11/09/2005
Bientôt un cour de breton sur TF1 ?
M. Patrick Le Lay, P-D.G de TF1, a fait de déclarations fracassantes au magazine “Bretons” de ce mois de septembre, accusant la France de “génocide culturel” à l’égard de la langue bretonne. Il a déclaré également ne pas être “Français mais Breton” et se sentir “étranger quand il est en France”... Patrick Le Lay ne parle pas la langue bretonne que parlait son grand-père de Loctudy dans le Finistère. “Je ne parle pas la langue de mon grand-père” dit-il, et pourtant je n’ai pas quitté mon pays"... Et le PDG de TF1 de parler de “terrorisme intellectuel”... “Il n’y a pas plus grand crime contre l’humanité, en dehors de tuer les gens, que de tuer leur langue”, rajoute-t-il...
Ces déclarations ont été reprises brièvement par quelques journaux, comme Libération et Le Monde, qui n’ont, pour l’instant, pas cherché à aller plus loin à ma connaissance. TF1, et LCI, ont-elles repris les déclarations de leur patron?
Du bilinguisme à l'unilinguisme : merci la France !
Si un grand-père de M. Le Lay parlait breton, ce sont, en ce qui me concerne, mes quatre grands-parents qui avaient le breton pour langue maternelle, tout en sachant le français également. Nous n’avons, nous non plus, pas quitté notre pays, attachés à la Bretagne comme des berniques à leur rocher. Pourtant presque plus personne ne parle breton dans la famille. En deux générations, nous sommes passés du bilinguisme breton-français à l’unilinguisme : c’est ça le progrès républicain ? La transmission ne s’est pas faite et le “terrorisme intellectuel” dont parlait Patrick Le Lay est passé par là... La situation de M. Le Lay, nous sommes de centaines de milliers à la vivre en Bretagne; un peu exilés de l’intérieur. Car c’est bien notre langue d’origine que l’on nous a coupée, avec tout son contenu historique, humain, affectif, toute une façon de voir le monde et de l’exprimer que l’on nous a volée, oui, volée, et que les institutions françaises nous ont, trop longtemps, interdit d’approcher. Durant mon enfance je n’ai que très peu entendu parlé breton : aucune place à l’école, des miettes dans les médias. Une exclusion généralisée, officielle.
Génocide ou ethnocide ?
Pour autant, l’expression de “génocide culturel” me gêne. Ce terme est utilisé souvent, certes, mais il correspond à la définition d’un autre mot, “ethnocide”. On supprime une culture sans supprimer la population qui la portait... “Ethnocide” est moins fort que “génocide”, mais il est plus juste dans la situation de la Bretagne, à mon avis. moins “choc”, mais moins porteur d’ambiguités. Les génocides sont perpétrés par des gouvernements, des pouvoirs en place, en vue de supprimer tout ou partie de leur population : les Juifs et les Tziganes par les nazis; les Tutsis et les Hutus démocrates par la dictature rwandaise en 1995; les Arméniens par la dictature turque il y a un siècle; les Cambodgiens que les Khmers rouges voulaient rééduquer... Assimiler ces massacres de grandes envergures aux politiques délibérées d’élimination d’une langue où personne n’est tué (quasiment), n’est pas juste et ne sert pas à décrire précisément ce qui se passe ici, en Bretagne, encore aujourd’hui. Mes quatre grands-parents sont morts de mort naturelle, et j’ai pu en connaître deux. C’est quand même mieux que s’ils avaient tous fini dans les chambres à gaz !
Cela dit, aucun Etat, surtout s’il se prétend démocratique, n’a le droit de pratiquer un ethnocide, de vouloir supprimer une ou plusieurs langues parlées sur son territoire. Les textes internationaux concernant les droits de l’Homme sont clairs là-dessus... Mais la France s’est bien gardé d’en signer certains...
TV Breizh boycottée par le CSA
Je partage probablement une colère proche de celle de Patrick Le Lay par rapport à ce que la République française a fait contre la langue bretonne et contre les autres langues régionales. Mais je constate que la situation évolue un peu depuis vingt ans et, malgré tout, l’Etat finance aujourd’hui l’enseignement du breton dans les écoles bilingues, même s’il le fait à reculons... La pression vient d’en bas car, en haut, la République française ne se résout toujours pas à ratifier et appliquer la Charte européenne des langues minoritaires, signée par Jospin en 1998, mais retoquée par le Conseil constitutionnel.
