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08/06/2008

Livre : La Bretagne, entre histoire et identité

b387e37cd989c9f3a1d7b2c45519c9b7.jpgLe 526e ouvrage de la collection Découvertes Gallimard est consacré à la Bretagne, son histoire et son actualité (ils ont mis le temps, quand même, chez Gallimard...). Comme d'habitude avec cette collection, l'iconographie et la présentation sont soignées et l'ouvrage est très agréable à parcourir. Le texte, lui, a été confié à l'historien et universitaire Alain Croix. Excercice difficile que de synthétiser en quelques 127 pages, plus une vingtaine de pages "Témoignages et documents", une histoire et une actualité riches. Les choix fait par l'auteur seront forcément contestés, et d'ailleurs ils sont contestables, de mon point de vue.

Il est clair que ce livre sur la Bretagne n'est pas un livre sur la langue bretonne. Il y est consacré deux pages en fin d'ouvrage (130-131) et quelques mentions qui ne permettent pas, à mon avis, de se faire une idée de la question linguistique en Bretagne. Ainsi, l'auteur écrit : "Mais la France n'a aucune politique de préservation des langues..." Joli euphémisme : la France a même eu une politique d'éradication des langues régionales mais l'on n'en saura rien dans ce livre. Comme si les Bretons avaient abandonné leur langue maternelle par leur seul choix.

L'interdiction de la langue maternelle 

Le fait d'avoir interdit la langue bretonne à l'école, dans les administrations, par exemple, est un choix politique de marginalisation décidé par la République française. Quand on marginalise des langues, on ne doit pas s'étonner que les populations ainsi marginalisées se tournent vers la langue officielle, la langue de la promotion sociale, la langue unique qui ouvrira les clés d'un avenir meilleur. Et quels parents ne rêvent pas d'un avenir meilleur pour leurs enfants ? Mais, pendant ce temps, on interdit à des millions de personnes d'être scolarisés dans leurs langues maternelles, en Bretagne, Pays-Basque, Catalogne, Occitanie, Alsace, etc. De quel droit ?

Aujourd'hui, les textes internationaux sur les droits de l'Homme affirment le droit d'être scolarisé dans sa langue maternelle. La France s'est bien gardée de le faire mais les conséquences, pour les populations, ont été et sont encore profondes en terme d'acculturation, de mépris de sa culture et de sa langue d'origine, d'incommunicabilité entre les générations, de pertes culturelles, et j'en passe...

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Une affiche est reproduite dans ce livre. Elle présente un enfant puni pour avoir parlé breton. Cette situation, des générations de Bretons (et de Catalans, et d'Occitans et de...) l'ont vécue. Aujourd'hui encore, des personnes de 60 ans, 70 ans, 80 ans, témoignent qu'elles ne parlaient pas un mot de français en arrivant à l'école. Mais l'Education nationale n'avait pas prévu d'utiliser ces langues pour l'apprentissage du français, ce qui aurait pu, peut-être, simplifier la vie de certains enfants et leur donner une image un peu plus positive de leur langue d'origine. Dans la légende, Alain Croix présente cette affiche comme étant de "propagande nationaliste"... Peut-être, mais est-elle fausse pour autant ? Non, elle illustre le fait qu'il était interdit de parler breton dans beaucoup de cours d'école et de classes, et que très souvent des enfants étaient punis pour cela, même si ce n'était pas le cas partout. 

Douceur, vous avez dit "douceur" ? Comme c'est bizarre...  

Concernant l'annexion de la Bretagne par la France, le résumé de l'historien me paraît un peu court. Concernant les quatres années de guerre (1487-1491), qui ont amené la duchesse Anne de Bretagne à accepter d'épouser le roi de France (alors qu'elle avait tout fait pour l'éviter), on saura qu'il y avait des seigneurs français dans les deux armées qui se sont opposées à la bataille de Saint Aubin du Cormier (1488), mais on ne saura pas combien de morts fit cette bataille (entre 6.500 et 7.500 selon différentes sources que j'ai pu trouver), ni combien d'hommes elle engagea : 11.000 dans l'armée du duc de Bretagne, 15.000 pour celle du roi de France. 26.000 hommes ! On n'est pas dans une petite embuscade, mais dans une vraie guerre, ce qui n'empêche pas Alain Croix d'écrire, concernant le processus de rattachement-annexion de la Bretagne à la France : "Le plus remarquable est évidemment que la monarchie française ait choisi en définitive la voie de la douceur, dans un processus qui a duré soixante ans". "Douceur", vous avez dit "Douceur"?

