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22/10/2005

“Bretagne, centre du monde habité !”

Petit complément à l'article "Nos ancêtres les Gaulois..." : Adolescent, j’écoutais le chanteur Alan Stivell. Dans un très beau chant appelé “Délivrance”, il parlait d’un Bretagne rêvée, indépendante, protectrice des personnes opprimées, de la nature, et... “centre du monde habitée”... Comment peut-on se représenter la Bretagne comme le “centre du monde habitée” me demandais-je ? Et bien certains géographes y sont arrivés en tronquant l’Australie, une partie de l’Afrique et de l’Amérique latine. Cette carte figure dans “L’Atlas historique de la Bretagne”, édition de 1986. Elle a été enlevée d’une réédition plus récente... Mais finalement chaque peuple ne se prend-il pas pour le centre du monde ? Et chaque Etat ? La France et l’Europe ne sont-elles pas au centre de nos représentations cartographiques ? Et surdimensionnées par rapport à leur surface réelle?
Christian Le Meut

04/10/2005

La Turquie, pas en Europe ?

Le débat sur l’admission ou non de la Turquie dans l’Union européenne m’a rappelé une rencontre faite lors d’un voyage au Kosovo. Le Kosovo est en Europe, entre l’Albanie et la Serbie. J’y suis allé en 1995 avec des amis et, un jour, nous avons été accueillis par une famille dans la ville de Prizren, au sud du Kosovo. Cette famille albanaise parlait donc l’albanais et nous communiquions en anglais avec la jeune femme qui nous avait invités. Mais la mère de celle-ci, la grand-mère donc, parlait une autre langue, inconnue de nous. Le turc, langue quotidienne dans cette famille. Cette langue est encore parlée dans ce coin de l’Europe depuis des siècles. La Turquie ottomane a occupé le Kosovo et les Balkans pendant environ cinq siècles, pas moins...

Avant d’affirmer, comme le font certains opposants à son entrée dans l'Union européenne, que la Turquie n’est pas géographiquement en Europe, il faudrait peut-être repenser nos façons de voir l’Europe. Vous avez sans doute appris à l’école, comme moi, que la Terre compte cinq continents : Asie, Europe, Afrique, Amérique et Océanie... Mettons. Mais, si je lis bien la définition de ce qu’est un continent dans mon dictionnaire Larousse, je découvre ceci : “Vaste étendue de terre que l’on peut parcourir sans traverser la mer”. La définition correspond à peu près pour l’Australie, l’Amérique et l’Afrique, mais pas pour l’Europe et l’Asie... Qui ne font qu’un ! On peut les parcourir de Brest à Pékin, de Lisbonne à Vladivostok, sans traverser aucune mer.

Un "continent européen" ?
Le “continent” européen, d’un point de vue géographique, est une vue de l’esprit. Certains atlas utilisent d’ailleurs le nom Eurasie pour définir ce vaste continent qui va de Brest à Hanoi. Et c’est eux qui sont dans le vrai.
Nous avons appris que l’Oural et le Caucase sont les frontières Est de l’Europe... Mais au nom de quoi ? Pourquoi pas les Pyrénées ou les Alpes ? D’après ces frontières virtuelles la Tchétchénie se trouve donc en Europe, mais pas l’Arménie ou la Géorgie voisines... Si la Turquie n’y est pas, la Russie y est-elle ? La majeure partie de la Russie est hors de l’Europe. Par contre la Guadeloupe, La Réunion, La Martinique, Mayotte, la Guyane sont dans l’Union européenne. On y paye ses achats en euro... Et la Turquie ne pourrait pas entrer dans cette Union ?
Les frontières de l’Europe géographique n’en font pas un continent. Pourquoi nos ancêtres les ont-elle inventées, alors? Parce qu’ils pensaient, peut-être, être le centre du monde ? Pour ne pas se mélanger avec ces populations hérétiques qu’étaient les Arabes, Turcs et autres Chinois ? Peut-être aussi pour s’auto-persuader que l’Europe est réellement un continent, avec sa propre entité, sa propre unité... Sa propre supériorité ?

Quelle unité européenne ?
Mais qu’est-ce que l’Europe, si elle n’est pas géographique ? Un patrimoine historique ? L’histoire de la Finlande et celle de l’Espagne n’ont sans doute pas grand chose en commun. Linguistique ? Là aussi la diversité est de rigueur... Religieuse ? Certes, l’histoire européenne est marquée par le christianisme (catholique, orthodoxe, protestant, mais aussi cathare, etc), mais le judaïsme et l’islam y ont aussi eu leur place, ainsi que l’athéisme et les religions pré-chrétiennes, celtes, romaines, grecques... Et puis l’on constate également que les Chrétiens entre eux savent très bien se faire la guerre comme l’ont démontré les Irlandais du Nord, les Serbes et les Croates, ces dernières décennies, ainsi que les multiples guerres de religion qui parsèment l’histoire européenne...

Un projet politique
Alors, quelle unité ? Politique ? Non, républiques et royaumes se côtoient... Démocraties et dictatures aussi.
Mais depuis 50 ans cependant, l’Europe signifie quelque chose. Des Etats démocratiques se mettent ensemble pour bâtir un espace économique mais aussi politique. Ils élaborent des lois sur le commerce, sur la monnaie, les droits de l’Homme, l’environnement, les conditions de travail. L’Europe prend corps et, depuis tout ce temps, elle a maintenu la paix en son sein (mais elle n'y est pas forcément parvenue dans les Balkans)... Alors pourquoi ne pas accueillir, même dans dix ou vingt ans, la Turquie si ce pays accepte de respecter les règles européennes ? S’il avance dans le respect des droits humains, s’il aménage les droits de ses minorités que sont, notamment, les Kurdes ? Certes, l’armée turque a encore une trop grande place dans les institutions turques, les droits de l'Homme et de la Femme n'y sont pas encore garantis, mais ce pays modifie ses lois, depuis des années, pour correspondre au cadre européen, aux lois de l'Union européennes. La situation peut évoluer dans un sens positif et la Turquie peut entrer dans l’Union européenne.
Cela dépend aussi de nous.
Christian Le Meut

28/09/2005

Emile Masson (1869 - 1923) : "professeur de liberté" et précurseur de la non-violence

Qui était Emile Masson ? Écrivain, poète, penseur libertaire, anarchiste et socialiste, pacifiste et non-violent, écologiste et féministe avant l’heure, pédagogue d'avant-garde, défenseur de la langue bretonne : la liste est longue des qualités de cet homme là, injustement oublié et que plusieurs ouvrages font redécouvrir.


