres hommes en colère envoyés devant les tribunaux. Mais il faut dénoncer clairement la violence et le terrorisme, ce que fait Patrick Le Lay. Il a lui même montré que l’on peut faire avancer les choses pacifiquement en créant TV Breizh. Son amertume et sa colère viennent sans doute aussi du fait que cette télévision de qualité n’a obtenu aucune autorisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Aucune. Ni pour la TNT, ni pour des fréquences hertziennes locales comme à Nantes, alors même que des millions étaient investis pour créer, en Bretagne des studios et sociétés de production. TV Breizh a réduit sa part bretonne; elle a baissé en qualité et augmenté en audience sur l'ensemble de la France. Les sociétés audiovisuelles installées ici ont bien du mal à se maintenir mais l’outil de production est bien là. Des dessins animés, des films et des feuilletons ont été doublés en breton, ce qui est très important pour les jeunes générations qui apprennent la langue et auxquelles France 3 apporte trop peu d’émissions en breton...


On enterre bien Malraux
Je ne doute pas une seconde de la sincérité des propos de M. Le Lay concernant la langue bretonne, mais ils auraient beaucoup plus de portée et de crédibilité si TF1 ne véhiculait à travers ses émissions des valeurs très contestables comme la compétition permanente, l’attachement servile aux apparences, l’absence de curiosité intellectuelle, le divertissement permanent au détriment de la formation personnelle et citoyenne. André Malraux considérait la télévision comme, je cite “un instrument de partage culturel”... Quelle sorte de culture partage TF1 ? Et quelle image de la France véhicule cette chaîne et notamment le journal télévisé de Jean-Pierre Pernault ? Une France très folklorique et folklorisée. Cette chaîne est loin de montrer la diversité culturelle sur laquelle la France a été bâtie, de la Corse au Pays Basque en passant par l’Alsace, la Normandie et la Franche Comté; elle est loin aussi d’en montrer la diversité actuelle avec toutes les populations issues de l’immigration...

Si au moins, TF1 avait fait prendre conscience aux millions de Français et Français qui l’ignorent que les langues régionales sont des langues encore parlées, encore vivantes, les déclarations de M. Le Lay seraient cohérentes avec sa pratique. On en est loin ! M. le P.-D.G. de TF1 pourrait glisser un cour de breton dans sa grille d’émissions. Imaginez donc avec moi, M. Le Lay, cinq minutes de breton entre la Star réac academy et Kaoc’h* Lanta, ça remonterait le niveau intellectuel de vos émissions, non ?

Bon, pour ce qui est l’audience, c’est moins sûr !

Christian Le Meut

* Kaoc'h : pour celles et ceux qui n'auraient pas de dictionnaire de breton à la maison (il y en a un sur le net), mot en cinq lettres commençant par M...e