Quelques rappels 
Le lecteur ne saura pas non plus combien de morts fit la répression de la révolte des Bonnets rouges, sous Louis XIV. Il ne saura rien du fait qu'une armée bretonne fut levée en 1871 pour combattre l'invasion prussienne, mais que des milliers de volontaires bretons restèrent croupirent près du Mans, au camp de Conlie, sans combattre, car la République naissante ne leur faisait pas confiance. Il ne saura pas qu'en 2004, le Conseil régional vota, à l'unanimité, un voeu pour que le breton et le gallo soient reconnus officiellement comme langues de la Bretagne à côté du français. Il ne saura pas qu'en mars 2003, 15 à 20.000 personnes manifestèrent dans les rues de Rennes pour demander un statut pour la langue bretonne. 15.000 à 20.000 personnes pour 5 départements !

Par contre il saura qu'Eric Tabarly a gagné la première Transatlantique en 1964.

Quand l'historien se fait devin 
Il apprendra aussi que la "la division administrative de la Bretagne historique ne provoque pas non plus de mouvement d'opinion important. (...) le retour de la Loire-Atlantique dans une région de Bretagne relève aujourd'hui peut-être plus du rêve que d'un avenir prévisible". Là, l'historien se fait devin. Mais c'est quoi, un "mouvement d'opinion important", selon Alain Croix ?

Christian Le Meut 

Levr : La Bretagne entre histoire et identité

41a2d9e168e067967b41e804dcae9d53.jpgDécouvertes Gallimard a zo un dastumadeg brudet bras a ginnig levrioù brav, stumm chakod, get ur bochad skeudennoù e-barzh hag un nebeut testennoù, war un tem resis. Hag an niverenn 526 a zo war Breizh, en amzer a-gent ha bremañ. Hirgotozet eo bet, al levr-se, memestra. Ur bochad temoù a zo paseet araok evel "La légion d'Honneur", "Ambroise Vollard" (piv eo hennezh ?), "L'aluminium", "Gengis Khan" ha me oar me. Gortoz pell, gortoz gwell, evel ma vez lâret...

An Istorour Alain Croix a zo bet dibabet get pennoù bras Gallimard evit skrivañ al levr. Un den barrek tre war danvez Breizh eo met, evit lâr ar wirionez, kavet m'eus berr awalc'h al levr e keñver an istor hag an amzer a-vremañ. Anat eo, al levr a zo bet graet kentoc'h evit tud ha ne ouiont ket netra, pe pas kalz a dra, war an danvez. Evito e vo kentelius, marteze.Ar skeudennoù a zo brav, hag ur bern a zo oc'hpenn.

"Douceur", vous avez dit douceur ? Comme c'est bizarre...
Traoù souezhus a zo memestra, evel ar pezh a skriv Alain Croix a ziar-benn "stagadur" (penaos treiñ "rattachement" ?) Breizh da Vro-Frans : "Le plus remarquable est évidemment que la monarchie française ait choisi en définitive la voie de la douceur, dans un processus qui a duré soixante ans". "Douceur" ? Ur wezh bout bet trec'het he arme e Saint-Aubin du Cormier (1488), Anne, dukez Breizh, n'he doa ket choaz ebet geti, nemet d'en em zimeziñ get roue Bro c'hall, Charlez an 8et... Ped a dud a zo marv e-pad ar brezelioù-se (1487-1491) ? Etre 6.500 ha 7.500 en emgann Saint-Aubin du Cormier, hervez sifroù m'eus kavet barzh ul levrioù all (1)... Sifr ebet barzh levr Alain Croix. Ped a dud a zo bet krouget da vare Loeiz ar 14et hag emsav ar "papier timbré" ? Sifr ebet ivez...

