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10/04/2009

Selon Dominique Schnapper (membre du Conseil constitutionnel), les Bretons devraient plutôt apprendre l'anglais

Dominique Schnapper passait dans l'émission A voix nue, sur France culture (20h) du 6 au 10 avril. Cette éminente sociologue est aussi membre du Conseil constitutionnel. Je l'ai entendue mercredi soir, elle parlait, notamment, des langues régionales... Elle a dit trouver bien que les Alsaciens continuent de parler alsacien, car c'est proche de l'allemand et, dans l'Europe actuelle et future, c'est important de parler allemand... Par contre, "il serait plus utile pour les Bretons d'apprendre l'anglais que le breton" a-t-elle dit, en précisant que les Bretons restent libres quand de leurs choix, encore heureux ! Donc, pour Mme schnapper, qu'importe qu'une culture et une langue disparaissent de la surface du globe, pourvu que l'on parle français, anglais et allemand, n'est-ce pas ? L'Unesco range le breton parmi les langues en danger de disparition. Que dirait Mme Schnapper si c'était la langue française qui était menacée de disparition ?

Vision utilitariste
Une telle vision uniquement utilitariste des langues, qui ne prend pas en compte leurs valeurs humaines, culturelles, scientifiques, intellectuelles, est navrante de la part d'une intellectuel de ce renom, mais Mme Schnapper n'est pas linguiste. Par contre, elle est au Conseil constitutionnel : que dit-elle ainsi aux personnes concernées : votre langue, celle de vos parents, la culture qu'elle porte, sa littérature, son histoire, peuvent disparaître, ce n'est pas si grave, il est plus important de parler anglais.

Les personnes qui font partie des instances supérieures de la République, comme le Conseil constitutionnel, savent-elles qui nous sommes ? Cherchent-elles à le savoir ? Avons-nous de l'importance pour elles ? Prennent-elles en compte nos différences ?

Qu'est-ce qu'être citoyen ?
Au bout du compte qu'est-ce qu'être citoyen en France ? Je crois, pour ma part, qu'être citoyen c'est se rebeller (non-violemment), contre les autorités qui veulent uniformiser leur population sous des prêtextes divers et refusent de prendre en compte les différences.  Et tous parler la même langue est-il un gage de démocratie ? De respect des droits de l'Homme ? De garantie de l'Etat de droit ? De pratique de la citoyenneté ? La citoyenneté, ici, en France, ne s'exprime d'ailleurs pas qu'en français, elle s'exprime aussi en breton, en basque, en alsacien, en wolof, en arabe, en anglais... Et ailleurs dans le monde ils sont nombreux les Etats où plusieurs langues sont parlées, reconnues officiellement et encouragées.

Le fait de parler une seule et même langue ne garantit ni la démocratie, ni la paix : la Yougoslavie, le Rwanda, l'Irlande, les Etats-Unis (guerre de sécession), et la France elle-même nous l'ont prouvé (guerre civile sous l'occupation, guerre entre Français pendant la guerre d'indépendance d'Algérie, guerre civile sous la Révolution, la Saint-Barthélémy, j'en passe...). Le fait, par contre, de refuser aux populations "minoritaires" le droit de parler leurs langues, est contraire aux droits de l'Homme, antidémocratique, et facteur d'instabilité. En cherchant à réduire les droits linguistiques et politiques des Albanais du Kosovo en 1987-88-89, le grand démocrate yougoslave Milosevic a largement contribué à faire exploser la fédération yougoslave.

Parler français ou ne pas parler ?...
C'est une vision bien étriquée de la citoyenneté que de la conditionner à la pratique d'une seule et même langue. D'autant plus que, simultanément, l'Etat français refuse l'accès au territoire, et/ou à la citoyenneté, à de nombreuses personnes issues des anciennes colonies françaises qui, bien souvent, maîtrisent le français... Allez comprendre ! Alors, derrière ce mépris des langues régionales "de France", c'est un modèle politique qui s'exprime. La République française est-elle un modèle "universel" comme certains le prétendent ? L'universel parle toutes les langues pratiquées sur notre planète, pas uniquement le français...  Vouloir imposer une langue unique en France est pratiquer un communautarisme linguistique destructeur des cultures existant sur le territoire, d'une part, et qui nous ferme l'apport de populations étrangères.

