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29/03/2007

France Culture ou France Inculture ?

Le réveil est parfois rude, le matin. Aujourd'hui, c'est en écoutant France Culture que mon réveil a été éprouvé par le chroniqueur Alexandre Adler, puîts de connaissance mais qui, parfois, devrait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de chroniquer. Il venait juste de mettre en doute la présence de femmes dans les unités combattantes après qu'une militaire britannique prisonnière des Iraniens ait craqué et déclaré à la télévision que son bateau naviguait bien en zone maritime iranienne lorsqu'il fut arraisonné. Tirer un enseignement global d'un cas précis, c'est aller un peu vite en besogne, me suis-je dit. Mais le cher Alexandre (je me permets cette familiarité, il accompagne souvent mes réveils !) était en forme et a continué à intervenir lors du débat sur l'identité nationale, thème à la mode, avec un invité de marque, Max Gallo... On n'a pas été déçu.

Alexandre Adler, donc, est parti dans un cours d'histoire de France sur les régions périphériques annexées au cours des siècles par "mariages" et non par conquêtes. Un mariage vaut mieux qu'une guerre, c'est évident, même si celà ne signifie pasvolonté populaire. On ne demandait pas son avis au peuple, à l'époque. Mais, pour la Bretagne, M. Adler semble oublier, ou peut-être ne le sait-il tout simplement pas (ce qui serait difficilement croyable) que le mariage entre Anne de Bretagne et Charles VIII en 1492 a été précédé de trois campagnes militaires pour soumettre militairement une Bretagne très réticente (bataille de Saint Aubin du Cormier, 1488, 7.500 morts dont 6.000 du côté des troupes du duc de Bretagne François II); que la duchesse Anne était déjà très officiellement mariée et qu'il fallut aux troupes du roi de France mettre le siège devant Rennes pour que la duchesse se soumette, admette sa défaite militaire et se résigne à ce beau mariage d'amour avec Charles VIII. Après quoi son mariage avec le duc d'Autriche fut annulé. Un vrai conte de fée ! Anne de Bretagne s'employa pendant toute sa vie à maintenir l'autonomie de son duché, elle y parvint de son vivant. Après sa mort et le mariage entre sa fille Claude et le futur François 1er, union à laquelle Anne était hostile, des accords furent signés en 1532 à Vannes, avec le Parlement de Bretagne, qui fut maintenu. La Bretagne n'avait plus de ducs en titres, mais un statut particulier et une forme d'autonomie maintenue jusqu'en 1789.

Ce matin M. Adler prit d'autres exemples, dont l'Alsace : en début de  semaine sur France Culture, justement,  j'ai entendu un historien rappeler que Strasbourg, ville libre de l'Empire germanique, fut soumise par les troupes de Louis XIV : les Strasbourgeois avaient le choix entre la famine ou la soumission ! Encore un beau "mariage" ! La Franche-Comté ne fut guère mieux traitée par Louis XIV,  quant aux régions du sud de la France, comme l'Aquitaine, également citées par le chroniqueur, je ne suis pas sûr qu'elles se soient ralliées au panache des rois de France dans la joie et la bonne humeur. Alexandre Adler semble confondre le roman historique français que l'école nous a imposé, avec la réalité historique elle-même. Oui, M. Adler, beaucoup de régions françaises ont été soumises militairement par l'Etat français (monarchique puis républicain). Et quand il y a eu "mariage", comme en Bretagne, il a des allures de mariage forcé. 

Christian Le Meut 

Quelques petites lectures :

- "Histoire de la Bretagne et des Bretons", par Joël Cornette.

- "L'Union de la Bretagne à la France", Skol Vreizh (Morlaix), par Dominique Le Page et Michel Nassiet.

 

Commentaires

Pourquoi vous imposez une telle torture le matin ?

Slama + Adler + Gallo !!!!!!!!! (gloups)

Slama qui arrive tous les jours à la même conclusion : que vive le jacobinisme pour les siècles des siècles, amen.

Adler, l'ami des grands de ce monde, admirateur de Poutine, qui fait chaque jour des prédictions qui ont la particularité de ne jamais se vérifier, qui sait effectivement tout sur tout, et même sur le reste, et qui se délecte de sa propre arrogance.

