03/08/2005
L’arabe, une langue ?...
Il y a quelques années, en 2003, j’étais allé rendre visite à mon ami Ahmed à Montargis, dans le Loiret. Ahmed, décédé depuis, y habitait avec son épouse Zakia et sa fille Chaïma. Ce jour-là, Zakia était toute contente car le couple venait d’investir dans une antenne parabolique qui allait lui permettre de regarder plus de chaînes des pays arabes, Algérie, Maroc, Égypte. Ahmed n’avait pas l’air plus enthousiaste que cela : “Tu vas pouvoir regarder plus d’émissions en arabe”, lui dis-je. Et là, il me regarda, désolé : ”Je ne comprends pas l’arabe de la télé”. Sa femme, oui.
Ahmed, né en France, d’origine algérienne, était pourtant parfaitement bilingue, ayant appris l’arabe avec ses parents. C’était sa langue maternelle. Ses parents, arrivés il y a une quarantaine d’années, parlent le français, mais avec difficulté. Ahmed n’apprit ni à lire ni à écrire l’arabe, il parlait le dialecte arabe de Msila, sa ville d’origine, mais avait du mal à comprendre l’arabe “de la télé”, l’arabe standardisé alors que son épouse Zakia, née en Algérie et scolarisée en arabe, le comprend...
“Pas le même breton”
Je me serai cru en Bretagne. Combien de fois ai-je entendu des Bretons dire qu’ils ne comprennent pas le breton de la télé, que ce n’est pas “le même breton”... C’est vrai, pour tous ces bretonnants qui n’ont pas appris le breton à l’école (et c’est la majorité pour les anciens car le breton était interdit à l’école), qui n’ont pas appris à comprendre les différents accents, il y a des difficultés d’intercompréhension. Les Bretons du pays de Vannes pouvaient avoir du mal à comprendre ceux de Quimper, c’est vrai. Quoiqu’en faisant un effort...
Le fait qu’une langue se divise en dialectes est un processus courant, classique. Le français de France, lui, est une langue standardisée, uniformisée dont l'évolution est contrôlée depuis des siècles, du fait de son statut officiel, de l’Académie française qui veille au grain, de l’école qui enseigne depuis un siècle une langue unifiée sans tenir compte des différences locales ou régionales... Mais hors des frontières, le français se dialectise (Wallonie, Québec, Suisse Romande, Acadie, Afrique...).
Un regard néo-colonial
L’arabe est une langue à part entière, comme le breton ou le français. On parle bien de “langue arabe”, c’est normal et contester cela pourrait être perçu comme du racisme... Mais il est encore des gens, et des bretonnants parmi eux, pour désigner le breton comme un “dialecte”, voire un ou “plusieurs patois” (Le Monde diplomatique, mai 2003). Là, ce n’est pas du racisme... Un regard néo-colonial, je ne dis pas.
Oui, l’arabe est une langue (même si les colonisateurs de jadis l’ont également qualifiée de dialecte ou de parler). Oui, le breton est une langue. L’une comme l’autre font partie de la communauté mondiales des langues parlées depuis des siècles, porteuses de cultures et d’humanité. Mais l’une prospère, tandis que l’autre s’accroche comme une bernique à son rocher.
Christian Le Meut
18:20 Publié dans Brezhoneg/Langue bretonne, Deskadurezh/Education, Galleg/français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Bretagne forever !
Commentaires
Salut Christian,
je lis votre blog depuis peu car je le trouve interresant. J'y suis tombee pendant des recherches sur Dolmen, cette fameux series de TF1 que j'ai vue mentionne sur le site web d'Ouest-France. Desolee.
En avance, je m'excuse pour n'importe quel erreur d'orthographie et le manque terrible d'accents en francais. Je tape sur un clavier anglais, ce qui me pose des difficultes en francais, bienqu'en gaelique.
Ce que vous dites sur la question de comprehension m'a tire les yeux, tout car, il y a dix ans, juste avant de quitter la Bretagne (j'avais passe un an comme assistante d'anglais au lycee d'Auray), une femme a passe une heure ou deux en discutant la question du breton avec moi. Elle m'avait expliquee qu'elle parlait le breton comme langue maternelle, mais ne voulait pas le passer a ses enfants, car elle ne voyait pas un breton reel dans une langue standardisee comme est - je croix - maintenant le cas avec le breton. C'est comme elle croyait que la standardisation volait un aspect de l'identite a la langue.
Pour ma part, je l'ai trouve plutot triste. En Irlande (je suis Irlandaise), il y a trois dialecte de gaelique, qui sont tous soutenues dans le systeme scolaire, que sont tous utilises par la service de television hertzienne TG4, par exemple. La langue ecrite a etee normalisee avec la scripte moderne il y a environ 40 ans, mais pour les gens comme mes parents, c'est la ou se trouve le grande probleme. Bienque scolarises avec le gaelique (et, au cas de mon pere, par moyen de gaelique), mes parents ont du mal a lire le gaelique suite au changement de la scripte. Il n'y a pas de gros differences, justement assez de rendre l'exercise de lire moins fluide. Nettement moins fluide.
Le probleme avec la categorisation du breton comme une dialecte, je crois, c'est qu'il pose la question: "dialecte de quoi?" Si je comprends la situation correctement, il n'y a aucune comprehension mutuelle entre le breton et n'importe quelle autre langue, sauf peut-etre le gallois, meme la, j'ai mes doutes. Alors, pour moi, il est tout a fait clair que le breton DOIT etre une langue, meme si elle manque a une armee (est-ce que vous connaissez la citation "a language is a dialect with an army and a government" - utilisee souvent en ce qui concerne l'italien). Tant que moi, je le vois, il doit exister un aspect de comprehension mutuelle entre certains dialectes, comme les varietes differentes d'anglais (USA vs l'Angleterre vs L'Irlande), ou, le francais de l'Hexagone et le francais quebecois, par exemple.
Écrit par : Winds and Breezes | 03/08/2005
La standardisation qui a lieu actuellement en Bretagne, dans les écoles bilingues, semble laisser la place, cependant, aux différents dialectes.
l'intercompréhension me paraît possible pour les gens (enfants ou anciens) qui ont l'habitude d'échanger dans la langue bretonne. Les Bretons qui devaient voyager pour leur commerce, par exemple, arrivaient à se comprendre entre eux en breton. L'apprentissage de la langue écrité est, je pense , un moyen de permettre l'intercompréhension. Je le vois dans le département où j'habite, le Morbihan. Nous avons un dialecte vannetais avec des prononciations très particulières ("ch" pour dire "k"), et quand je parle avec des bretonnants non-vannetais je dois, parfois, faire attention à leur parler dans notre breton commun en n'employant pas trop de mot ou de tournures vannetaises qui ne seraient pas comprises.
Je connais aussi cette citation : "une langue est un dialecte avec une armée et un gouverment"... Le statut officiel est peut-être la seule différence entre un dialecte et une langue !
Écrit par : christian | 03/08/2005
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