Emile Masson est né en 1869 à Brest et mort à Pontivy en 1923. En 1898, il habite à Rennes où le capitaine Dreyfus est jugé. Il prend sa défense avec son ami Charles Péguy, dont il s’écartera quand celui-ci virera vers le nationalisme. Jeune enseignant, Emile Masson monte des universités populaires pour instruire les ouvriers et les paysans, passe le Nouvel an avec une famille d’ouvrier, au grand dam de la bonne société de Loudun, ville où il enseigne à l’époque. Il se marie en 1902, avec une Galloise, Elsie, très proche de ses idées et admiratrice, comme lui, du penseur britannique John Ruskin. Elsie et Emile Masson traduisent en français les oeuvres et lettre du poète britannique Carlyle (1795-1881).

Une maison ouverte
En 1904, le couple emménage à Pontivy, ville qu’ils ne quitteront plus. Là, Emile Masson enseigne l’anglais à ses élèves. Il a dans ses classes les enfants de la bourgeoisie pontyvienne, externes et francophones, et ceux de la paysannerie des environs, bretonnants de langue maternelle pour beaucoup et internes qui s’intègrent difficilement dans le lycée publique qui pratique la pédagogie par immersion, en français exclusivement... C’est à leur contact qu’Emile Masson apprend le breton, en échange de cours particulier d’anglais, et se révolte face à la situation faite à la langue bretonne.

Dans les actes d'un colloque consacré à Masson en 2003, à Pontivy, John P. Clark, professeur de philosophie à la Nouvelle Orléans, estime que "La question de la préservation des langues traditionnelles est centrale pour Masson. Il rejette l'idée d'un progrès qui décrèterait une uniformité universalisante et soutient que les révolutionnaires doivent parler le langage du peuple qui, dit-il, a été stupidement laissé aux réactionnaires" (1). A l'époque, en effet, les défenseurs du breton se situe plutôt du côté de l'Eglise et des conservateurs. Masson ne veut pas leur laisser la langue bretonne mais l'utiliser pour faire avancer ses idées de progrès social, de dignité humaine, de fraternité. "La langue d'un peuple, c'est la peau de son âme" écrit-il en 1913. Cela n'empêche pas ce polyglotte de soutenir la diffusion de l'espéranto, langue internationale créée quelques années auparavant.

La maison est ouverte et Emile Masson s’occupe de ses deux enfants : un père de famille qui change les couches de ses deux garçons, s'occupe du ménage, cela ne devait pas être très fréquent à l’époque. Il conçoit le mariage comme une "fusion des âmes", un accord volontaire, et non obligatoire, entre "deux personnes égales et libres". Professeur, ses méthodes sont originales pour l’époque. Il est proche de ses élèves, pratique une pédagogie trilingue (français, anglais, breton) et obtient de bons résultats. La hiérarchie le laisse donc faire... Pédagogue, il refuse la violence mais pas la notion d’autorité : “Dans la société future, sans dieux ni maîtres, que se passera-t’il ? L’absolu liberté des individualistes, c’est l’oppression assurée des plus faibles, car qui croit à l’harmonie spontanée entre les hommes ?”. "Hiérarchies et anarchie ne sont pas pour moi inconciliables - au contraire !... Il suffit que les héros soient de vrais héros, c’est-à-dire n’éprouvent pas le besoin anti-héroïque de traiter les hommes en choses”...

Les origines de la guerre par Masson
Masson, qui refuse de voter, critique fondamentalement la société capitaliste et militariste de son époque, en des termes encore pertinents aujourd’hui : “Chaque nation est comparable à un enclos gardé par des soldats où des accapareurs entassent toutes sortes de richesses et même les êtres humains qui produisent ces richesses. L’intérêt de ceux qui dominent et qui accaparent est de maintenir et de fortifier leur puissance. Le moyen le plus sûr et le moins dangereux pour eux-mêmes, c’est de représenter les hommes des nations voisines comme des êtres arriérés animés de desseins les plus pervers , ou bien d’essence humaine tout à fait inférieure moralement. Quand les hommes d’une nation quelconque sont persuadés que ceux de la nation voisine sont des espèces de fauves affamés de proies vivantes ou des bandits qui n’ont d’autres raisons ou moyens de vivre que le crime, l’agression, le vol... Il est bien naturel qu’ils se mettent en garde contre ces fauves, ces bandits, et même en devoir de les pourchasser jusque chez eux...” (extrait de ”Irlande et Bretagne, écrit en 1916”, cité dans "Emile Masson, professeur de liberté").

Ami de Péguy, Romain Rolland, Kropotkine...
Correspondant avec des écrivains comme Charles Péguy et Romain Rolland, des intellectuels libertaires comme le prince Kropoktine, Marcel Martinet et Gustave Hervé, et des écrivains bretons comme Fransez Vallé, l’abbé Le Goff ou Loeiz Herrieu, il décide, en 1913, de créer une revue bilingue, Brug ("bruyère"), afin de sensibiliser les masses bretonnantes du Morbihan aux idées nouvelles (socialistes, libertaires...). Il réunit un réseau de collaborateurs écrivant en breton. Les articles de Brug, publiés en plusieurs dialectes du breton (le vannetais, le trégorrois...) traitent de la condition ouvrière et paysanne de l'époque, du statut de la langue bretonne, du statut de la femme. Brug est un succès : de 500 exemplaires au départ, la revue tire bientôt à 2.200 exemplaires quand arrive la guerre de 1914, qui signe la fin de cette expérience. A l’époque, rares étaient les intellectuels républicains et laîcs à s’adresser en breton aux gens du peuple. Brug manifestait un attachement double, à la “petite nation”, la Bretagne, et à sa langue, d’une part, et à la “France” de la révolution de 1789, d’autre part.