Plas dister ar brezhoneg 
Souezushoc'h c'hoazh a zo plas dister ar brezhoneg barzh al levr. Div bajenn er fin (130-131). Istorour eo Alain Croix, yezhoniour  n'eo ket. Hervezañ ar gallaoueg a zo ur "forme locale" du français (ar yezhoniourion m'us lennet ne lâront ket an dra-se). Pelloc'h : "Mais la France n'a aucune politique de préservation des langues..." eme Alain Croix. Gwir eo (nemet evit mirout ar galleg !). Nag ul "litote", evel ma vez graet a droiennoù sort-se e galleg : ur politikerezh evit skarzhiñ lazhiñ ar yezhoù rannvroel a zo bet get Republik Bro C'Hall, da vat. Met ne lenner ket an dra-se barzh levr Alain Croix. Evel ma vehe bet dilesket ar brezhoneg mod-se : ar Vretoned o doa mezh get o yezh ha setu perak o deus chomet a sav geti. Ha penaos e oa bet hadet, plantet, ar mezh-se barzh o fennoù ? Gete o unan, evel rezon ! Pas get ar mistri skol, pas get ar Stad, pas get ar melestradurezh, pas get pennoù bras Bro C'Hall o doa divizet skarzhiñ ar yezhoù "rannvroel" da skolioù ar Republik.

Berr int, displegadennoù Alain Croix e keñver ar brezhoneg, a gav din. Sifr ebet war niver an dud a gomze gwezhall, hag a gomz c'hoazh. Ger evet war ar pezh a oa bet votet get kuzul rannvroel Breizh e miz An Avent (Kerzu) 2004 a unvouezh evit ma vehe anavezet evel ofisiel ar brezhoneg hag ar gallaoueg. Ha perak nompas merchiñ ar C'Hatolikon, kentañ geriadur moulet e Breizh (hag e Bro Frans), e fin an XVet kantved ? Ar geriadur kentañ embannet e Bro Frans a oa teiryezhek, latineg, galleg, brezhoneg. Plas ebet evit traoù sort-se, talvoudus memestra, barzh al levr. Domaj.

Liger Atlantel : distaget da vat ?
Danvez a zo da dabutal get ar pezh a skriv Alain Croix a ziar-benn Liger-Atlantel : "le retour de la Loire-Atlantique dans une région de Bretagne relève aujourd'hui plus du rêve que d'un avenir prévisible". Istorour a-vicher eo, Alain Croix. Ha divinour ivez ?

Christian Le Meut 

La Bretagne entre histoire et identité, Alain Croix, Découvertes Gallimard, 2008. 

(1) "Cinq à six mille Bretons et leurs alliés, et 1.500 Français restèrent sur le champ de bataille", barzh "L'union de la Bretagne à la France", Dominique Le Page, Michel Nassiet, p. 91, Ed. Skol Vreizh, 2003.

28/04/2008

Livre : "Le mythe national" réédité

35f02da921761f368298ebfa4f747c31.jpgJe conseille la lecture du "Mythe national, l'histoire de France revisitée", excellente étude historique de Suzanne Citron parue en 1988 et qui vient d'être rééditée, enrichie, en format poche. L'historienne y explique comment l'histoire de France s'est formée au cours des siècles, par qui et pourquoi. Elle montre particulièrement comment les historiens républicains du XIXe, comme Lavisse, ont bati un "roman historique" français cherchant à faire croire que la France et la nation française existaient de toute éternité, par le biais de "nos ancêtres les Gaulois... En cachant l'histoire de beaucoup d'autres peuples, commes celle des Bretons, par exemple.

Le but ? Prendre la place de la monarchie absolue (qui tenait son pouvoir de Dieu lui-même); légitimer la République. Mais, ainsi, des idées précises, voire étroites, ont été mises dans la tête de bien des gens : un peuple, une histoire, une langue. Les autres peuples ? Les autres langues ? Les autres cultures ? Dépréciés, méprisés, oubliés, évacués des livres d'histoires étudiés par les écoliers. Par exemple on y parle de la Bretagne une fois qu'elle est "rattachée" à la France. Avant ? Pas d'histoire. Et s'il ya eu des guerres et des milliers de morts pour aboutir à ce "rattachement", on ne l'explique pas aux écoliers.

