Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/05/2007

Chirac : au revoir, au revoir, Président

Ca y est, il s'en va, le grand Jacques : le regretterons-nous un jour ? En attendant je réédite cette note parue en avril.

“Je vous aime” : c’est la déclaration que nous a faite le président Jacques Chirac le 11 mars dernier. Quelle émotion, le grand Jacques nous aime et il attend la fin de son second mandat pour nous le dire. Que ne l’a-t-il dit plus tôt ? Nous nous en serions portés mieux, non ? Mais qui aime-t-il, en fait ? Tous les Français ou seulement certains. Parfois ceux de droite ? Parfois ceux de gauche ? Parfois ceux du centre ? Les trois peut-être, mais par intermittence et en fonction du vent et du moment.

Aime-t-il également les travailleurs étrangers et leurs familles sur lesquels il fit des déclarations proches de la xénophobie; on se souvient du “bruit” et de “l’odeur” ? Aime-t-il nos compatriotes Kanak ? Lorsqu’il était premier ministre entre 1986 et 88 sa politique en Nouvelle-calédonie conduisit à une quasi guerre civile. La vingtaine de kanak et les six militaires, tous citoyens français, décédés sur l’île d’Ouvéa en avril 1988 sont-ils le résultat de l’amour profond que Jacques Chirac porte aux Français ? Ce glorieux résultat fut sanctionné lors des élections présidentielles de mai 1988. Mitterrand l’emporta sur Chirac et Michel Rocard, nouveau premier ministre, établit une paix durable en Nouvelle-Calédonie.

Jacques nous aime tellement qu’à peine élu président, en 1995, année du cinquantenaire d’Hiroshima, il relança les essais nucléaires dans le Pacifique. C’était pour notre défense, n’est-ce pas, pas pour celle des peuples du Pacifique qui n’apprécièrent guère la plaisanterie. Jacques a eu, cependant, quelques éclairs de lucidité durant ses deux mandats, comme celui de refuser de suivre Georges Bush en Irak.

De grandes idées à l’étranger... Mais peu d'application à l'intérieur
Notre président a été, pendant douze  ans, un fervent partisan de l’écologie et de la diversité culturelle. Mais pour ses discours à l’étranger surtout. A l’intérieur, il nous aime tellement que les langues régionales n’ont toujours pas de statut officiel en France. Lionel Jospin signa en 1998 la Charte européenne des langues minoritaires, mais elle fut repoussée par le Conseil constitutionnel consulté à la demande du président... Depuis ? Rien. Cette charte est appliquée dans 25 des 27 Etats de l’Union européenne, pas en France (ni en Grèce, semble-t-il). En cela, la France est une exception politique totalement ringarde en Europe aujourd’hui. Jakez, ar vrezhonegerion ne lâront ket trugarez deoc’h. Jacques, les bretonnants ne vous disent pas merci.

Quant à l’écologie et à la protection de l’environnement, elles sont à la traîne dans en France. Ah si, on peut mettre au crédit de Jacques la création en 1975 du Conservatoire du littoral qui contribue efficacement à sauvegarder nos côtes (notamment les côtes bretonnes), de la pression immobilière. Jacques était alors premier ministre de Giscard. Merci donc à Jacques et Valéry. Et bonnes retraites à tous les deux.

Bonne retraite et bon boulot aux juges !
La retraite de Jacques et de son épouse Bernadette risque cependant d’être un peu perturbée par les convocations des juges. Ils sont teigneux, ces juges. Et même que, théoriquement, ils sont indépendants du pouvoir politique. Quelle drôle d’idée quand même, surtout pour les responsables politiques qui ne bénéficient plus de l’immunité présidentielle... D’après les journaux, un premier rendez-vous pourrait avoir lieu à la mi-juin. J’espère qu’il y en aura d’autres après, comme ça, ça occupera sa retraite, à Jacques, ça lui mettra un peu de piment dans l’existence, sinon il risquerait de s’ennuyer. Et nous avons bien besoin, en France, de voir des juges faire leur travail jusqu’au bout. Cela pourrait réhabiliter l’institution judiciaire, qui en a bien besoin.

Je ne demande pas que l'on vous mette en prison, Jacques. Non. Mais un ou deux petits procès histoire d'établir les faits, et quelques peines d'intérêt général à la clé, là encore, pourrait vous occuper la retraite. Bénévole dans une association, ça pourrait vous ouvrir des perspectives : travailler pour rien, juste pour le plaisir et le service rendu à autrui, sans aucun retour. Aux Restaurants du coeur, à la Croix Rouge, ou ailleurs, histoire de côtoyer un peu la misère sociale de notre pays. Et puis, pourquoi pas, peut-être pourriez-vous rembourser un peu ?

Celà dit, Jacques a eu ou soutenu plein de bonnes idées pendant ses deux mandats présidentiels, comme la dissolution de l’assemblée nationale en 1997 ou le contrat première embauche en 2005-2006 qui a jeté dans la rue une grande partie de la jeunesse que la précarité économique et sociale attire peu. Je peux convenir qu’il nous aura fait rire, parfois. Mais c’était souvent involontaire de sa part.

Nico, le successeur
Jacques nous aime tant qu’il nous a trouvé un successeur qu’il a l’air d’apprécier beaucoup. Nico. Le petit Nico fait face à la grande Ségo, à Fañch et aux autres, dimanche prochain, pour le premier tour des élections présidentielles. Merci Jacques, pour le cadeau, car Nico en est un. Il nous dit que “tout est possible” avec lui. Avec vous déjà, Jacques, c’était le cas. Tout était possible, même le pire. Nico est donc un peu votre fils en politique. Il nous promet qu'ensemble, “Tout est possible”... Mais avec quelques restrictions cependant, comme celle de ratifier la charte européenne des langues minoritaires qui donnerait un statut officiel à la langue bretonne et aux langues régionales en France. Ah ben non, ça, il ne pourra pas le faire, il l'a déjà dit, ce ne sera pas possible; ça commence bien...

En attendant, Jacques, un peu moins d’amour, un peu plus de constance, de probité, de cohérence entre les discours et les actes, n’auraient pas nui. Après douze ans de votre présidence, la chose politique est largement déconsidérée en France et vous y êtes pour beaucoup (mais votre prédécesseur aussi). Je ne suis même pas certains de la sincérité de vôtre "amour" envers nous : ne confondez-vous pas plutôt avec un amour du pouvoir, de la reconnaissance officielle, de l'hôtel de ville de Paris, de Matignon, de l'Elysée... Mais nous ? Que savez-vous de nous ?

Maintenant vous allez partir. Nous allons devoir nous en sortir sans vous. Sera-ce pire, sera-ce mieux ? Je n’en sais rien mais en tout cas, moi, en tant que citoyen de la République française,  je n’ai pas aimé votre façon d’exercer votre fonction.

C’est ça, Jacques, le problème avec l’amour : il n’est pas toujours réciproque.

Christian Le Meut (avril 2007)

Les commentaires sont fermés.