Contrairement à beaucoup de ses amis, comme Gustave Hervé, Emile Masson ne rallie pas L’Union sacrée en 1914 et continue à dire son opposition à la guerre : disciple de Tolstoï, il poursuit sa correspondance avec Romain Rolland, célèbre écrivain qui publie des appels à la paix et contre les nationalismes armés, en pleine guerre. "Je sais que les armées alliées sont pleine d'âmes nôbles qui veulent mourir pour que la vie vaille la peine d'être vécue. Mais je n'ignore pas que de telles âmes ne manquent pas non plus dans les rangs ennemis.(...). Est-ce que la guerre qui oblige à s'entre-tuer des hommes pareils n'est pas le pire des crimes ?", écrit-il en 1917 (2).
Malade à partir de 1909 (neurasthénie), Emile Masson ne peut pas continuer son action une fois la guerre terminée. Lucide, il ne cède pas aux sirènes de la révolution bolchevique de 1917 en Russie. “Ce qui naît de la violence périra dans la violence”, pense-t-il. Il estime que la révolution commence par soi-même et que c’est par la maîtrise de soi, par l'exemple et par la pédagogie, que la société peut progresser.

Proche de la pensée gandhienne
Dans le même temps, Gandhi mène une lutte non-violente pour l’indépendance de l’Inde et la justice sociale. Né la même année que le Mahatma Gandhi, Emile Masson meurt en 1923, année où Romain Rolland publie un essai qui rendra célèbre la personnalité et la pensée de Gandhi dans le monde entier. Tombées dans l’oubli, la vie et l’oeuvre de Masson renaissent aujourd’hui et alimentent des réflexions encore contemporaines sur la fin et les moyens, sur la pédagogie et le rapport à l'enfant, sur le nationalisme et l’internationalisme, sur la révolution et le progrès, les langues régionales...

Masson lançait aux révolutionnaires de “rentrer chez eux” et que la révolution “c’est toi”. La révolution commence d’abord par soi-même : il rejoignait en cela la pensée de Gandhi. Il écrivait le 16 janvier 1915, dans une note destinée à ses fils : “Je place les vertus domestiques au sommet de toutes les vertus, en temps de guerre aussi bien qu’en temps de paix. Car c’est au feu du foyer, et non à celui du champs de bataille, que s’épanouit la fleur de l’héroïsme. Il m’a toujours paru qu’il fallait infiniment plus de courage pour élever un homme que pour en abattre dix”. Et, la même année, dans une lettre à son ami le poète André Spire : “La guerre, le meurtre, la violence ne résolvent rien. Seul l’exemple, mille et mille fois répété, d’énergies individuelles se refusant à tout acte de violence, peut et doit résoudre toutes les batailles de l’homme”.

"Fais-toi toi-même ce que tu voudrais que les autres soient. Tu voudrais que la justice règne ? Fais de toi un juste..." clame Emile Masson, en 1917, pendant le grand massacre.

Christian Le Meut

Bibliographie sommaire :
- Un dra bennag a zo da jeñch er bed, Emile Masson ha Brug, 1913-1914, Fañch Broudig, Ed. Brud nevez, 2003. Interesus bras. Fañch Boudig n'eus studiet ar sonjoù embannet get Brug; e fin e levr e kaver pennadoù embannet barzh Brug.
- Emile Masson, professeur de liberté, J-D. et M. Giraud, Ed. Canope, 1991. La biographie à lire absolument pour découvrir la vie d'Emile Masson.
- Emile Masson, prophète et rebelle, Presse universitaire de Rennes, 2005, actes d'un colloque qui s'est tenu à Pontivy en 2003. Vient en complément utile du premier.
Des ouvrages de Masson devraient être réédités prochainement par les Presses Universitaires de Rennes.

(1) Cité dans Emile Masson, prophète et rebelle, p.111.
(2) Cité dans Emile Masson, prophète et rebelle, p.63.

 

26/09/2005

Lulu, 14 ans

Lulu, tu es née voici 14 ans, le 26 septembre 1991.

Depuis cette date plusieurs anciens de la famille sont partis. Du côté de ton père, la totalité de tes arrières grands-parents étaient bretonnants de langue maternelle. De ces bretonnants qui disaient “piar” pour quatre, un tï pour dire maison ou ur “c’hï” pour un chien. Ils parlaient ce breton vannetais de la côte, avec une accent bien particulier, que plus beaucoup de gens ne parlent désormais dans leur deux communes d’origine, Crac’h et Ploemel. Toi, Lulu, tu ne parles pas le breton, et tu as sûrement beaucoup plus de notion d’anglais, de latin et d’espagnol que de notions de la langue de tes ancêtres. Il paraît que c'est normal. La langue bretonne est, ici encore, en Bretagne, largement mise à l'écart du système scolaire (hormis les écoles bilingues qui se développent heureusement). Il est encore cependant, du côté de Crac’h, Ploemel et Auray quelques personnes qui font de la résistance, qui parlent encore le breton ou l’apprennent. 7.000 pour le pays d’Auray, d'après les chiffres. Mais on n'entend plus beaucoup parler breton dans les rues de Crac'h, alors que c'était la langue majoritaire il y a une soixantaine d'année encore...
Il y a quatorze ans, Lulu, je ne parlais pas breton, juste quelques bribes. J’ai appris depuis, j’en suis bien content, et je continue d’apprendre. Je n’aime pas qu’on ait cherché à me couper de la langue maternelle de mes quatre grands-parents.