C'est aussi ainsi que l'on a appris aux enfants d'Afrique, ou aux Kanak de Nouvelle-Calédonie, que les Gaulois étaient leurs ancêtres! C'était faux pour eux, mais ça l'est aussi pour nous : les Gaulois font partie de nos ancêtres mais ils ne sont pas les seuls. Il y a beaucoup d'autres peuples, parmi nos ancêtres mais cela nous a été cachés. Avec ce livre, Suzanne Citron nous rappelle que l'histoire est plurielle, comme le sont nos racines historiques, culturelles et humaines.

Christian Le Meut

Le mythe national, Suzanne Citron, Ed. de l'Atelier, 2008, format poche (11,9 €).

27/04/2008

Levr : Le mythe national

8b060d4ab930720ded55ff09667bb854.jpg"Le mythe national, l'histoire de France revisitée" a zo bet embannet en dro e miz Meurzh 2008. Skrivet get Suzanne Citron, al levr-se a oa bet embannet evit ar wezh kentañ e 1988. Suzanne Citron a zispleg e-barzh penaos a oa bet savet istor Bro C'Hall, get piv ha perak. Penaos e oa bet savet ar "roman national français" get istorourion brudet evel Lavisse, evit lakaat an dud da grediñ e oa Bro C'Hall hag ar Fransizion ur vro hag ur vroadelezh a vizkoazh, dre ar Galianed... E kuzhat istor ur bochad pobloù, evel istor ar Vretoned, da skouer.

Ar pal ? Kemer plas ar rouantelezh (roet veze d'ar roueed o galloud get Doue e unan !); lejitimañ ar republik. Met, mod-se, sonjoù strizh a zo bet lakaet barzh pennoù ur bochad tud : ur bobl, un istor, ur yezh. Pobloù all ? Istorioù all ? Yezhoù all ? Sevenadurioù all ? Dispriziet, dismeganset, ankouiet, skarzhet ag al levrioù istor roet d'ar skolidi. Komzet 'vez a Vreizh barzh al levrioù skol ofisiel, ur wezh daet da vout staget, "rattachet" (evel ma vez lâret), da vro Frans. Araok ? Istor ebet. Ha ma z'eus bet brezelioù ha miliadoù a dud lâzhet evit stagiñ Breizh a Vro Frans, an dra-se ne veze, ha ne vez ket c'hoazh, displeget d'ar vugale.

Mod-se ivez a oa bet desket d'ar vugale ag Afrika, pe d'ar C'hanaked, penaos e oa ar Galianed o gourdadoù ! An dra-se oa faos evite, met evidomp ivez : ar Galianed a zo e mesk hor gourdadoù, met n'int ket o unan. Ur bochad pobloù all a zo e-mesk hor gourdadoù met an dra-se a zo bet kuzhet deomp. Get al levr-se e c'hellomp kompreiñ gwelloc'h hon istor. Trugarez vras da Suzanne Citron.

Christian Le Meut

Le mythe national, Suzanne Citron, Embannadurioù De l'Atelier, 2008, stumm chakod (11,9 €). 

 

"Ce que nous prenons pour "notre" histoire..."

Citation de Suzanne Citron extraite du "Mythe national", page 307, éd. 2008 : "Ce que nous prenons pour "notre" histoire résulte, nous l'avons vu, d'une manipulation du passé par les élites au service, ou à l'appui, des différents pouvoirs. Une historiographie apologétique de l'Etat et d'un "génie français" hors normes sous-tendait l'imaginaire national construit par la Troisième République.Distanciée, aujord'hui, comme "roman national", cette histoire n'en demeure pas moins prescrite dans les programmes du collège, étape décisive de la scolarité obligatoire. Les instructions officielles présentent le découpage traditionnel, qui remonte à 1802*, comme une histoire "patrimoniale", qui serait tout à la fois mémoire collective, mémoire nationale, mémoire partagée. Ce qui est faux, puisque le récit de la France-Gaule méconnait l'histoire des trois quarts des Français, qu'ils soient corses, alsaciens, juifs ou arabes, petits enfants d'immigrés et/ou d'anciens colonisés. (...).

