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06/01/2011

Sur les traces de l'histoire de Bretagne... et de France

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C'est ma première promenade de 2011 que je vais vous conter maintenant. Dimanche 2 janvier, j'étais chez des amis, à Liffré. L'amie chez qui je loge me propose d'aller nous promener de bon matin (10h30) non loin de là à Saint-Aubin du Cormier, lieu de la célèbre bataille entre l'armée du duc de Bretagne et celle du roi de France, le 28 juillet 1488. Pas une échauffourée, non : entre 6.500 et 9.500 soldats sont morts sur ce site, selon les sources (1), et la plupart (5.000.6.000 ?), de l'armée bretonne qui s'est pris, ce jour-là, une grosse raclée. Comme nous avions passé les jours précédents à bien manger et à boire un peu plus que d'habitude, Réveillon oblige, nous avions bien besoin d'aller marcher, et la proposition a été retenue.

Nous voilà à trois, mon amie, son compagnon, et moi, sur les traces de l'histoire de Bretagne et de France. Direction Saint-Aubin du Cormier, que nous laissons de côté... Pour échouer entre un camp militaire et des haras ! Pas la moindre traces du site historique. Pourtant, les panneaux ne manquent pas, de toutes sortes, indicateurs, publicitaires, etc, mais non, rien.

Mon amie appelle une de ses amies pour avoir plus de précisions et nous comprenons que nous avons tourné à gauche trop tôt, 100 mètres avant le site. Mais là, bis repetita. Nous apercevons bien, de la route, un monument, mais pas plus de panneaux ni d'indication d'un parking... Décidément, il y a des batailles moins importantes qui sont mieux commémorées. Sur le site lui même, un monument de pierres, avec un croix, et des plaques à la mémoire des soldats morts à cet endroit. Mais pas d'explications historiques, pas de panneau, de musée... Le monument a été construit à l'initiative de l'association Koun Breizh, Le souvenir breton, en 1488 (2). Vingt mètres plus bas, un panneau d'information sur le GR qui passe par là signale qu'un deuxième monument existe, un peu plus loin, dans un lieu privé mais accessible. Nous le cherchons, mais vainement. Certains chemins sont bloqués, fermés à la circulation piétonne, et dans des réserves de chasse. D'ailleurs nous entendons des tirs. Nous ne trouvons pas ce deuxième monument.

C'est étonnant quand même. Nous voilà face à une grande victoire de l'armée française. Une étape cruciale dans la construction de la royauté (et de l'Etat français), qui aboutit au « rattachement » de la Bretagne à la France, et la France ne commémore rien, ici. Gergovie, Poitiers, Bouvines, Marignan, Austerlitz, la bataille de la Marne... Elle est longue la liste des batailles (et pas que des victoires d'ailleurs) qui font partie de la conscience collective; qui ont fait l'objet de moultes émissions, publications, recherches, cours... Et Saint-Aubin du Cormier ?

Il est vrai que le roman national français raconte une autre histoire, celle d'un mariage. La duchesse de Bretagne s'est mariée au roi de France, et c'est ainsi que le « rattachement » a eu lieu. Pourquoi donc commémorer une bataille et nuire à cette belle romance ? Rappeler qu'ici au moins 25.000 soldats étaient engagés : 25.000 ! Ce n'était pas une embuscade mais une vraie bataille entre Etats, même si l'un était un duché, et l'autre un royaume.

Hanne089.jpgEt combien de personnes sont mortes pour ce « rattachement » idyllique. 6.500 à Saint-Aubin du Cormier, et combien ailleurs : la guerre a duré de 1487 à 1491 ? Je n'ai jamais vu d'estimations là dessus. Etonnant non ? Car même après cette défaite, et la mort de son père François II (septembre 1488), Anne de Bretagne ne s'est pas résignée. Elle a épousé, par procuration, le duc d'Autriche et chercher des alliés pour continuer la guerre. Ce n'est que définitivement vaincue, qu'elle a capitulé et accepté les épousailles avec Charles VIII. Beau roman, belle passion amoureuse !

L'Etat français, le royaume puis la République, s'est, ainsi, largement construit par la guerre, par des conquêtes militaires : le comté de Toulouse, la Corse, la Franche Comté, la Bretagne... Puis ensuite la colonisation. Mais ce passé là, en 2011, 523 ans plus tard, la République française ne peut toujours pas l'assumer ? Le regarder en face ? Et la région Bretagne non plus ? Pour la guerre et les crimes commis alors, il y a prescription. Mais le refus de voir le passé en face, lui, a des conséquences pour le présent, notamment dans la négation et l'oubli de pans entiers de notre histoire qui nous constituent pourtant; dans la négation de cultures et langues différentes; dans le maintien d'un modèle qui confond égalité et uniformité; dans un centralisme qui étouffe les régions et leur créativité à dessein.

« L'enfer est privation d'histoire » écrivait Morvan Lebesque. Mais la privation d'histoire est aussi privation d'avenir.

Christian Le Meut

(1) Selon Georges Minois 26.000 soldats prirent part à la bataille et entre 5.000 et 6.000 furent tués dans les rangs de l'armée bretonne et quelques centaines dans l'armée du roi de France. Dominique Le Page et Michel Nassiet donnent les mêmes chiffres dans « L'Union de la Bretagne à la France », Skol Vreizh, 2003 (et 1.500 morts dans l'armée française). Des données un peu différentes sont fournies par Wikipedia, qui indique plutôt 9.500 morts. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Saint-Aubin-du-C...

Plusieurs associations travaillent pour que le site soit mieux mis en valeur :

http://kounbreizh.free.fr/

http://aubin35.free.fr/site3/istor.htm

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