Crac'h, Auray, Vannes, et après ?
Il y a quatorze ans , Lulu, tu es née à Auray. Tes grands-parents paternels sont nés à Crac’h juste avant la guerre. Ta grand mère au centre bourg, fille de commerçant, et ton grand-père à Kerchican, juste en bas du bourg, chez les moins riches. Kerchican, quel nom. En breton, “chikannal”, c’est se quereller, se disputer, se bagarrer. Les gens de ce village étaient-ils particulièrement querelleurs ? En aurions-nous hérité quelque chose ? Mystère.
Ton père puis toi, Lulu, êtes nés à Auray quelques décennies plus tard mais désormais les bébés de Crac’h ne naissent plus à Auray, mais à Vannes. Il faut regrouper les maternités pour faire des économies. Mais quelle est la prochaine étape ? Rennes, Nantes, Paris, la lune ?... Les mamans restent désormais le moins longtemps possible dans les maternités, aussi pour des raisons d’économie. J’ai même lu dans la presse qu’un projet est en cours pour n’accueillir les femmes enceintes qu’une journée en maternité. Elles seraient préparées avant puis raccompagnées à la maison tout de suite après l’accouchement. Tels qu’on est là, on va bientôt réhabiliter l’accouchement à la maison et la boucle sera bouclée... Pourquoi pas, après tout, si cela se fait dans les conditions maximum de sécurité, et pas pour des raisons vilement budgétaires. Car l’Etat ferme des plus en plus de petits hôpitaux qui étaient répartis sur tout le territoire, soi-disant pour faire des économies. Mais des économies, je trouve qu’il y a d’autres endroits ou en faire, notamment du côté des dépenses militaires. Là-dessus, je n’ai pas varié depuis 14 ans, ma Lulu...


Balkans : de la guerre à l'incertitude
Quand tu es née, je n’étais pas à Auray, ni en Bretagne, ni en France, pour t’accueillir. J’étais parti en reportage en Yougoslavie, ou une guerre commençait. En Slovénie et en Croatie, pour être précis. J’étais allé y rencontrer des gens et des associations qui essayaient encore de parler de paix. Position difficile, car la guerre n’est pas que l’ennemi de la paix, elle est aussi l’ennemi de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression, l’ennemi de la démocratie et de l’intelligence. Quatorze ans plus tard, la Slovénie vient d’intégrer l’Union européenne. La Croatie y aspire... Mais quel avenir pour les autres Etats issus de la Yougoslavie, comme la Bosnie, la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, le Kosovo ?... Des milliers de soldats européens y stationnent pour tenter de maintenir une paix fragile, mais ils risquent de devoir rester très longtemps car cette région demeure une poudrière, notamment le Kosovo. Que les militaires servent à maintenir le cessez-le-feu et une sorte de paix, très bien. Mais cela ne suffit pas pour construire un avenir de paix. Pour cela, il faut des accords politiques entre gouvernements, un développement économique, du temps. Le Kosovo, par exemple, fait toujours partie officiellement de la fédération Serbie-Monténégro, mais la majorité des Kosovards, albanais d’origine, veulent l’indépendance... Et pour nous, ici, en Europe de l’Ouest, quel avenir ? La construction européenne est stoppée depuis le vote négatif au texte de constitution européenne... Voter non était une chose, mais quel projet cela porte-t-il ? Les choses ne sont pas claires là non plus...

Game Boy : à la poubelle !
Il y a quatorze ans, ma Lulu, je n’avais jamais vu de ma vie une “game boy”, et ne m’en portait pas plus mal. Aujourd’hui ces petites boîtes sont devenues les jeux préférés de millions d’enfants et d’adolescents fascinés par ce qui se passe sur de minuscules écrans. Je n’ai jamais joué à la “game boy”. Mais quand je te parle, Lulu, et que tu ne lèves même pas la paupière pour me regarder et m’écouter tellement tu es fascinée par ton jeu, j’ai envie de la mettre à la poubelle, ta game-boy.
C’est pareil pour la télé. J’ai beaucoup regardé le petit écran durant mon enfance et je sais qu’on y perd beaucoup de temps à regarder des émissions trop souvent vides d’intérêt. La télé est une forme de drogue, une drogue dure. Bien sûr, il y a des émissions intéressantes, quelques-unes, sur des ghettos comme Arte, la Cinquième, voire sur le service public... Mais la tendance dominante est à une télé réalité qui prône la compétition à tout crin, l’allégeance à des modes artificielles, à des stéréotypes totalitaires, à la consommation à outrance, au divertissement permanent au détriment de la découverte de la vraie vie...
L’été dernier, Lulu, tu as été enthousiasmée par une série télévisée appelée Dolmen. Les dolmen y étaient plutôt des menhirs et l’histoire était du genre frelatée. Mais quand je t’ai proposé de venir voir de vrais menhirs, de vrais dolmen, cairns et tumulus à quelques kilomètres, à Locmariaquer, mademoiselle a préféré rester jouer avec sa game boy...
Je n’ai que quarante ans et des poussières, Lulu. Bon, c’est probablement déjà très vieux à tes yeux... Mais j’ai compris que les appareils, les games boys, télévision, ordinateurs et autres, ne sont que des morceaux de plastics avec un peu d’électronique dedans, et de l’électricité. Ils n’ont pas de cœurs, pas d’expérience de la vie, pas de mémoire familiale, pas d’humour ni de tendresse, ni aucun sentiment. Une machine reste une machine et nous, nous sommes des êtres humains. Nous, toi, moi, tes parents, ta soeurs, ta famille, tes amis, et même tes profs... Nulle machine ne peut nous remplacer. J’ai appris aussi qu’aucun écran, qu’il soit de télévision, d’ordinateur ou de cinéma ne te montrera mieux la beauté de la vie et du monde, que tes propres yeux. Alors ne vivons pas nos vies par procuration devant nos postes de télévision, comme dit le chanteur, Jean-Jacques Goldman, en l’occurence.


Une goal de 80 ans !
L’été passé, j’ai joué au football. Déjà, ce n’est pas fréquent mais là, en plus, j’avais comme goal dans mon équipe une mamie de 80 ans. Tu te rends compte ? 80 ans. Bon, elle ne courrait pas beaucoup, mais quelle énergie, quelle “begon”, quand même. J’espère, quand j’aurais 80 ans, être capable de jouer au foot comme ça, avec toi, qui sait... Et j’espère que toi aussi, arrivée à ce bel âge, tu pourras également tenir les buts. Je te le souhaite, ma Lulu.
Gros bisous, et bon anniversaire.
14 ans ! Bizkoazh kement all !

Christian

Photo (C.L.M.) : Lulu, quelques mois après sa naissance, en train de manger un pissenlit.

