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15/07/2005

Jack Lang : "La République doit se réconcilier avec l'ensemble de ses langues"

Voici un entretien paru dans un numéro récent d'Historia (juillet), consacré à l'histoire de la langue bretonne. Jack Lang s'y exprime sur son soutien aux langues régionales.

"En 2001, Jack Lang, alors ministre de l'Education nationale, souhaite développer des filières d'enseignement bilingue, de la maternelle à l'université. Retour sur un débat politique houleux.
Historia - De 2001 à 2002, vous avez fermement défendu le développement de l'enseignement des langues régionales contre ses opposants. Une circulaire prévoyait que le breton, le corse, le basque, l'occitan, le catalan, l'alsacien et le mosellan soient reconnues langues d'enseignement à parité avec le français. Pourquoi tant de détermination ?
Jack Lang - Je défends depuis toujours les langues et les cultures régionales, considérant qu'il n'y pas de langues minoritaires mais des langues particulières qui font toutes partie de notre richesse nationale. Pendant plus deux siècles, les langues régionales ont été combattues par les pouvoirs publics. Or, toutes les langues sont des trésors humains. Et on oublie trop souvent que les langues, comme les civilisations, sont mortelles. J'ai donc voulu que cette injustice historique soit réparée. J'ai pris des mesures en faveur des langues particulières dès 1981. Non sans mal ! On m'a alors accusé de vouloir balkaniser la République. J'ai mis en place en 1985 un Conseil national des langues et cultures régionales qui est devenu aujourd'hui le Haut Conseil des langues et cultures de France. Entre 2001 et 2002, j'ai souhaité que soit franchi un nouveau cap. J'ai ainsi lancé un vaste plan pour les langues, complémentaire du plan pour les langues étrangères. Il a permis de renforcer les réalités culturelles et linguistiques des régions. La République doit se réconcilier avec l'ensemble de ses langues. Je crois profondément que la meilleure façon de protéger la langue française, c'est de développer le plurilinguisme sous toutes ses formes.
H. - Vous êtes allé bien au-delà de ce que prévoyait votre programme de mise en place de filière bilingues en plaidant, en vain, pour l'intégration de l'école associative Diwan, qui pratique un enseignement exclusivement breton, dans l'Education nationale. Vous vous êtes heurté aux syndicats d'enseignants, partisans de l'enseignement pour tous en français, qui estiment que cette méthode d'immersion pédagogique porte atteinte à l'unité de la République. Agiriez-vous de la même façon en 2005 et pourquoi ?
J. L. - Oui. Mon combat en faveur de la langue bretonne est d'ailleurs beaucoup plus ancien. Dès 1982, j'ai été le premier à financer l'association Diwan - comme j'ai d'ailleurs soutenu des mouvements artistiques occitans, corses, basques ou bretons. Je pense notamment au Festival interceltique de Lorient. En 2001, je suis effectivement allé plus loin en voulant intégrer les écoles Diwan dans l'enseignement public. Cette proposition, contenue dans le plan en faveur des langues de France, a été malheureusement annulée par le Conseil d'Etat. Je le regrette beaucoup. Toutes les études montrent pourtant que les enfants qui ont eu la chance d'être immergés très jeunes dans la langue bretonne sont ceux qui réussissent le mieux, en particulier en français, au baccalauréat. Plus on apprend de langues et plus on peut en apprendre. Il faut encourager la diversité linguistique. Défendre les langues régionales n'est en aucun cas le signe d'un repli sur des particularismes. C'est au contraire l'expression de la reconnaissance de la diversité de notre patrimoine national.
H. - Que pensez vous de l'enseignement des langues régionales tel qu'il est prévu par la loi Fillon ?
J. L. - Peu de chose. Je ne crois qu'aux actes. Pas aux textes proclamatoires ! Je constate ainsi que, depuis 2002, les postes mis au Capes des langues régionales sont en constante diminution. Les concours spéciaux de recrutement de professeurs des écoles chargés d'un enseignement en langues régionales sont remis en cause. Notre plan en faveur de l'enseignement bilingue, permettant l'utilisation d'une langue régionale comme langue d'enseignement, est en panne."

Source "Historia", dernier numéro (juillet 2005).

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