Confiner les langues régionales à la sphère privée, c'est les condamner à mort comme le dit l'historienne Mona Ozouf. Au contraire, encourager la pratique des langues régionales et du multilinguisme (la pratique du kabyle pour les jeunes d'origine kabyle, de l'arabe pour les jeunes d'origine arabe...), c'est se donner des outils pour s'ouvrir à soi-même et au monde. La langue française a évidemment sa place dans ce schéma là, comme langue commune, mais pas comme langue unique.

"Unie dans la diversité"

Pour information à Mme Schnapper : les Bretons aussi peuvent cultiver des liens avec leurs cousins européens gallois et cornouaillais, car les trois langues sont soeurs... En voila une bonne idée pour l'avenir de l'Europe. Une Europe dont la devise n'est pas "Unie dans l'uniformité" mais "Unie dans la diversité". "Unie dans la diversité", en voila une belle devise, il serait temps qu'elle devienne aussi celle de la France.

Christian Le Meut

Commentaires

Mme Schnapper ne peut pas être innocente, vu son parcours "scientifique" (!) et "institutionnel". Qu'une sociologue ne sache pas qu'une langue soit porteuse d'une culture est IMPOSSIBLE. Nimporte qui qui veut bien réfléchir cinq minutes le sait. Et en france, qui se veut une exception "culturelle" !? deux minutes de réflexion devrait même largement suffire !
On ne peut pas faire partie du conseil constitutionnel sans faire partie de la nomenklatura jacobine. C'est mêem l'une des formes de consécration.
L'argument utilitariste est l'argument de ceux qui n'ose pas utiliser d'autres arguments plus "nationalistes". Il faudrait faire une typologie des jacobins et de leurs argumentations. Apparemment, le fait que l'alsacien soit de l'allemand, donc une langue étrangère, ne la gêne pas, puisque n'elle n'est pas contre l'apprentissage des langues étrangères, pourvu que ce soit "utilitaire" et pas "culturel".

Affirmer qu'une langue est "inutile" est faire preuve d'un profond mépris et d'un état d'esprit colonialiste (sous une forme paternaliste : on sait ce qui est bon pour vous). Dirait-elle que le quechua ou le yiddish sont des langues inutiles ?

Maintenant parler breton ne doit pas empêcher d'apprendre l'anglais, et puisque cette langue est indispensable, comme le suggère "notre" sociologue, d'en faire "notre" langue "commune" véritablement "universelle" !

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

Quand on voit les livres écrits par cette "sociologue"

http://www.amazon.fr/dominique-schnapper/s/qid=1239364663/ref=sr_nr_i_0?ie=UTF8&rs=&keywords=Dominique%20Schnapper&rh=i%3Aaps%2Ck%3ADominique%20Schnapper%2Ci%3Astripbooks

(c'est une spécialiste de l' intégration" à la française, autrement dit de l' "assimilation", de l'imposition du français en place de toutes les autres langues),
on ne peut qu'y voire une idéologue du jacobinisme.
Elle est très "utilisée" par le site "communautarisme.com"

Donc le conseil constitutionnel est bien le lieu de consécration qu'une telle idéologue pseudo-scientifique pouvait souhaité

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

Un peu plus loin dans le même texte :

"l'Etat national a toujours travaillé à homogénéiser la culture des populations"

Comme c'est bien dit ! Vive l'homogénéisisation (un peu difficile à prononcer quand même)

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

Il faut lire ce texte :
La communauté des citoyens, utopie créatrice

http://www.communautarisme.net/La-communaute-des-citoyens,-utopie-creatrice_a568.html

ou la "fabrication" du "communautarisme" français !

""... l'Ecole ... dispense d'abord une langue, une culture, une idéologie nationale et une mémoire historique particulières qui tissent des liens concrets entre les futurs citoyens, qu'on pourrait appeler de type "communautaire" """" !!!!!!!!!!

