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09/04/2006

Réconciliation kanak*

Il y a 18 ans la Nouvelle-Calédonie était au bord de la guerre civile. A Ouvéa, une petite île de l’archipel, la gendarmerie fut investie par des militants kanak*. Ce n’était pas la première fois mais, cette fois-là, les choses tournèrent très mal et quatre gendarmes furent tués. Les militants kanak emmenèrent les gendarmes restant avec eux dans la forêt d’Ouvéa jusqu’à la grotte de Gossanah, très vite encerclée par l’armée française.

Nous étions entre les deux tours des élections présidentielles. Le président de l’époque, François Mitterrand, y affrontait le premier ministre, un certain Jacques Chirac... L’assaut fut donné à la grotte juste avant le second tour des élections. Les 21 membres du commando kanak et deux militaires furent tués.

Les accords de Matignon
Les événements se détérioraient mais la réélection du président Mitterrand permis à un nouveau gouvernement de se mettre en place, avec Michel Rocard à sa tête. Une politique active de négociation entre les différentes parties permis la signature des accords de Matignon entre les leaders de la communauté blanche caldoche, Jacques Lafleur à leur tête, et les leaders de la communauté kanak menés par Jean-Marie Tjibaou et Yéweiné Yéweiné. Un référendum fut convoqué par le gouvernement Rocard pour approuver les accords de Matignon. A cette occasion, Tjibaou et Yéweiné tinrent plusieurs meetings en France. Les accords approuvés, la paix civile revint en Nouvelle-Calédonie et, en 2006, les accords de Matignon y sont toujours appliqués. Cet archipel prendra un jour peut-être son indépendance, si la majorité de sa population en est d’accord.

En mai 1989, les deux leaders kanak se rendirent sur l’île d’Ouvéa pour rendre hommage aux hommes tombés un an auparavant. Ils y furent tués par chef de tribu local, Djubelli Wéa. On ignore les motivations exactes de ce crime puisque Wéa fut tué sur le champs par un policier kanak, Daniel Fisdiépas, garde du corps des leaders kanak. Depuis, il est devenu maire de Hienghène, commune au centre de la grande île.

"Peut-être, pourquoi pas ?"
Histoire cruelle... Mais la suite se trouve dans la dernière livraison du trimestriel Alternatives non-violentes. Quelques années plus tard les deux veuves des leaders assassinés, Marie-Claude Tjibaou et Hnadrune Yéweiné furent approchées par la famille Wéa : “Ne pourrions-nous pas nous réconciliés ?”. “Peut-être, pourquoi pas ?”, répondirent les deux femmes, sans se concerter. Mais il fallut du temps, des réunions, le soutien des églises de Nouvelle-Calédonie, et de communes aussi, pour commencer à faire le lent travail de pardon. Comment pardonner le meurtre du mari, du père, du frère ? La famille Wéa devait, quant à elle elle, affronter la honte et la mise au ban. Le pardon implique des centaines de personnes.

Mais Marie-Claude Tjbaou et Hnadrune Yéweiné mirent des conditions : que tous leurs enfants acceptent la démarche; que tout se passe sans télévision, sans enregistrement, sans présence de responsables politiques. Pas par rejet de la politique : “C’est une affaire de familles, pas de politique” raconte Jean-Baptiste Libouban, un témoin de ce processus, dans la revue Alternatives non-violentes...

Détour par le Larzac
Le processus aboutit et voici les trois veuves ensemble, en juin 2005, sur le plateau du Larzac pour une cérémonie de réconciliation, en présence de Daniel Fisdiépas. Pourquoi le Larzac ? Une “caselle”, petite construction en pierres sèches y avaient été donnée au peuple kanak, dans les années 80. C’est dans cet endroit symbolique qu’a eu lieu la réconciliation des trois veuves Marie-Claude Tjibaou, Hnadrune Yéweiné, et Maneki Wéa, en juin dernier, devant des amis de longue date de la cause kanak : José Bové, Louis Joinet (conseiller de Rocard pendant les accords de Matignon), François Roux, avocat de militants kanak, Stéphane Hessel, ancien ambassadeur de France...

La réconciliation a eu lieu dans le respect des rites traditionnels kanak. “Comme les femmes ont accepté la réconciliation, l’histoire va avancer” écrit Jean-Baptiste Libouban.

Christian Le Meut

* Kanak est invariable.

Alternatives Non-Violentes n°137, centre 308, 82 rue Jeanne d’Arc, 76000 Rouen. Tél 02.35.75.23.44. Ce numéro est consacré au thème de la réconciliation aborde ce thème sous différents angles : psychologique, avec Isabelle Filliozat (Se réconcilier avec ses parents, c’est possible), historique, avec des exemples (Kosovo, Nouvelle-Calédonie, Afrique du Sud), philosophique (approche d’Emmanuel Lévinas)...
anv.revue@wanadoo.fr

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