Gallo, qui fait partie de cette petite dizaine d' "intellectuels" franchais qui publie régulièrement des livres pour pouvoir passer à la télévision

Le petit monde de france-culture est un petit monde jacobin qui sert une culture, une histoire et un discours officiel, tout en essayant de se persuader du contraire (ou au moins de le faire croire).

Faut pas compter sur eux par exemple ne serait ce que pour informer que des gens manifestent pour défendre leur langue en hexagonie même, alors pour laisser entendre que ces gens pourraient eventuellement manifester avec un tant soit peu de raison, il ne faut même pas y penser, c'est au delà de l'imaginable.

Écrit par : Alwenn | 29/03/2007

Bonjour Alwenn : ce que vous dites n'est pas faux, mais il arrive assez souvent que le contenu des émissions de France culture m'intéresse quand même... Sinon, j'écoute également Radio Bro Gwened; ce matin, en concurrence avec Alexandre Adler, il y avait Céline et ses recettes de cuisine en breton. D'habitude ça me passionne modérément mais là, ça m'a fait du bien !
Kenavo

Écrit par : christian | 29/03/2007

En plus pour ce "mariage" consommé entre Anne de Bretagne et Charles VII, dites-moi si je me trompe mais n'était-elle pas seulement une enfant de 12 ans et lui un adulte de 21 ans? Beau mariage...

Écrit par : Al | 29/03/2007

Anne de Bretagne est née en 1477 et a été mariée en 1491, soit à l'âge de 14 ans. Cela peut paraître, effectivement, choquant, mais c'était peut-être dans les moeurs, pour les familles règnantes, à l'époque. Il ne s'agissait pas de mariages d'amour, c'est évident. A cette exception près, peut-être : en seconde noce (après la mort prématurée de Charles VIII), Anne a épousé Louis XII qui, en 1488, bien qu'héritier du trône et cousin du roi, était du côté du duc de Bretagne et a combattu avec ses troupes (il fut fait prisonnier et emprisonné par son roi de cousin)... Entre Anne et Louis d'Orléans il y avait peut-être comme une histoire d'amour, en tout cas certains historiens le supposent : karantez, karantez...

Écrit par : christian | 29/03/2007

Pendant que vous vous laissiez torturer par France Cultur, Christian, il se trouve que j'écoutais ce même jour une autre radio, Radio Kerne. Je suis tombé sur une chanson dont j'ai de justesse retenu le titre, à défaut du nom de la chanteuse : "Learn to sing like a star". Il est assez rare que j'achète un CD, de plus en ayant entendu qu'un morceau de chanson, mais là je l'ai fait. L'artiste s'appelle Kristin Hersh et a une voix, disons, pour faire court, très remarquable.
(je n'ai bien entendu pas acheté ce dique pour attenter à l'identité francaise ... encore que)

Par la même occasion, j'ai acheté un autre CD, de Loened Fall, "A l'état sauvage", là encore à cause d'un morceau. J'vais déjà le CD Nebaon, de Bugel Koar. Dans les deux cas avec comme chanteuse Marthe Vassallo, qui est du genre "particulièrement talentueuse"
(Là non plus ce n'est pas pour attender à l'identité française ... encore que ...)

L'identité française, ce n'est pas un Breton, un Basque ou un Alsacien qui peuvent la définir. On ne leur demande pas leur avis. Ils n'ont rien à dire. Ils n'ont qu'à se soumettre à l'indentité française que des gens "comme il faut" ont défini, une définition qui leur demande d'abdiquer toute identité particulière (synonyme de "dérive identitaire" et de "communautarisme") pour l'identité générale française, et néanmoins "universelle"

C'est la doxa sur France Culture comme sur tous les media parisiens, et pratiquement aussi ceux de province.

Il y a quand même au moins une voix un peu original sur france culture, pour une chronique, Ligne de fuite, celle d'Edwy Plenel.

J'ai eu la surprise de l'entendre dire, la semaine dernière "nous Bretons".

