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18/07/2005

Pipriac, "Piperia" ou Presperieg ?

Quand j’étais enfant, j’ai habité à Pipriac, en Ille-et-Vilaine, près de Redon. Je suis arrivé là-bas vers l’âge de trois ans mais mes frères, un peu plus âgés, eurent quelque mal au début à comprendre leurs petits camarades de l’école publique. Ils parlaient avec un fort accent et des mots différents, du français mélangé de gallo probablement. Moi, je ne me souviens pas avoir eu de difficulté à comprendre les enfants du coin, mais j’ai probablement été mis dans le bain, en immersion, dès que j’ai commencé l’école... Je me souviens cependant de quelques mots en gallo et notamment du nom gallo de Pipriac, "Piperia", disaient mes copains d'école. Aussi, j’avais été un peu surpris, l’année dernière, en voyant la carte éditée par l’Office de la langue bretonne*, tout en breton. Pipriac y figurait sous un nom breton, Presperieg (ci-dessus), mais pas la forme gallèse, pourtant encore employée... D’où vient ce Presperieg ? Pourquoi ressortir ce nom des vieux grimoires où il dormait probablement depuis des siècles ?...

Cousine du français
Le Pays gallo est donc la partie Est de la Bretagne où l’on parle le gallo, cette langue descendante du latin, comme le français, alors que le breton est une langue d’origine celte. Le gallo et le breton ont ceci de commun qu’elles n’ont pas de statut officiels, qu’elles ne sont pas uniformisées, standardisées comme l’est le français. Pourtant, elles sont parlées depuis des siècles par des populations importantes. Le gallo demeure peut enseigné, alors que le breton l’est et que des écoles bilingues breton-français ont même été créées en pays gallo : à Nantes, Rennes, Questembert, Ploermel...
Le département du Morbihan a voté à l’unanimité, l’année dernière, la pose de panneaux bilingues dans toutes les communes du Morbihan. Un ancien maire de Monténeuf, Joseph Orhan, s’est élevé contre cette mesure affirmant au journal Ouest-France, que “depuis huit siècles on ne parle plus breton dans cette région, mais français”... Sauf que, français ou gallo, ce n’est pas pareil. M. Orhan ne semble pas faire beaucoup de différences entre les deux. Pourtant il y en a, et il m’étonnerait que la majorité des gens du peuple parlaient français à Monténeuf il y a encore un siècle. Gallo, je ne dis pas. Mais si des communes du pays gallo refusent les panneaux en breton, comme c’est le cas de Réminiac, pourquoi pas ? Et pourquoi ne pas avoir pensé à des panneaux français-gallo comme à Loudéac ou le nom gallo, Loudia, est affiché ?
En ce qui me concerne, je trouve important de voir des panneaux bilingues (breton-français ou gallo-français) en Bretagne, pas forcément partout, mais au moins suffisamment pour rappeler à la population vivant dans la région, que nôtre région est multilingue et pluriculturelle depuis longtemps. Bien des habitants de la Bretagne, baignés dans l’école républicaine ou privée, gavés de médias quasi exclusivement francophones ou anglophones, oublient cette réalité que les panneaux viennent leur rappeler. Les panneaux bilingues donnent une visibilité et une sorte de statut non officiel au breton. Ils peuvent faire de même pour le gallo.

Lorient : panneaux bilingues mais ville unilingue ?
Ainsi Lorient est une ville bilingue du point de vue de la signalisation. Sauf, paradoxalement, pendant le festival interceltique où des panneaux uniquement en français viennent couvrir certains panneaux en breton. Les responsables du festival interceltique soutiennent-ils la langue bretonne ? La question reste posée...
Lorient donc, a beaucoup de panneaux bilingues, jusque dans les couloirs de sa mairie. Mais on n’y parle pas plus breton pour autant. Les panneaux ont une fonction symbolique importante mais ils ne font pas tout. Ils ne remplacent pas une vraie politique linguistique de réhabilitation du breton et du gallo comme langues de la vie quotidienne. Et il y a sûrement mieux à faire que d’imposer des panneaux en breton dans tous les communes du pays gallo.
Les animateurs de l’émission en gallo réalisée par Plum FM et diffusée le mercredi sur Radio Bro Gwened ont dit, eux aussi, leur désaccord avec cette mesure dans une émission diffusée début juillet. Pour moi, je ne suis pas choqué de voir des panneaux en breton dans les grandes villes du pays Gallo (Rennes, Nantes...), et dans les communes où il y a des écoles bilingues, voire de temps en temps le long des axes routiers importants. Mais pourquoi vouloir imposer; et pourquoi partout ?