06/09/2005

La Marseillaise obligatoire à l'école : "Aberrant et monstrueux"

L'Alliance Fédéraliste Bretonne (AFB - Emglev Kevredel Breizh), Bemdez, Breizh 2004, Le Collectif Breton pour la Démocratie et les Droits de l'Homme (Galv Karaez - Appel de Carhaix), Dalc'homp Soñj, Le Réseau des Bretons de l'Extérieur (RBE - Rouedad Bretoned an Estrenvro), et l'Union Démocratique Bretonne (UDB) "s’indignent de la décision, confirmée et précisée par la circulaire de rentrée publiée le mercredi 24 août, d’introduire dans l’enseignement d'éducation civique l’apprentissage obligatoire de l’hymne français et de son histoire.
L'enseignement des symboles de l’Etat français était certes déjà inclus dans les programmes officiels du primaire depuis 2002, mais les paroles de l'hymne n'étaient cependant pas systématiquement apprises jusque là (on notera d’ailleurs que, dans nombre d’Etats tels le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas ou l’Espagne, il n'existe aucune obligation de ce type).
Nos associations et formations politiques considèrent qu’il est aberrant et monstrueux que ce chant cocardier, aux paroles de violence et de haine renvoyant aux plus sanglantes périodes de l'Histoire et du colonialisme (« …Qu’un sang impur abreuve nos sillons… », « …Quoi, ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers… », «… S’ils tombent, nos jeunes héros, la France en produit de nouveaux, contre vous tout prêts à se battre… », «… Amour sacré de la Patrie, conduis, soutiens nos bras vengeurs… », «… Que tes ennemis expirants voient ton triomphe et ta gloire… ») puisse être enseigné à de jeunes enfants ! Cet hymne ne présente d’intérêt que pour les historiens et ne saurait constituer un vecteur de paix et de respect des Droits de l'Homme.
Nos organisations ne peuvent que se déclarer vivement inquiètes face à une décision, qui, après le vote de la loi sur « la présentation positive du colonialisme », traduit la volonté de colorer les programmes d’enseignement d'un nationalisme exacerbé.
Nous agirons pour que la Bretagne, terre de tolérance, de paix et d’ouverture sur l’Europe et le monde, soit épargnée par les délires chauvins de Fillon et consorts."

Ha c'hwi, petra sonjit a ziout an dra-se, larit ho sonj !

Et vous, qu'en pensez-vous ? Donnez votre avis.

Christian Le Meut

28/08/2005

Emile Masson (1869-1923) : "kelenner frankiz"

Piv oa Emile Masson ? Kelener saozneg, skrivagnour, barzh, prederour, peoc’helour, ekologour, brezhoneger, “feministour”, libertaer... Razh an traoù se, hervez a pezh e c’heller lenn hiziv an deiz a ziar e benn.

Ha gwir eo, pinvidik bras oa bet buhez Emile Masson met re verr. Masson zo ganet e Brest e 1869 ha marv eo e Pondi e 1923. Dimezet get ur vaouez a Gembre, Elsie, Masson oa tad daou mab. Unan, Michel zo daet da voud maer Pondi e bleadeu dek ha tri ugent. Emile Masson oa e chom e Roazhon 1899 pa oa bet barnet du hont ar c’hapitaine Dreyfus. Masson oa un “dreyfusard” get tud evel Péguy ha Zola. Dreyfus oa bet tamallet bout trahiset Bro Frans get pennoù bras en arme rak yudev oa anezhan, e lec’h un ofisour all, Esterhazy... D’ar prantad se tud a bep sort, kristenion, laikourion, libertaerion, sosialistourion o doa en em savet evit difenn Dreyfus hag ar wirionez, a enep un arme re grenv, hag a enep hag a enep ar rasism.

Gwenedeg desket get al liseidi
Masson oa bet studiour ha kelenner e Bro C’hall (Paris, Loudun, Saumur...) araok bout anvet Pondi, e 1904. Eno, Masson n'doa gwellet an difor etre liseidi a Bondi, gallegerion ha bourhision, hag ar re all, liseidi ag er maezioù, brezhonegerion ha peisanted. Poan o doa da zeskiñ mat kar razh an traoù veze kelennet e galleg hepken, dre “soubidigezh”... Masson n’desket brezhoneg gete e reiñ kentelioù saozneg dezhe; ha kroget en doa da gomz gwenedeg get tud ag ar vro.


Masson n’doa skrivet ur bochad levrioù, romantoù dreist holl. He levr kentañ oa bet embannet kant vloaz zo, e 1905, a ziout buhez ur c’helennour : “Yves Madec professeur de collège”. Sinet oa bet al levr get un anv all, Brenn, rak Masson a skrive e vuhez kelennour, ar pezh oa difennet d’ober. D’ar c’houlz se, ar re a laboure edan ar Stad n’o doa ket droad d’en em lakaat en ur sindikad. Trec’het oa bet Bro Frans get an Alamagn ha tapet an Alzas hag al Lorraine geti... Ret a oa lakaat ar vugale da vout soudarded en o fenn : hag al labour-se veze graet get ar mistri skol hag ar gelennerion. Masson ne oa ket a-du tamm ebet. Faote dezhan bout tost d'ar vugale ha kas anezhe da zizoloeiñ an natur, ar peoc’h, ar sevenadur, ar yezhoù, ar frankiz... Pell awalc’h da spered an arme !

Brug evit ar brezhonegourioñ
Evit lakaat ar mennozhioù nevez-se da vout brudet barzh ar bobl, al labourizion douar, ar vicherourion, Masson n’doa savet ur gelaouenn e brezhoneg, Brug, e 1913, get ur strollad mignoned dezhan (al livour Lemordant da skouer). Masson oa kentoc’h animatour ar gelaouenn. 2.200 skouer ‘veze embannet e 1914, ar pezh a oa kalz memestra. Masson a faote dezhan stourm a enep ar “mennozhioù kozh”, hervezan, embannet get tud evel Loeiz Herrieu hag e gazetenn gristenn Dihunamb.