La culture républicaine, façonnée avant 1914, est aujourd'hui obsolète. Les Français du XXIe siècle ont à inventer une francité nouvelle, plurielle, métissée, généreuse, ouverte sur l'avenir". 

Suzanne Citron 

* S. Citron a également publié "L'histoire de France autrement", ed. de l'Atelier, 1992. Elle remet en question également le découpage chronologique de l'histoire de France.

23/04/2008

Aimé Césaire : extrait du Discours sur le colonialisme

3942c6705264371499b9f40193224219.jpgAimé Césaire vient d'être enterré en grandes pompes; on parle de le transférer au Panthéon; le président Sarkozy assiste aux obsèques... Mais a-t-il lu Césaire ? Les responsables de la droite française, qui ont voulu réhabiliter les "aspects positifs" de la colonisation il n'y a pas si longtemps, l'ont ils lu ? Courte citation extraite du "Discours sur le colonialisme", édité en 1950 (page 19, réédition de 1991, Ed. Présence africaine) :

"Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, l'impôt, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la mufflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.

Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l'homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote, et l'homme indigène en instrument de production. 

A mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.

J'entends la tempête. On me parle, de "réalisations", de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d'eux-mêmes.

Moi je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, des cultures piétinées, d'institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées". 

Aimé Césaire 

 

14/04/2008

Jean Breurec : le bourlingueur est parti

f20f4527800fbd61365e7ae77909c770.jpgMon ami Jean Breurec est décédé jeudi dernier à l'âge de 79 ans. Nous avions fait connaissance il y a 5-6 ans au sein du collectif Pêche et développement, à Lorient. Marin pêcheur, Jean avait pas mal bourlingué; il avait écrit ses mémoires et je l'avais aidé à les mettre en forme. Ce travail a donné "Bourlingueur", un ouvrage édité chez Skol Vreizh en 2004.
Né en 1928 à Gâvres, Jean Breurec avait embarqué dès l’âge de 7-8 ans sur le bateau de son père, Fernando. Il était le témoin d’une époque révolue où les femmes gâvraises travaillaient dans les conserveries de sardines quand les hommes partaient en mer.
Officier de pêche industrielle à la morue dans les années 50, il revint s’installer à Gâvres en 1954 comme pêcheur artisan jusqu’en 1968. Responsable syndical CGT, inquiet de l'avenir de la pêche, il participa à la mise en place d'une zone de contingentement ayant pour but de limiter le prélèvement de poisson et d'assurer le renouvellement des stocks. Ce fut un échec. Il était également engagé au Parti communiste et se présenta à plusieurs scrutins.
En 1968, Jean Breurec et sa famille partirent s'installer à Dakar, puis à Madagascar. C’est en Algérie qu’il termina sa carrière professionnelle comme formateur de patrons pêcheurs.
De retour à Gâvres, Jean Breurec adhéra au collectif lorientais Pêche et développement. "Il est crucial que les marins prennent conscience que c’est à eux de mettre des limites à l’exploitation des ressources halieutiques, ne serait-ce que pour assurer la survie des espèces, l’alimentation des populations et la pérennité de la pêche côtière. Les pêcheurs ne sont pas propriétaires de ces ressources, ils n’en sont que les gestionnaires" écrivait-il en conclusion de son livre.
Christian Le Meut

02/04/2008

Livre : Mon ami Frédéric

39d8c0f5d86e1644895f179c2ec0e9a7.jpg"Mon ami Frédéric" : ce livre, je viens de le découvrir dans sa version bretonne, puisqu'il a été traduit et édité en breton en 2007 sous le titre "Frederig" aux éditions Keit vimp bev. Pourtant, sa première édition, en allemand, date de 1980 (environ) et sa traduction en français a, semble-t-il, été simultanée. La couverture ci-contre est celle de l'édition 2007 avec une traduction d'Anne Georges. "Mon ami Frédéric" est édité au Livre de poche jeunesse, comme son édition en langue bretonne est dans une collection pour adolescents. Je ne sais si c'était l'intention de l'auteur, Hans Peter Richter, psychosociologue né à Cologne en 1925 et mort en 1993, qui a travaillé pour des émissions scolaires, mais je trouve celà un peu dommage car ce roman devrait être mis entre le plus de mains possibles, adolescentes et adultes.

