14/12/2006
Auray : élections passées, élections à venir...
Les partis politiques désignent actuellement leurs candidats pour les élections législatives qui auront lieu en juin prochain à la suite des élections présidentielles. A Auray, le député sortant UMP, Aimé Kerguéris voulait promouvoir la candidature du maire de Quiberon, Jean-Michel Belz. Mme Guillou-Moinart, conseillère générale et régionale était également sur les rangs. En vain, les membres de l’UMP ont désigné un autre candidat, Michel Grall, maire de Carnac qui devrait donc avoir l’investiture UMP pour ces législatives. Mais peut-être ne sera-t-il pas le seul candidat pour la droite. Jean-Michel Belz n’a pas renoncé à se présenter, et d’autres pourraient se présenter également. Il pourrait donc y avoir plusieurs candidats de droite à Auray en 2007. Et cette situation m’en a rappelé une autre, en décembre 1983.
Il y a donc 23 ans Christian Bonnet, alors député de la circonscription d’Auray, décidait d’aller poursuivre sa carrière au Sénat. Il déclenchait ainsi des élections législatives partielles mais ne désigna pas son suppléant, Aimé Kerguéris, pour prendre sa suite. Aimé Kerguéris l’avait pourtant remplacé à l’Assemblée quand Christian Bonnet était ministre de l’Intérieur sous la présidence Giscard d’Estaing. Il préféra choisir Michel Naël, alors maire d’Auray. Aimé Kerguéris se présenta quand même suivi par un autre Kerguéris, Jo, alors maire de Landévant... La droite classique avait donc trois candidats. Mais ce n’est pas cela qui retint le plus l’attention de l’opinion publique française.
La montée du Front national
En 1983, un parti politique d’extrême droite commençait à faire parler de lui : le Front National. Il avait percé à Dreux et à Paris lors d’élections partielles. Il saisit l’occasion : Jean-Marie Le Pen se présenta à son tour à Auray. De mon côté j’étais alors étudiant en journalisme à Tours et je décidais de revenir voir ce qui se passait au pays plutôt que de rester moisir en classe. Je proposais donc à mes professeurs de m’absenter quelques jours, pour prendre la direction d’Auray. Là, j’interviewais les candidats de droite, de gauche, dont Paul Baudic pour le Parti socialiste (actuellement maire de Brec’h).
Jean-Marie Le Pen obtint 12% des voix au premier tour. Il effectuait ainsi une percée, mais pas suffisante pour rester au second. Michel Nael arriva en tête (28,1 %), devant Aimé Kerguéris (22 %) puis Jo kerguéris (15,5%) qui se désista en faveur de son cousin. Le Parti socialiste, laminé, ne put se maintenir lors du second tour qui vit s’affronter Michel Naël et Aimé Kerguéris. Ce dernier remporta 58,9 % des voix et fut élu et réélu depuis sans discontinuer jusqu’à aujourd’hui. En France la loi ne prévoie pas de durée limitée des mandats, ni locaux ni nationaux. Ainsi, le Président de la République peut se représenter autant de fois qu’il veut alors qu’aux Etats-Unis, par exemple, la durée est limitée à deux mandats (huit ans). Cette absence de limite de durée est dommage car cela permettrait un renouvellement du personnel politique.
Chall ha dichall...
Plusieurs choses m’avaient marqué lors de cette campagne électorale. Ainsi, lors d’un meeting de Jean-Marie Le Pen je me suis retrouvé seul à rester assis dans une salle où tout le monde se leva d’un coup pour ovationner l’orateur... Un grand moment de solitude. Et puis j’ai constaté que le leader d’un parti nationaliste français d’extrême droite pouvait parler breton. Pas durant ses meetings mais dans la rue, à Locmariaquer, notamment, où il échangea quelques phrases avec des habitants. Moi, je ne parlais pas breton à l’époque, je n’ai pas pu lui faire la conversation dans cette langue mais j’ai appris deux mots avec lui : chal ha dichal, le flux et le reflux. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’est resté.
Il n’est pas surprenant que Jean-Marie Le Pen parle breton, au moins un peu : il est né voici 78 ans dans une famille de pêcheurs de la Trinité-sur-Mer, petit port où l’on parlait breton avant la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui la Trinité-sur-Mer est devenu un grand port de plaisance et l’on n’y parle plus beaucoup breton... Les gens à qui je raconte cette anecdote sont souvent surpris. Le fait qu’un leader du nationalisme français parle breton peut surprendre, en effet.
Parler breton, comme parler n’importe quelle langue, est une richesse. Une richesse conquise, pour moi comme pour beaucoup d’autres, puisque nous aurions dû l’oublier, cette langue, comme celà nous était intimé, ordonné, par moultes institutions, par l’idéologie dominante qui la présentait comme un rebut à jeter, par moult pouvoirs à commencer par l’école dont elle était exclue, et dont elle est encore largement exclue, hormis pour quelques milliers d’élèves des écoles bilingues. Mais si parler breton est une richesse culturelle et personnelle, celà n’immunise contre aucune idée nauséabonde. La preuve !
Christian Le Meut
Résultat des élections de décembre 1983 dans la circonscription d’Auray. Premier tour : Michel Naël (UDF-RPR officiel) 28,16%; Aimé Kerguéris (UDF) 21,99%; Paul Baudic (PS) 15,5%; Jo Kerguéris (UDF) 15,46%; Jean-Marie Le Pen (FN) 12,02 %; René Maury (PC) 5,35%; Bernard Guérin (UDB) 1,52%). Second tour : Aimé Kerguéris 58,9%; Michel Naël 41,1%.
12:05 Publié dans Kazetennerezh/journalisme, Politikerezh/Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Langue bretonne, Auray, politique
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