Siwazh, arrestet en doa Brug get ar brezel bed kentañ. Masson ne oa ket a-du get ar brezel se. Kendelc’het en doa da lâr e sonjoù habask e pad ar brezel pa oa mignoned dezhan evel Péguy ha Gustave Hervé deuet de vout brezelourion (evit an “Union sacrée”). Péguy zo marv war an talbenn. Masson oa, dre lizher, mignon Romain Rolland, ar skrivagner brudetan en Europa a oa a enep ar brezel. Hervez Masson, dibosupl oa sevel ur bed nevez, gwelloc’h, justoc’h, habaskoc’h, dre an daerded, dre ar feulster. Tost oa e sonjoù da sonjoù Tolstoï ha Ruskin... A gaos d’ar mennozhioù se, ne oa ket Masson troet sot get an dispac’h bolchevik e Russia, e 1917. Masson a welle sklaer, ar pezh ne oa ket gwir evit ur bochad mignonned dezhan.

Klanv bras oa bet Masson e pad e vuhez met labouret en doa kalz memestra. Marv e Paris e 1923. Hag ankoueit eo bet ar lerc’h get ar Vretoned, ar pezh ne oa ket just. Eurusamant, levrioù a zo bet embannet abaoe ugent vloazh evit derch’el sonj a vMasson... Ha monet araok war an hentoù digoret getan ?
Christian Le Meut

Levrioù da lenn :
- Un dra bennag a zo da jeñch er bed, Emile Masson ha Brug, 1913-1914, Fañch Broudig, Ed. Brud nevez, 2003.
- Emile Masson, professeur de liberté, J-D. et M. Giraud, Ed. Canope, 1991. Ul levr aes tre da lenn evit a re a faota anavezout buhez Masson.
- Emile Masson, prophète et rebelle, Presse universitaire de Rennes, 2005, levr skrivet goude kolok Emile Masson dalc’het e Pondi e 2003; kaset da benn get J-D. ha M. Girault.

Levrioù Masson a zelihe bout embannet en dro a benn nebeut get Presses universitaires de Rennes.

07/08/2005

Pell emañ ar Manitoba

Ar Manitoba zo ul lodenn ag ar C’Hanada, e kornog Bro Gebek. Degouezhet oa Jacques Cartier er C’Hanada e penn kentan an XVIe kantved, mare ar roue Fanch Ie. Labourizion douar, jibouesourion, kenverzourion a Vro Frans oa daet ha savet oa bet ar ger vras Kebek. Tamm ha tamm ul lodenn ag ar re se oa aet pelloc’h, betek plaenenn ar Manitoba. Hag ar re se, jibouesourion kentoc’h, d’en em zimezhiñ get indianezed. Mod se oa bet ganet metissed ha parlantou nevez etre ar galleg ha yezhoù indian evel ar “Cree”, da skouer...

Ar Manitoba zo bet poblet evel-se betek ar dro 1860, mare aloubigigezh ar Manitaba get arme Bro Saoz. Ne oa ket bet goulennet an aotre get an Indianed, pe ar Vetissed pe ar gallegerien... Ur brezel oa bet met aet oa an trec’h get an Inglezed. Gouarnamant gentañ ar Manitoba oa bet savet, get Louis Riel e penn, ur metis, bet krouget ar lerc’h get an arme a Vro Saoz .

Ar galleg, yezh ar blouked
E pad pell amzer a c’houde, e veze fallwellet ar Vetissed hag ar re a gomze galleg er Manitoba, daoust ma oa anezhe al lodenn vrasan ag an dud er c’herioù bras betek fin an XIXe kantved. Ar saozneg oa deuet da vout ar yezh ofisiel hag ar galleg e veze gwellet evel ur yezh komzet ged sauvajed, Indianed, da lavaret plouked, tud gouez.
Barzh ur film m’eus gwellet war ar chadenn 5, un den kozh, galleger a vihan, a lâre an istor se : “Ur wezh e oan o gomz galleg er maez hag un den all, n’anaouen ket anezhan, ur saozneger, n’oa lavaret din : “Speak white””... “Speak white””. ne blije ket dezhan klevout galleg ha “speak white” a dalve : speak gwenn, komz saozneg...

Hiriv an deiz, miliadoù a gallegerien hag a vetissed a zo c’hoazh er Manitoba, met nebeutoc’h nebeut a gomz galleg pe ar yezhoù ganet ag ar galleg hag ar yezhoù indian. Dilezet a zo bet ar galleg get ur bern tud... Met, abaoe ugent vloaz, ar vonreizh, ar “gonstitution” ag ar C’hanada zo bet chanchet evit lakaat ur plas d’ar galleg deuet da vout yezh ofisiel ar C’hanada a bezh get ar saozneg. Skolioù divyezheg a zo bet krouet e lec’h ma vez kelennet ar galleg d’an doare “soubidigezh”, evel Diwan e Breizh. Muioc’h mui a familhoù a gas o bugale d’ar skolioù se peogwir e vez gwellet mat komz div yezh ! Un dazont zo bremañ evit ar galleg e Manotiba, war e seblant...

Un dazont memestra ?
Desket m’eus an traoù-se a gres d’un abadenn m’eus gwellet war ar skinwell hag, ivez, a gres d’un abadenn hir, un euriad, m’eus klewet war France Inter... Interesus tre oa ar pezh m’eus desket mod-se met biskoazh m’eus klewet pe gwellet un abadenn evel se a ziout ar yezhoù rannvroel evel an euskareg, an alzasianeg pe ar brezhoneg, war an tele pe ar radio e Frans. Nemet war Frans 3 Breizh ! Ar mediaou a Baris a ya pell, betek ar Manitoba, da welled tud a stourm evit o yezhoù. Bez eus tud a stourm aman evit o yezhoù ivez, e Frans. Met ne vezont ket gwellet war an skinwelloù, ha klewet war ar skingomzoù e Bro C’hall. Met n’int ket bet anavezet ar yezhoù-se evel yezhoù ofisiel.Ya, sur awalc’h, pell emañ ar Manitoba.

Christian Le Meut

06/07/2005

La lune est-elle carrée ?

