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16/07/2008

Vassilis Alexakis dans Marianne : "on développe une vision policière de la langue"

4fc93736928959e509acc4581b81bb1b.jpgL'hebdomadaire Marianne, dans son numéro du 5 au 11 juillet dernier, n° 585, publie un entretien très intéressant avec l'écrivain grec Vassilis Alexakis. Né en 1943, il s'est réfugié en France lors de la dictature des colonels. Il écrit ses romans en grec et en français et a reçu en 2007 le prix de l'Académie française, ce qui ne signifie pas qu'il est d'accord avec elle sur les langues régionales. L'entretien porte sur l'identité et la fameuse fumeuse "exception" française...

"Loin de toute fixité, l'identité d'une nation est mouvante, explique Alexakis. Sinon, elle se caricature elle-même. C'est précisément ce qui me préoccupe. La France officielle tend à se caricaturer. (...)."

"Quelle forme prend cette caricature ?" demande Alexis Lacroix, de Marianne : "Une langue, à mes yeux, n'appartient à aucun Etat nation. Car une langue se nourrit essentiellement du dialogue qu'elle noue avec d'autres. C'est vrai du grec, qui charrie nombre d mots issus des langues parlées avant son apparition, dans l'espace nationale héllénique. Ainsi les mot "Athènes" ou encore "Olympe" ne sont pas grecs... Mais ce qui est vrai du grec l'est aussi du français, langue deux fois latine, et qui a intégré une foule de mots étrangers".

Marianne : "Un des marqueurs de l'exception française, c'est justement la place accordée à la langue (...) ?

V.A. : "Bien sûr, mais il ne faut pas pour autant se représenter la langue française comme une grosse armoire normande. La langue française n'a pas de propriétaire. Un Chinois qui connaît bien cette langue - il y en a un à l'Académie française - a autant de droit sur le français que n'importe quel Français dont les ancêtres ont vécu sur le sol de l'Hexagone depuis dix-sept siècles ! Pratiquant dans mon oeuvre un va-et-vient permanent entre le français et le grec, j'éprouve de la joie à écrire dans une langue qui n'est pas ma langue maternelle ; en même temps, je m'alarme que les politiques dénaturent aussi la langue, en faisant jouer au français un rôle détestable de pierre de touche de l'identité française. Ils dénaturent la langue quand ils l'utilisent comme un instrument pour baîllonner les langues régionales. Au nom de l'unité, en s'appliquant à supprimer le corse, le basque, le breton ou l'occitant, on a en fait nui au français, et à son rayonnement.

Marianne : "C'est un des traits de l'exception française : l'extrême centralisation linguistique...(1) 

V.A. : "Sans doute, mais à rebours de ce qu'on a cru longtemps, les langues régionales possèdent d'immenses ressources pour nourrir le français. Quand la France s'applique à faire jouer un rôle de carte d'identité ou de douanier au français, on développe une vision policière de la langue. La meilleure façon de défendre aujourd'hui les couleurs de la langue française - et la plus fidèle à l'esprit de son "exception" - c'est de promouvoir les droits de l'homme. Aussi, en déroulant un tapis rouge à quelqu'un comme Kadhafi, notre pays s'est tourné en dérision. (...).

(1) Note du blogueur en chef : Qu'est-ce donc qu'une "centralisation linguistique" ? Le journaliste de Marianne semble ignorer que la France s'est construite sur une réalité plurilingue, depuis des siècles. Il est vrai que ce n'est pas dans son propre journal qu'il pourra beaucoup s'informer sur cette réalité...