Et derrière les panneaux ?
J’entendais récemment le président du conseil général, Joseph Kerguéris, expliquer, également sur Radio Bro Gwened que le but des panneaux bilingues étaient d’abord de montrer que nous avons, dans le Morbihan, deux langues, deux cultures, aux gens qui viennent de l’extérieur (deux seulement ? Et le gallo alors ?).
Il s’agit donc de montrer aux touristes, donc, combien notre pays est exotique... Mais qu’y-a-t-il derrière les panneaux bilingues, derrière le décorum ? Il reste actuellement autour de 50.000-60.000 personnes capables de parler breton dans notre département. 50.000. Il y a donc urgence à encourager les écoles bilingues, les médias en breton, la transmission entre générations, toutes sortes d’activités culturelles et quotidiennes en langues bretonne et gallèse. Faute de quoi, un jour, peut-être pas si lointain, le Morbihan risque de compter plus de panneaux bilingues que d’habitants bilingues, bretonnants et gallèsants compris. Le but sera-t-il atteint, ce jour-là ?
Christian Le Meut

*La carte de Bretagne en langue bretonne est disponible à l'Ofis ar brezhoneg, 8 bis straed Félix Faure, 29270 Karaez-Plougêr. 10 euros.

Commentaires

Apposer des panneaux bretons est un outil pour promouvoir le breton tant qu'il n'est pas reconnu dans la vie publique. C'est un "symbole" comme vous dîtes. Ainsi pourquoi vous y opposez-vous ? Pourquoi allez-vous dans le sens des ennemis du breton ? Pourquoi pensez-vous que le droit de dire et d'écrire les noms bretons des villes et villages de Haute-Bretagne doit être proscrit ?
Cela semble assez flou dans votre esprit.
Qui craignez-vous ?

Bertrand Deléon.

Écrit par : Bertrand Deléon | 19/12/2005

Je n'approuve pas la décision prise par le département du Morbihan de mettre, obligatoirement, des panneaux bilingues aux entrées de toutes les communes du Morbihan. C'est faire peu de cas du gallo, cette troisième langue parlée en Bretagne et que j'ai souvent entendu parler quand j'étais enfant, à Pipriac (35), "Piperia" comme disaient les gens du pays. Pourquoi mettre des panneaux bilingues obligatoires dans les communes de l'Est du Morbihan si elles ne sont pas d'accord ? C'est à chaque commune de décider, le département pouvant encourager et fournir les panneaux. Cela n'empêche pas des panneaux bilingues sur les routes départementales qui donneront une visibilité à la langue bretonne (et pourquoi pas à la langue gallèse aussi ?). Et puis quels "noms bretons" pour ces communes ? Des noms qui ne sont plus utilisés depuis des siècles et que l'on déterre, alors même que les noms gallos sont toujours utilisés et ne figurent sur aucun panneau ? La langue et la culture gallèses existent aussi et méritent également une visibilité publique. Cela me semble assez clair.
Enfin je ne vois pas pourquoi vous parlez de "peur". "Peur" de qui et de quoi ?
Christian Le Meut

Écrit par : Christian | 20/12/2005

Il ne s'agit que de panneaux départementaux et non communaux. Et puis, que font ces maires pour le gallo ?
Une seule chose est certaine : il y a eu dégradation sur ces nouveaux panneaux bilingues et là, personne ne conteste !

Écrit par : Bertrand Deléon | 21/12/2005

C'est vrai, il s'agit des panneaux départemantaux, et pas communaux, mais cela ne change pas grand chose par rapport à la langue gallèse qui, elle, a été complètement oubliée dans la décision du conseil général du Morbihan, ce qui est dommage. Certains élus, ou anciens élus, de Haute-Bretagne ne font rien pour le gallo (et certains élus de Basse-Bretagne ne font rien pour le breton), je le déplore également. Quant aux dégradations qui ont eu lieu, il serait normal que le Département porte plainte à ce sujet.
Christian Le Meut

Écrit par : christian | 21/12/2005

C'est vrai qu'ils s'en fiche pas mal du gallo aussi.

Écrit par : Bertrand Deléon | 21/12/2005

ficheNT.
Désolé.