1933
Nous sommes donc face au récit de la vie quotidienne de deux familles modestes, locataires d'un propriétaire acariâtre. Deux jeunes couples allemands, l'un chrétien, l'autre juif. Ils ne se fréquentent pas jusqu'en 1925, année de la naissance de deux garçons qui deviendront inséparables. Les parents aussi, deviennent amis. Les préjugés antisémites existent mais ne portent pas à conséquences. Jusqu'en 1933.

La vie quotidienne de la famille juive se compliqueà partir de 1933. Le père se fait renvoyer de son travail de facteur; Frédéric, né dans la famille juive, lui, est obligé de quitter son école pour rejoindre un établissement pour enfants juifs; les brimades se succèdent. Mais les résistances aussi. Le propriétaire, désormais membre du parti nazi, veut chasser ses locataires juifs. Un juge lui donne tord. L'instituteur, avant d'annoncer que Frédéric doit quitter la classe, donne un cours d'histoire des Juifs à ses élèves, très éloigné de la propagande nazie, et plus proche de la réalité historique.

Partir ?
Et puis les liens d'amitié durent entre les deux familles, alors que le père de famille chrétienne a pris sa carte au parti nazi. Chômeur de longue date, il compte ainsi trouver du travail. De fait, il en trouve. Par ce genre de petit détail, l'auteur, qui a vécu cette période, montre comment  le régime nazi a su s'attirer les faveurs de millions d'Allemands : en donnant du travail, du logement, en améliorant la vie quotidienne des Allemands... aryens.

Cet homme, le père du narrateur, tente de prévenir ses voisins, les supplie de quitter l'Allemagne mais le père de Frédéric ne veut rien entendre. Il est allemand et pense que les choses se calmeront. Il se trompe. Un jour des pillards viennent voler tout ce qu'ils peuvent dans l'appartement familial, avec la participation du propriétaire, sous prétexte de récupérer des biens allemands volés par les Juifs... La mère est frappée violemment. Elle meurt... Pourtant, Frédéric conserve son envie de vivre, quitte à prendre des risques inconscients.

Ce roman, basé sur des faits historiques, montre comment la terreur s'installe petit à petit. Comment un Etat peut l'organiser, stigmatiser une partie de la population et aller jusqu'au crime de masse. "Mon ami Frédéric" est écrit dans un style simple, très efficace. La violence qu'il décrit n'en est que plus frappante.

Christian Le Meut

Mon ami Frédéric, Hans Peter Richter, Ed. Le livre de poche jeunesse, 2007.

Levr : Frederig

0e9f39088df2f266845fcdda2d160219.jpg Ur sonj vat : setu ar pezh a faota din skrivañ da gentañ. Troiñ hag embann al levr-se e brezhoneg a zo ur sonj vat ha ma c'hellehe "Frederig" bout troet en ur bochad yezhoù all, un dra fiskal vehe. Graet eo bet e galleg abaoe pell edan an titl : "Mon ami Frédéric" (embannet get Le livre de poche).

Frederig a zo istor daoù baotr, ganet e 1925 en Alamagn, evel ar skrivagner, Hans Peteer Richter (marv e 1993). Unan, ganet barzh ur familh kristen, a gonta an istor; an eil a zo ganet barzh familh ar voisined, yuzevien, Frederig Schneider. Feurmet e vez get an div familh ranndier get an aotroù Resch, ar perc'hennour a zo e chom en traon. Un den get sonjoù fall. An daou baotr a za da vout mignoned bras, hag o zud ivez. Tad Frederig a zo faktour, an eil a zo dilabour. 

Skarzhet ag e skol
Ar vuhez a zo plijus evit an daou krouadur a ya d'ar skol asambles met Hans Peteer Richter a ziskoue penaos an traoù a ya war fallaat. Penaos eh eus raksonjoù e keñver ar Yuzevien barzh pennoù ur yoc'h tud. Betek 1933, n'eo ket ken grevus, met adalek ar bloaz-se...