L' "Ecole" française, fabricatrice du "communautarisme" français, en "dispensant" :
- une langue particulière
- une culture particulière
- une idéologie nationale particulière
- une mémoire historique particulière

Le français ne serait donc pas une langue "universelle", mais une langue "particulière" ?

Pour être explicite, c'est explicite.
Et après notre idéologue vient inocemment dire que le breton est "inutile" ! alors qu'elle ne le pense manifestement pas une seule seconde.

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

Mon quatrième message est passé avant mon troisième !

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

Je ne connaissais pas cette sociologe avant de lire votre billet, Christian, mais j'ai toujours pensé que les intellectuels français étaient au service de l' "Etat" français dans leur très grande majorité, si ce n'est leur totalité. Et cette madame Schnapper en est un eccellent exemple, et le fait qu'elle soit au conseil constitutionnel ne doit absolument rien au hasard, les places y étant on ne peut plus cher !

Des chercheurs ont maintes fois soulignés que le totalitarisme, nazi, soviétique, stalinien, ou autre, se reflétait imancablement dans le langage. Ce n'est après tout qu'une extention de la "langue de bois", assez inérente à la politique.

Le totalitarisme "jacobin" est lui aussi inscrit dans la langue.

Et il ne serait peut-être pas inutile d'en faire un petit "vocabulaire".

"l'Etat national a toujours travaillé à homogénéiser la culture des populations" D. Schnapper

"Homogénéisation" : destruction des langues et cultures minoritaires au profit de la "communauté" dominante.

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

"Une telle vision uniquement utilitariste des langues, qui ne prend pas en compte leurs valeurs humaines, culturelles, scientifiques, intellectuelles, est navrante de la part d'une intellectuel de ce renom, mais Mme Schnapper n'est pas linguiste."

D'une certaine façon, votre billet est un peu naïf, Christian, en ce sens que vous prenez au pied de la lettre ce que dit cette "éminente sociologue", une petite rechreche sur internetn montre qu'elle est une "théoricienne" du jacobinisme et de la "raison d'Etat".
Dans cette interview sur france-culture, il faut noter aussi la complaisance de l'intervieweuse, Maryvonne de Saint-Pulgent, qui laisse passer cette argument utilitariste sans autre réaction.
Mais on est là au coeur même du jacobinisme, sous sa forme intellectuel, entre gens qui se comprennent parce que du même univers, qui se complaisent.
Mona Ozouf, malgré son dernier livre, s'en démarque à peine, et utilise en partie toujours le même vocabulaire : universalisme, ...

Écrit par : Alwenn | 10/04/2009

Ridicule. Comme si parler breton empêchait d'apprendre l'anglais. Comme si les Bretons n'étaient parmi les meilleurs lorsqu'on compare les taux de réussite au bac par exemple. En plus, confondre allemand et alsacien !
Comme le soulignait récemment une députée européenne, il n'y a que les Français, et notamment le personnel politique, à penser qu'on ne peut pas apprendre plusieurs langues : pourquoi choisir ? Apprenons plusieurs langues ! Nos voisins hollandais ou scandinaves jonglent allègrement entre leur langue natale, l'anglais, l'allemand, le français, etc. C'est aux députés français, et non aux Bretons, qu'il faut conseiller d'apprendre davantage de langues étrangères...

Écrit par : Gwen | 11/04/2009

Trugarez deoc'h, Alwenn, evit ho mesajoù talvoudus. Marteze on chomet me "naïf", un nebeut, evel ma lâret. N'eo ket ur si, d'am sonj, bout souezhet ha kounnaret dirak traoù zo.
Joa deoc'h
CLM

Écrit par : Christian | 12/04/2009

Rien de neuf sous le soleil hexagonal : ça fait des décennies sinon des siècles que les décideurs français souhaitent la disparition de la langue bretonne, l'assimilation totale du peuple breton ... Rien de surprenant.

Écrit par : Jean Landais | 18/04/2009

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