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29/05/2006

Aimer sans être aimé ?

“Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter", a déclaré, fin avril, nôtre vénéré ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Certains ont trouvé ces propos de bons sens; d’autres ont accusé nôtre futur président de la République de chasser sur les terres de Le Pen... Mais voyons cette petite phrase de plus près.

Qui sont ces “certains” qui n’aimeraient pas la France ? Je ne sais pas vous, mais moi, je n’ai pas choisi mon lieu de naissance. Je suis même né dans ce qui est aujourd’hui le “neuf - trois”, à l’époque c’était encore le “sept huit”, au Blanc Mesnil. Je suis donc peut-être un peu une “racaille” moi aussi... Je n’ai pas choisi mon pays ni non plus de naître Français, Breton, Européen, être humain, etc.

La France a connu des générations de travailleurs immigrés. Immigrés de l’intérieur, tout d’abord comme les Bretons, les Auvergnats, les Savoyards, les Corses (etc) ou d’autres encore partis également chercher du travail loin de leur pays natal : Belges, Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais et enfin Africains, Maghrébins, Asiatiques. Quand je regarde les chantiers de construction de maisons, de bâtiments, de routes, d’entretien des chemins de fer, de barrages, je constate que beaucoup de travailleurs ont la peau sombre. Pas à cause du fait de travailler dehors, non. Ces travailleurs là sont venus d’Afrique ou d’Asie travailler en France et leurs enfants, nés ici, sont et seront Français.

Qui est visé ?
Aux mois de novembre et décembre des milliers de voitures ont été brûlées dans beaucoup de villes françaises; des installations ont été détruites et le feu même été mis dans des écoles. Mais les jeunes qui ont été arrêtés pour ces faits étaient quasiment tous Français. Très peu d’étrangers parmi eux. Alors qui Nicolas Sarkozy vise-t-il dans sa phrase ? Ces jeunes d’origine immigrée, déjà largement discriminés dans la société française, ou ces quelques milliers de Français fortunés qui aiment tellement leur pays qu’ils partent payer moins d’impôts ailleurs ? Et se se sentent-ils aimés de la France ces jeunes qui restent sans travail, sans logements, sans avenir, à cause de la couleur de leur peau, de leur nom de famille, du quartier qu’ils habitent et où ils ont grandi, de leur religion ? Ils faudrait qu’ils aiment la France, mais en sont-ils aimés ?

Quand je vois qu’une fillette de six ans, Russe, est cachée depuis des semaines par des familles brestoises pour ne pas être expulsée de France avec sa mère, je ne suis pas très fier de ceux qui gouvernent mon pays. Le pays des “droits de l’Homme”, soit disant, n’est pas près à accueillir en son sein une maman et sa fillette de six ans qui n’aura pas le temps d’aimer ce pays si elle en est expulsée avec sa mère vers la Russie. La petite fille en question est née hors mariage, situation dangereuse pour sa mère dans sa région d’origine, le Daghestan, où des intégristes musulmans pourraient la menacer...*

Et nous, Bretons. Notre langue est arrivée dans un état bien misérable avec ses quelques 250.000 locuteurs là où ils étaient un million encore il y a soixante ans; à force d’être méprisée, ignorée, mise hors la loi, exclue de l’école, de la vie publique et sociale. En inoculant aux Bretons le mépris de leur langue d’origine l’Etat les a rendus complices de la destruction de leur propre langue. Faire en sorte que les populations se fassent complice d’un crime qu’elles n’ont pas décidé, d’un crime culturel qu’est l’assassinat programmé d’une langue, c’est fort, c’est même machiavélique, mais ce n’est ni démocratique, ni respectueux des gens. La République aurait pu faire le choix du bilinguisme, en cohérence avec ses valeurs affichées. Elle ne l'a pas fait. Il faudrait donc que nous aimions cette République, je ne demande que cela. Mais nous aime-t-elle ?