Je le connaissais entre autre comme ancien rédacteur en chef du Monde, et j'ignorais tout de ses origines. J'ai pris le "nous, Breton" pour une formule métaphorique ou rhétorique quelconque (comme "nous sommes tous Berlinois"

Et cette semaine, rebelotte : "Nous, Bretons". Et de fait ça n'a rien de métaphorique, Edwy Plenel est originaire de Loire-Atlantique.

Il y a des gens dont on sait ou qui se revendiquent clairement Bretons, il y en a d'autres qui ne le font pas, ou qui d'abord ne le font pas, puis qui le font.

Dernièrement on a ainsi appris de la part du maire actuel de paris, qui sembait s'opposer au debut à l'école Diwan, comme tous les partis à l'exception des Verts, qu'il avait des origines bretonnes. Il le révélait semble-til au moment où il s'engageait maintenant en faveur de Diwan.

Pour le petit monde politico-journalistico-intellectuel qui s'auto-charge de choisir ce qu'il convient d'inclure dans l'identité française, le fait de s'affirmer d'emblée "Breton" est un handicap quasi irrémédiable. Le fait d'être "Breton", s'il recouvre quelque chose de plus qu'une simple situation géographique provisoire, est incompatible avec "L'identité française". Le Breton est sensé avoir été ASSIMILE, c'est-à dire défait de tout ce qui pourrait le distinguer d'un français "normal".

Pour revenir à Edwy Plenel, il se trouve que j'ai retrouvé sa chronique de la semaine dernière sur ... "Le Soir" (journal belge) ou plus exactement sur un blog : "La France vue du fin fond de la Belgique"

http://vudebelgique.blog.lemonde.fr/2007/03/23/apres-calimero-becassine

Il y parlait de ... bécassine, le "petit monde" dont je parlais tout à l'heure s'étant mis à qualifier une candidate à la présidence française de ... Bécassine.


"Alors, Bécassine… Bécassine, pour nous - je veux dire par là pour les Bretons d’outre-mer, de lointains et d’ailleurs, déplacés et migrateurs dont je suis et qu’abrite, fût-ce en de vagues cousinages, toute famille bretonne tant cette terre rude et ingrate, durant le siècle passé, fut d’émigration, désir du monde et des autres -, pour nous donc, les Bretons, Bécassine, c’est une vieille complice. Surgie en 1905, mais définitivement campée en 1913 par le dessinateur Joseph Pinchon (1871-1953) et le scénariste Maurice Languereau (1867-1941), elle est notre soeur en infortune, notre héroïne face au dédain social, ce mépris grand bourgeois et grand parisien que l’immigré modestement provincial subit inévitablement dans cette société parisienne encore façonnée par l’esprit de cour, ses codes et ses castes, ses distances et ses silences.

Personnage né au coeur de la Belle Époque, de son insouciance et de son inconscience, Bécassine est le symbole de l’humiliation vécue et de la révolte contenue. On la moque parce qu’elle est une immigrée de l’intérieur venue faire domestique chez les riches : l’idée originale de la série est venue des bourdes et bévues commises par la bonne d’une maîtresse de maison. On la moque parce qu’elle est Bretonne, ce qui sous-entendait, à l’époque, sous-développée, drôlement attifée avec sa coiffe et ses sabots qui faisaient désordre comme, aujourd’hui, le voile et les babouches d’autres populations, également dédaignées.

On la moque parce qu’elle parle mal, confond les mots, bute sur des tournures, en invente parfois, bref, parce qu’elle baragouine, pour employer un verbe peu aimable qui garde la vraie mémoire de notre identité nationale, en ce que, loin d’être figée comme la rêve Nicolas Sarkozy, elle fut toujours tissée de brassages et de mélanges, d’influences et de rencontres. Baragouiner ? Autrement dit mal parler le français, mais, en vérité étymologique, le parler comme un méchant Breton puisque le baragouin, composé des mots bretons bara et gwin qui signifient pain et vin, évoque ces paysans de l’Ouest en quête de pitance alors qu’ils venaient vendre leur force de travail à la ville."

...

Écrit par : Alwenn | 07/04/2007

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