Frederig a zo tamallet da vout torret getan gwer ur stal, ar pezh a oa bet graet get e vignon... Tad Frederig a zo skarzhet ag e labour... E 1934, emañ ret da Frederig mont kuit ag e skol : skolioù evit ar Yuzevien o unan a zo bet savet get an nazied. Ha c'hoazh, ha c'hoazh. 

N'eo ket aes ivez ar vuhez ivez evit an eil familh, ar re gristen, a zo paour razh. Sikouret vezont get an tad kozh, un den a vag sonjoù fall e keñver ar Yuzevien. Ar familh kristen ne wella ket fall ar chanchamentoù kaset get an nazied. An tad a lak e anv barzh ar strollad nazi, get an esperans e vo roet labour dezhan; ar mab a ya d'ar "yaouankizioù hitlerian"... Ha benn ar fin, ar vuhez a ya gwelloc'h : roet eo ul labour d'an tad met rebechet eo dezhan e zarempredoù get e voisined. Richter a ziskouezh mod-se penaos an nazied o doa gwellaet buhez pemdeziek an Alamaned, an "Aryaned" e reiñ dezhe labour, lojeriz...

Evit ar re all (ar Yuzevien, hag an dud a oa a enep an nazied), falloc'h fallan oa ar vuhez. Al levr a zispleg penaos un nebeut tud a stourm a-enep sonjoù an nazied evel ur barner, ur mestr-skol...  Met n'eo ket trawalc'h. Krizeo ar romant-se, kriz evel ar wirionez.

Ul levr evit razh an dud
"Frederig" a zo embannet (e galleg hag e brezhoneg) barzh rummadoù evit ar grennarded. Youll ar skrivagner oa, marteze ? Met domaj eo rak ul levr eo evit razh an dud, ar grennarded hag ar re vras. Frederig a zelehe bout lennet get ar muian posupl a dud. An doare da skrivañ a zo aes da lenn hag an istor a zo kreñv, kriz, ha kentelius. Komprenet vez gwelloc'h ar mare-se (1925-1942) en Alamagn goude bout lennet al levr-se. 

Christian Le Meut

Frederig, Hans Peteer Richter; troet e brezhoneg get Hans Peter Richter. 2007. Embannadurioù Keit vimp bev. 

20/12/2007

Levrioù ha sonjoù profoù/Livres et idées de cadeaux

fc00e932543b9c33b48b20610d6b4ecc.jpgNedeleg a zo e tostaat ha setu c'hoazh sonjoù, mennozhioù, e ken kaz e vehec'h klask profoù da breniñ c'hoazh... Da gentañ an Titeuf nevez troet e brezhoneg (get Gwenole Bihannig), "Lezenn ar bratell" (embannet e 2002 edan titl "La loi du préau"). Farsus, evel da gustum : Titeuf a gompren un bochad traoù a-dreuz met n'eo ket ken sot memestra. An albom-se a c'hell bout prenet e stalioù levrioù ha war:

http://www.klask.com/ 

Un dra all, met evit ar re vras dedennet get ar yezhoù, an "Atlas des langues", bet embannet e 2004 get Acropole edan renerezh Bernard Comrie, Stephen Matthews ha Maria Polinsky. Ur bern kartennoù ha fotoioù a zo, hag an testennoù a seblanta bout interesus, met m'eus ket o lennet c'hoazh... Marteze e skriviñ muioc'h a dra war al levr-se ar bloaz kentañ.

Deux petites idées de cadeaux si vous êtes en recherche. Pour les bretonnants, le Titeuf nouvellement traduit et, pour les personnes intéressées par les langues, l'Atlas des langues (l'origine et le développement des langues dans le monde), paru en 2004 sous la direction de Bernard Comrie, Stephen Matthews et Maria Polinsky . Beaucoup de cartes, de photos, de textes qui paraissent intéressants mais que je n'ai pas encore lus... J'y reviendrai peut-être l'an prochain. Ed. Acropole.