La lune est-elle carrée ? La question vous paraîtra insolite, voire stupide, tant il est évident que la lune est ronde (ou à peu près), il suffit de la regarder pour le constater.
La Loire Atlantique est-elle en Bretagne ? La question peut paraître insolite, voire stupide, tant il est vrai qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que la Loire-Atlantique est en Bretagne.
A Nantes chacun peut aller visiter le château... des ducs de Bretagne, et la superbe cathédrale de Nantes donc un duc... de Bretagne décida, au quinzième siècle, de la construction... Et puis, hors de Nantes, dans les marais de Brière par exemple, près de Guérande, les noms de nombreux villages commencent par “ker”, preuve parmi d’autres que l’on parlait breton dans cette région il n’y a pas encore très longtemps, un siècle, grosso modo.
Et si la Loire Atlantique et Nantes ne sont pas en Bretagne, où sont-ils ? En Lorraine, en Alsace, en Corse, en Picardie, en Anjou, en Vendée, dans le Maine, ou dans le triangle des Bermudes ? Dans les “Pays de Loire” ?
Si une loi française décrétait que la lune est carrée, il y aurait des gens pour soutenir que c’est vrai, que la lune est bien carrée, et que ceux qui diraient le contraire seraient des sots. Et, selon la loi française, Nantes n’est pas en Bretagne. Nous en avons encore eu l’illustration en 2003 avec l’arrêt de la diffusion par France 3 en Loire Atlantique des émissions en breton le dimanche matin. Pourquoi cette décision ? Ces émissions étaient-elles trop peu regardées ? Ce n’est pas l’argument avancé par les “pennoù bras” (les chefs) de France 3 Pays de Loire, mais il paraît que “tout le monde ne comprend pas le breton”... Par contre, beaucoup de gens savent lire le français et, justement, ces émissions sont sous-titrées en français ! Mais c’est ainsi que l’on tue les langues, en en limitant progressivement la diffusion sous des prétextes divers et obscurs.
Heureusement l’histoire est tenace. Car si l’on peut changer les frontières administratives, créer des régions artificielles comme les Pays de Loire (rappel : la Loire n'y passe que dans deux départements sur cinq) on ne peut si facilement effacer les traces. Le Château des ducs de Bretagne et la cathédrale de Nantes sont là pour rappeler l’identité historique bretonne de Nantes et de la Loire-Atlantique .
Christian Le Meut

05/07/2005

Hag emañ karre al louar ?

Ha karre emañ al louar ? Setu ur goulenn iskiz awalc’h. Ront eo a louar : tout an dud a ouia an dra se... N’eus nemet da sellet doc’h an oabl, da nozh, evit goueit an dra se. Setu, ur goulenn all : ha Liger Atlantel ha Naoned n'emaint ket e Breizh ?
Petra kaver e Naoned ? Kastel an duked a Vreizh, hag an iliz braz, an iliz-vamm savet er XVe kantved get an duk a Vreizh... Koste Gwerrann ur bern a anvioù a grog get “Ker”...
Ma n’emañ ket Liger Atlantel e Breizh, emen emañ hi ? E Lorraine, en Alzas, e Korsika, en Anjou ?... E rannvro “Pays de la Loire” : met petra eo ar rannvro se, ur rannvro nevez savet get ar melestradurezh, pas get an istoer, pas get ar pobl...
Ma vehe e Frans ul lezenn evit lâret emañ kare al louar, tud zo a wellehe kare al louar.
Met gwir eo, hervez al lezenn n’emañ ket Liger Atlantel e Breizh.
Ha Frans 3 n’eus paouezet skignan abadennoù e brezhoneg bep sul mintiñ e Liger Atlantel, abaoe 2003. Perak ta ? Gwellet veze an abadennoù se get re nebeut a dud ? N’eo ket ar pezh a oa bet displeget get pennoù bras Frans 3. Hervez ar re se, diaesamentoù oa kar razh an dud ne gompren ket brezhoneg. Evel reson, met kazimant tout an tud a ouia lenn galleg, hag abadennoù brezhoneg Frans 3 'vez istitlet e galleg d’ar sul mitiñ ! Difenet e breman sellet doc'h abadennoù e brezhoneg e Liger Atlantel ! Mod se e vez lazhet ar yezhoù...
Met ne vez ket chanchet an istor. Kastel an duked a Vreizh a chom e kreisker Naoned, ar pezh n’hella ket bout chanchet get pennoù bras Frans 3.
Christian Le Meut

02/07/2005

L'appel du 23 juin 1940

Le 23 juin 1940, soit cinq jours après l’appel lancé par le général de Gaulle sur Radio Londres, ce même appel fut traduit en breton et lancé sur les ondes de cette même radio par André Guillois, un Breton ayant rallié les Forces Françaises Libres. En juin 1940 une grande partie de ces forces étaient constitués de Bretons, soit des militaires de la marine nationale soit des civils comme ces 133 marins de l’île de Sein ayant rallié le Royaume-uni par leurs propres moyens.
Beaucoup de critiques sont adressées aux bretonnants, encore aujourd’hui, à cause de l’attitude de militants d’organisations de la cause bretonne qui, pendant la dernière guerre mondiale, ont travaillé avec les nazis, voire combattu à leurs côtés. Mais combien de Bretons, et de bretonnants ont combattu contre les nazis ? Dans combien de maquis de Basse Bretagne parlait-on le breton plutôt que le français ? Beaucoup, je pense, étant donné que le breton y était à cette époque la langue quotidienne de la plupart des gens...
Et dans le reste de la France, combien de gens ont travaillé avec les nazis, voire combattu avec eux ? Cela fait-il du français une langue paria ? Cela fait-il des personnes qui militent pour la langue française des “collabos” à stigmatiser pendant des siècles et des siècles ?
Hitler parlait allemand. Pétain, français. Franco, espagnol. Staline, russe, Pol Pot, khmer. Mao, chinois.... Serait-il juste, équitable, respectueux, de traiter ces langues de langues fascistes pour autant ? De langues dangereuses pour la démocratie ? De langues arriêrées ? De langues qu’il faudrait laisser mourir plutôt que d’être soutenues comme elles ont le droit de l’être au regard du droit international ?
Le breton est une langue parlée depuis des siècles, voire des millénaires, dans ses formes anciennes. Cette langue et la population qui la parlait et la parle ont forgé une culture orale et écrite. Des millions de personnes ont partagé les mots de la vie quotidienne en breton. Certes, il est possible d’employer cette langue pour exprimer des idées fascistes ou attiser la haine. Il est aussi possible de parler d’amour (karantez) et de paix (peoc’h) en breton, ou de résister au nazisme, comme l’a fait le bretonnant Charles Guillois le 23 juin 1940 sur les ondes de radios Londres en lançant la version bretonne de l’appel du général de Gaulle.