Cette même colère peut m’aider à comprendre aussi le point de vue d’autres hommes en colère envoyés devant les tribunaux. Mais il faut dénoncer clairement la violence et le terrorisme, ce que fait Patrick Le Lay. Il a lui même montré que l’on peut faire avancer les choses pacifiquement en créant TV Breizh. Son amertume et sa colère viennent sans doute aussi du fait que cette télévision de qualité n’a obtenu aucune autorisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Aucune. Ni pour la TNT, ni pour des fréquences hertziennes locales comme à Nantes, alors même que des millions étaient investis pour créer, en Bretagne des studios et sociétés de production. TV Breizh a réduit sa part bretonne; elle a baissé en qualité et augmenté en audience sur l'ensemble de la France. Les sociétés audiovisuelles installées ici ont bien du mal à se maintenir mais l’outil de production est bien là. Des dessins animés, des films et des feuilletons ont été doublés en breton, ce qui est très important pour les jeunes générations qui apprennent la langue et auxquelles France 3 apporte trop peu d’émissions en breton...
On enterre bien Malraux
Je ne doute pas une seconde de la sincérité des propos de M. Le Lay concernant la langue bretonne, mais ils auraient beaucoup plus de portée et de crédibilité si TF1 ne véhiculait à travers ses émissions des valeurs très contestables comme la compétition permanente, l’attachement servile aux apparences, l’absence de curiosité intellectuelle, le divertissement permanent au détriment de la formation personnelle et citoyenne. André Malraux considérait la télévision comme, je cite “un instrument de partage culturel”... Quelle sorte de culture partage TF1 ? Et quelle image de la France véhicule cette chaîne et notamment le journal télévisé de Jean-Pierre Pernault ? Une France très folklorique et folklorisée. Cette chaîne est loin de montrer la diversité culturelle sur laquelle la France a été bâtie, de la Corse au Pays Basque en passant par l’Alsace, la Normandie et la Franche Comté; elle est loin aussi d’en montrer la diversité actuelle avec toutes les populations issues de l’immigration...
Si au moins, TF1 avait fait prendre conscience aux millions de Français et Français qui l’ignorent que les langues régionales sont des langues encore parlées, encore vivantes, les déclarations de M. Le Lay seraient cohérentes avec sa pratique. On en est loin ! M. le P.-D.G. de TF1 pourrait glisser un cour de breton dans sa grille d’émissions. Imaginez donc avec moi, M. Le Lay, cinq minutes de breton entre la Star réac academy et Kaoc’h* Lanta, ça remonterait le niveau intellectuel de vos émissions, non ?
Bon, pour ce qui est l’audience, c’est moins sûr !
Christian Le Meut
* Kaoc'h : pour celles et ceux qui n'auraient pas de dictionnaire de breton à la maison (il y en a un sur le net), mot en cinq lettres commençant par M...e
10:45 Publié dans Brezhoneg/Langue bretonne, Mediaioù/média/skinwel/Télévision, Politikerezh/Politique | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : Bretagne forever !
06/09/2005
La Marseillaise obligatoire à l'école : "Aberrant et monstrueux"
L'Alliance Fédéraliste Bretonne (AFB - Emglev Kevredel Breizh), Bemdez, Breizh 2004, Le Collectif Breton pour la Démocratie et les Droits de l'Homme (Galv Karaez - Appel de Carhaix), Dalc'homp Soñj, Le Réseau des Bretons de l'Extérieur (RBE - Rouedad Bretoned an Estrenvro), et l'Union Démocratique Bretonne (UDB) "s’indignent de la décision, confirmée et précisée par la circulaire de rentrée publiée le mercredi 24 août, d’introduire dans l’enseignement d'éducation civique l’apprentissage obligatoire de l’hymne français et de son histoire.
L'enseignement des symboles de l’Etat français était certes déjà inclus dans les programmes officiels du primaire depuis 2002, mais les paroles de l'hymne n'étaient cependant pas systématiquement apprises jusque là (on notera d’ailleurs que, dans nombre d’Etats tels le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas ou l’Espagne, il n'existe aucune obligation de ce type).