Christian Le Meut 

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08/12/2007

BT/BD : Kid Paddle 11

bac0b3c811d310ad36c9ccb0b420fa7a.jpgKid Paddle, ur paotr war dro 10 vloaz, a vez dedennet get traoù kriz, louz, loened vil ijinet getan, c'hoarioù video spontus e lec'h ma vez berped tud e lazhiñ tud all, ha c'hoazh. Daoust da-se e kavan fentus bras albomoù Kid Paddle, treset ha skrivet, e galleg, get Midam. An unnegved albom, embannet ar bloaz mañ e galleg hag e brezhoneg (fiskal !), a vez graet "Distro ar valzamegenn spontus flaerius" anezhan. Ken fentus evit an albomoù all. Troet eo bet e brezhoneg get Brieg ar Menn. Embannadurioù BZH5.

Kid Paddle est un garçon de dix ans, environ, attiré par ce qui est cruel, sale, des animaux laids qu'il imagine, des jeux vidéos où les gens passent leur temps à s'entretuer, etc. Malgré celà j'apprécie beaucoup l'humour des albums de Kid Paddle, dessiné et écrit, en français, par Midam. Le onzième album, édité cette année en français et en breton (super !) s'intitule "Le retour de la momie qui tue qui pue". Il est tout aussi drôle que les précédents. Il a été traduit en breton par Brieg ar Menn. Editions BZH5.

  

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26/11/2007

BD : Magasin général, tome 3, Les hommes

1edeab7f5062de367923012173419546.jpgGoude bout kinniget deoc'h, dec'h, albom nevez Lucky Luke troet e brezhoneg, setu bremañ ur vandenn-treset all, e galleg ar wezh-mañ : Magasin général, skrivet get ur galleg disheñvel doc'h ar pezh a vez komzet geneomp e Frans hiriv an deiz, met komprenapl memestra...

Après vous avoir présenté, hier, l'album de Lucky Luke traduit en breton, voici une nouvelle bande-dessinée, Magasin général, en français cette fois, mais un français bien différent de celui que nous parlons aujourd'hui, tout-à-fait compréhensible quand même...

Le tome 1 était paru en 2006 et commençait par un deuil : dans la paroisse de Notre-Dame-des-Lacs, une commune reculée du Québec, dans l'entre deux guerres, Félix Ducharme venait de mourir. Un personnage important : il tenait le magasin général, indispensable à la survie de la petite communauté. Sa veuve, Marie, allait-elle, seule, pouvoir tenir le magasin ? Toute la communauté se pose la question... Car le vrai héro de cette BD, c'est toute une communauté rurale de fermiers, bûcherons, menuisier, curé, enfants (des "ti-culs"), épouses et maris, dans leur vie quotidienne il y a environ 80 ans. Les hommes partent chasser (trappeurs) ou "carder" le bois pendant l'hiver.

51e360e33f264f56b854e92fac524154.jpgJustement, cet hiver là, un nouveau venu apparaît dans le village : Serge Brouillet. Un voyageur à moto tombé en panne. Marie lui donne refuge. Serge vient de Montréal, a vécu en ville, mais sait tuer le cochon - il est vétérinaire -, et a appris la cuisine à Paris, après avoir combattu sur le front pendant quatre ans... Bloqué, il s'installe, se plaît dans ce village et invite chaque famille à venir manger des mets raffinés cuisinés par ses soins. Finalement, il ouvre un restaurant de cuisine franco-québécoise, "La raviole", dans le magasin même de Marie qui ne semble pas insensible à son charme. "Hostie !".

Le troisième tome vient donc de paraître, il s'appelle "Les hommes". Ceux-là reviennent de la saison d'hiver à travailler le bois et n'apprécient guère le changement. Leurs épouses leur servent des mets nouveaux jusque-là inconnus, leur reprochent leurs manières, louent les qualités de M. Brouillet, et ont appris à leur dire "non"... Les hommes s'échauffent et finissent par démolir la cabane qu'habitait Serge, l'étranger, qui se résoud à quitter le pays. Mais l'histoire n'est pas finie, deux rebondissements achèvent cette troisième partie d'une série qui devrait en compter six.

6c04fa6b4c54319d9700b07b96e77563.jpgRégis Loisel et Jean-Louis Tripp, deux auteurs réputés de bande dessinée, concoctent le dessin (superbe) et le scénario de cette histoire plaisante et chaleureuse. Jimmy Beaulieu apporte son aide pour l'adaptation des dialogues en québécois. 

Magasin général, Loisel et Tripp, Ed. Casterman.