Nous aussi, Bretons, avons donc des revendications à faire valoir. Car pour être aimé de ses citoyennes et citoyens un Etat démocratique qu’il soit une république, une monarchie ou autre chose, doit commencer par les écouter, les prendre en compte dans leurs différences, accepter d’évoluer. Et l’on est loin du compte. Il n’est pas facile de se faire entendre, en France si l’on ne fait pas partie du microcosme central. Alors saisissons les occasions qui se présentent comme cette grande manifestation du 3 juin, à Rennes, pour demander plus de moyens pour les langues régionales, la réunification de la Bretagne à cinq départements et plus de pouvoir pour notre région.
Christian Le Meut

* Ouest-France du 26 mai.

Comité de soutien à Patimat, école maternelle Jean-Macé, 43 rue du Château, 29200 Brest; internet : www.sauvezpatimat.canablog.com 

Commentaires

Très belle note, très juste et pleine de bon sens et de lucidité. Cela fait plaisir à lire. Et je partages à 100% cette phrase : "Il faudrait donc que nous aimions cette République, je ne demande que cela. Mais nous aime-t-elle ?". Celle là (de république) n'a plus rien à apporter à ceux qui pourtant l'aiment et la souhaitent plus que jamais telle qu'elle se rêve, c'est à dire : libre, égale et fraternelle. En tout cas, ceux qui en briguent la gouvernance ne sont ni à la hauteur de ce qu'elle pourrait être et surtout ils sont bien en-dessous des aspirations profondes et nobles qui nourissent les français. Mais à flatter le peuple par des bassesses de langages ne visant qu'à obtenir que des voix de plus dans l'urne, l'on étouffe ce que le citoyen aurait de meilleur à donner.

Écrit par : Mister K | 27/05/2006

"Il faudrait donc que nous aimions cette République, je ne demande que cela. Mais nous aime-t-elle ?"

Excusez-moi, mais c'est quoi ce langage ?
C'est quoi la république ? une mère, une déessse ?
Il faudrait un peu questionner ce mot que les politiques (l'oligarchie républicaine) utilisent pour servir leurs intérêts et qui permet allègrement d'oublier le mot "démocratie". Une vraie démocratie reconnait et respecte ses minorités, la république, elle, ne les reconnait pas et cherche à les éliminer.
La république francaise, c'est une reprise de la république romaine (en gardant certains acquis de la monarchie et des apports de l'empire napoléonien). Aucune culture démocratique dans cet Etat hypercentralisé.

Écrit par : Alwenn | 27/05/2006

La république est une belle idée et un beau projet, à mes yeux, même si je constate les multiples défauts de la République française, ses insuffisances, ses contradictions, son centralisme non démocratique, etc. Pour moi, république, démocratie et droits de l'Homme vont ensemble. C'est la responsabilité de nos gouvernants, que nous avons élus, de respecter la démocratie et les droits de l'Homme, de les mettre en oeuvre. Mais c'est aussi nôtre responsabilité de citoyens. Une république peut-être jacobine, comme la république française, elle peut être aussi fédéraliste, décentralisée; il y a une multitude de types d'organisation. Et même la République française peut evoluer.

Écrit par : Christian | 29/05/2006

Pour faire court (il y aurait beaucoup à dire), la monarchie absolue nous avait tué politiquement et asphixier économiquement, la république nous a achevé culturellement et identitairement (comme elle l'a fait pour les basques, les kanaks, etc.)

Vu des élites parisiennes et républicaines (politiques, médiatiques, intellectuelles, etc.) les bretons sont des "ploucs" dont certains persisteraient à "baragouiner". (on pourra toujours se réjouir d'avoir enrichi la langue françoise!)

La meilleure chose qui pourrait arriver à la Bretagne, pour sortir de ce provincialisme asphixiant qui au départ lui a été imposer (chose que ne dit pas "l'histoire officielle et républicaine", ce qui montre qu'elle a peur de la vérité), c'est bien de quitter la france et de fonder sa propre république.

Dans une démocratie on doit pouvoir parler de tout, et par exemple de l'indépendance de la Bretagne (sujet qui reste le monopole des extrèmes de gauche ou de droite malheureusement)

La france, pays hypocrite par excellence, pays du double langage (on est bien payé pour le savoir), encourage bien les Québecois à devenir indépendant du Canada, on se demande pourquoi.

Écrit par : Alwenn | 05/06/2006

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