Christian Le Meut
Sources : la revue Ar Falz, numéro 86, d’après un article de Ouest-France de 1990.

Note : sur la seconde guerre mondiale, je recommande la lecture de "Déposition, journal 1940-1944", de Léon Werth, écrivain et journaliste d'origine juive, qui tint son journal pendant toute l'occupation alors qu'il devait se cacher. Profondément hostile au régime de Vichy, il montre l'évolution des mentalités et comment les gens, et lui même, étaient informés. Dès 1943 il mentionne Auschwitz sans avoir, cependant, conscience de l'ampleur du génocide. Ed. Viviane Hamy, 1992, 734 pages.

18/05/2005

Le 8 mai 1945, Sétif

La Seconde guerre mondiale prenait fin il y a soixante ans... Mais une autre commençait : la guerre d’Algérie. Le 8 mai 1945 une gamine âgée de huit ans, Simone, née à Sétif dans une famille pied-noire, se rend, joyeuse, au local des scouts de France. La journée est belle et les scouts vont participer au défilé pour fêter la victoire et la paix. Mais elle trouve les scouts de France cloîtrés dans leur local, apeurés, paniqués. Muets, ils écoutent passer une autre manifestation, celle décidée par des organisations politiques indépendantistes demandant plus de droit pour les Algériens, voire l’indépendance. Le drapeau algérien, alors interdit, est brandi...
Des policiers tirent sur la foule pacifique. La manifestation vire à l’émeute. Quarante Européens sont tués ce jour-là à Sétif... Le soulèvement gagne la campagne et prend de l’ampleur. En tout, une centaine d’Européens, hommes, femmes, enfants, sont tués. L’armée intervient. La répression fait, selon les chiffres, entre 2.000 et 40.000 morts... Probablement autour de 15.000 à 20.000. L’armée tire à coup de canons sur des villages.
La petite Simone, elle, est rentrée chez elle. Sa famille est hébergée quelques jours chez des voisins musulmans. L’inquiétude règne, quel sera l’avenir ? Simone ne le sait pas encore, mais sa famille devra quitter Sétif et l’Algérie.
Simone Durand Goallo a raconté cet épisode de sa vie dans un récit autobiographique intitulé “Dans l’oeil du cyclone”. Elle y raconte l’histoire de sa famille en Algérie, l’incurie des différents gouvernements à accorder une réelle égalité aux Algériens d’origine... Ce livre est auto-édité et n’est pas en vente en librairie mais on peut se le procurer auprès de l’auteur : Simone Durand Goallo, Penmern, 56870 Baden.
Selon beaucoup d’historiens, dont Benjamin Stora, dans Libération du 8 mai dernier, la guerre d’Algérie a commencé réellement le 8 mai 1945. L’opinion publique algérienne a été frappée par l’ampleur de la répression, alors même que des Algériens venaient de participer à la libération de la France. Pour beaucoup d’Algériens, les voies pacifiques et démocratiques avaient montré leur limites. Deux ans plus tard un parti nationaliste créait les premiers groupes armés. Fin 1954, la guerre d’Algérie commençait. Depuis, d’autres ont suivi jusqu’à aujourd’hui.
Christian Le Meut

17/05/2005

Sétif, an 8 a viz Mae 1945

Tri ugent vloaz-zo oa fin an eil brezel bed... Met ur brezel all ’doa komanset an deiz-se : brezel Aljeri.
D’an 8 a viz Mae 1945 oa bet savet manifestadegoù bras e Setif. anifestadegoù ofisiel evit lidañ ar peoc’h, d’an tu... Ha manifestadegoù savet get Aljerianiz a-orin, d’an tu all, evit goulenn get Frans gwirioù nevez, ingalded har ar frankiz evit Aljeria...
An deiz-se zo bet kontet get ur vaouez, Simone Durand Goallo, barzh he levr : “Dans l’oeil du cyclone”. Simone Durand Goallo, kelennerez war he leve, a zo e chom breman e-tal Gwened, met ganet eo e Sétif en ur familh “treid du”. Trisek vloaz oa Simone d’ar mare-se, ha skout. Laouen bras oa da zibuniñ er straedoù Sétif get ar skouted. Met, ur wezh erruet er stal ar re se, Simone hag e mignonned oa chomet e barzh, dalc’het. Ur vanifestadeg all a oa bet savet get strolladoù aljerian... Met fall troet an traoù... Poliserien zo ‘doa tennet ar an dud a oa e vanifestiñ d’an doare habask met get banniel Aljeria ar pezh oa difenet grons.
Goude-se, an Aljerianiz doa en em savet ha lazhet oa bet daou ugent den gwenn, Europeaniz, an deiz-se...
Simone, spontet bras, oa daet en dro d’ar ger hag he familh oa bet degemeret get amezeion, musulmaned, evit nompass bout lazhet...
A-benn ar fin kant European oa bet lazhet e Sétif hag en Aljeria a-beizh d’ar mare-se. An arme oa bet kaset get ar gouarnamant evit flastriñ an emsavadeg. Miliadoù ag Aljerianiz oa bet lazhet geti : etre 2.000 ha 80.000, hervez an dud... Ar dro 15.000 ha 20.000, sur awalc’h...
Barzh he levr, “Dans l’oeil du cyclone” Simone Durand Goallo a zispleg istoer e familh en Aljeria, he gourdadoù, an darempredoù etre Europeaniz hag Aljerianiz; politikerezh ar gouarnamentoù Bro C’hall, ha perak an Aljerianiz zo bet lesket a goste, dispriziet... Ma faota deoc’h goueit muioc’h, setu he chomlec’h : Simone Durand Goallo, Penmern, 56870 Baden.
Hervez ur bochad istorourien, brezel Aljeria doa komanset e Sétif.
Goude Sétif oa bet savet get Aljerianiz zo an arme kuzhet kentan evit stourm a-enep Bro C’hall... Nav vloaz goude e kroge ar brezel da vat... Ha brezelioù all zo bet en Aljeria ar lerc’h, c’hoazh betek breman.
Christian Le Meut