Nos associations et formations politiques considèrent qu’il est aberrant et monstrueux que ce chant cocardier, aux paroles de violence et de haine renvoyant aux plus sanglantes périodes de l'Histoire et du colonialisme (« …Qu’un sang impur abreuve nos sillons… », « …Quoi, ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers… », «… S’ils tombent, nos jeunes héros, la France en produit de nouveaux, contre vous tout prêts à se battre… », «… Amour sacré de la Patrie, conduis, soutiens nos bras vengeurs… », «… Que tes ennemis expirants voient ton triomphe et ta gloire… ») puisse être enseigné à de jeunes enfants ! Cet hymne ne présente d’intérêt que pour les historiens et ne saurait constituer un vecteur de paix et de respect des Droits de l'Homme.
Nos organisations ne peuvent que se déclarer vivement inquiètes face à une décision, qui, après le vote de la loi sur « la présentation positive du colonialisme », traduit la volonté de colorer les programmes d’enseignement d'un nationalisme exacerbé.
Nous agirons pour que la Bretagne, terre de tolérance, de paix et d’ouverture sur l’Europe et le monde, soit épargnée par les délires chauvins de Fillon et consorts."
Ha c'hwi, petra sonjit a ziout an dra-se, larit ho sonj !
Et vous, qu'en pensez-vous ? Donnez votre avis.
Christian Le Meut
08:25 Publié dans Deskadurezh/Education, Istor/Histoire, Politikerezh/Politique | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : Bretagne forever !
05/09/2005
Le Lay : "Génocide culturel de la langue bretonne"
Salut d'an holl : embann a ran ar pezh lâret get an aotroù Le Lay (rener TF1) barzh ar gelaouenn "Bretons" a ziout ar "génocide culturel de la langue bretonne". Danvez zo da dabutal, d'am sonj !
Salut à tous et toutes, la dépêche AFP ci-dessous reprend quelques propos de Patrick Le Lay (PDG de TF1) dans le nouveau magazine "Bretons". Il y a de quoi débattre !
(AFP) - "Le Pdg de TF1 Patrick Le Lay affirme, dans une interview au magazine "Bretons" de septembre, ne pas se sentir Français mais Breton, et accuse la France de "génocide culturel de la langue bretonne".
"Je ne suis pas Français, je suis Breton. Je suis un étranger quand je suis en France", déclare le patron de la principale chaîne de télévision française. Evoquant longuement ses racines bretonnes dans cette interview, M. Le Lay affirme que "la France a procédé à un génocide culturel de la langue bretonne", et que "la culture bretonne n'a pas le droit d'exister".
Cette situation explique, selon lui, les réactions parfois violentes ces dernières décennies des autonomistes bretons. Ils "se sont laissés embarquer par romantisme, par manque de réflexion, mais c'était un truc noble dans leur esprit", estime-t-il en précisant qu'il "réprouve l'action violente".
"Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut les aider à se réinsérer dans la société", ajoute-t-il en reconnaissant avoir engagé à la chaîne régionale bretonne TV-Breizh, filiale de TF1, l'autonomiste breton Arnaud Vannier alors que ce dernier était en attente de jugement dans l'affaire de vol d'explosifs à Pleven.
M. Le Lay critique par ailleurs violemment "le système administratif jacobin français" qui a refusé à trois reprises des projets de TF1 pour obtenir des fréquences hertziennes locales en Bretagne: A Nantes, "c'est le Figaro, journal breton bien connu, qui a eu la fréquence, c'est à hurler".
Il s'en prend aussi au "silence assourdissant des élus bretons", qu'il accuse de ne pas l'avoir soutenu dans cette bataille, à l'exception, note-t-il du président du conseil régional de Bretagne Jean-Yves Le Drian, député et ancien maire de Lorient où est basée TV-Breizh.
M. Le Lay admet enfin qu'il n'a jamais pu apprendre le breton parce qu'il a des "difficultés avec les langues". "Si je me mettais deux mois à fond, avec toutes les bases que j'ai, je parlerais breton couramment. Mais comme c'est un truc d'intellectuel, ce n'est pas grave", ajoute-t-il cependant.
Le magazine Bretons, lancé en juillet, est un mensuel de "société", de "culture" et de "musique" consacré à la Bretagne, qui vise à une diffusion de 30.000 exemplaires sur toute la France. Son capital est détenu par son rédacteur en chef Didier Le Corre et un associé.
Dans l'entourage de M. Le Lay, on a confirmé jeudi la teneur de cette interview, réalisée à Paris le 9 août."
09:45 Publié dans Brezhoneg/Langue bretonne, Gwirioù mab den/droits de l'être humain, Mediaioù/média/skinwel/Télévision | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Bretagne forever !