Écrit par : Bertrand Deléon | 21/12/2005

Pourquoi ne pas mettre en place en Haute-Bretagne une signalisation trilingue : français - gallo - breton comme cela existe dans l'agglomération de Bayonne qui est en Pays Basque mais qui est de langue gasconne. A l'entrée de Bayonne on trouve Bayonne / Baiona / Bayoune. Ou sommes-nous plus cons que les basque? Il faut arrêter de penser : un pays - une langue comme le jacobin moyen.
Encore faudrait-il mettre ces noms dans une orthographe correcte. Pipriac, c'est PISPERIAC en graphie normalisée du gallo et c'est PRESPERIAG en breton. Il faut arrêter d'écrire le gallo en phonétique comme si c'était du créole.

Écrit par : Albert Piernet | 10/03/2006

Bonjour : les panneaux trilingues, c'est une bonne idée !
La carte éditée en langue bretonne par l'Office ar brezhoneg indique "Presperieg", c'est elle que j'ai reprise. Quant à ma façon d'écrire "Piperia", j'aurais dû la mettre en guillemets, certes, car c'est ainsi que mes camarades d'école prononçaient ce nom, à Pipriac, mais ce n'est en rien un nom officiel. Je rectifie donc. Celà dit, je ne sais pas écrire le gallo et je n'en ai pas la prétention. Il me semble que les langues créoles peuvent elles-aussi avoir des orthographes "normalisés" (mais unique ? ce n'est pas sûr, la langue bretonne a elle-même plusieurs écritures différentes - laquelle choisir ?).

Écrit par : christian | 11/03/2006

Il est vrai que les problèmes de graphie ont longtemps pourri la vie des bretonnants comme des gallésants.
Au niveau du breton, la graphie qui tend à être acceptée par tout le monde maintenant est celle dite "peurunvan" de 1941. Ce n'était certainement pas la meilleure mais de toute façon aucune graphie n'est parfaite. Le problème est qu'on a fait que rafistoler la graphie de Le Gonidec qui imposait le léonard comme langue littéraire. Il n'y avait hélas à l'époque aucun linguiste qui aurait pu faire une graphie synthétique représentant tous les parlers sans en privilégier aucun.
Le gallo a par contre eu la chance inestimable qu'un linguiste renommé, M. Alan J. Raude, conçoive pour lui en 1978 une graphie synthétique représentant tous les parlers et basé sur la linguistique historique du gallo.
Malheureusement certains s'entêtent à écrire le gallo dans une graphie différentielle et patoisante.
Ce qui est sûr, c'est que l'avenir des deux langues sont liées, comme leur passé. On ne sauvera pas le breton sans le gallo, on ne sauvera pas le gallo sans le breton.

Écrit par : Albert Piernet | 31/03/2006

excellent.

Écrit par : Babykleidung | 21/04/2006

Le problème est qu'on a fait que rafistoler la graphie de Le Gonidec qui imposait le léonard comme langue littéraire.
Désolé Albert mais ce n'est pas vrai.

Écrit par : Bertrand Deléon | 07/05/2006

Le nom breton Presperieg pour Pipriac est logique. En effet, le choix de l'Office de la langue bretonne se base sur l'étymologie et sur les traces écrites du nom de lieu concerné dans les cartulaires, les archives...Par exemple, En 836, Pipriac s'écrit Prispiriac avant d'évoluer en Pipriac dès 1330. Entre temps, le breton s'est éteint remplacé par le gallo et donc sa prononciation. En effet, le suffixe -(i)ac est la preuve que il n'y pas eu d'interruption entre le passage du gaulois au breton, deux langues celtiques du groupe brittonique. Si la transmission n'avait pas eu lieu, le suffixe -i(ac) aurait évoluer vers é (Vitré, Issé) ou ay (Savenay) comme c'est le cas en Bretagne Orientale. En outre, l'Ofis ar brezhoneg a décidé pour les noms se terminant en -(i)ac d'adopter la terminaison eg comme pour les noms de lieux se terminant par les suffixes -ec (breton moderne), -euc (St-Brieuc / Sant-Brieg), -eux, -eu, -euf qui sont d'ancien -ec ou -ac transformé par la romanisation (cf la prononciation de Loudéac et de Pripriac en gallo). Toutefois, les toponymes se terminant par le suffixes -ag sont présents sur les panneaux bilingues (Irvillac / Irvilhag dans le Finistère). Pour en revenir à Pipriac, la racine a été conservé, c'est à dire, A cela s'ajoute la racine Prispir qui a évolué en Presper en breton moderne.
Enfin, d'après le cadastre de la commune de Pipriac, le taux de noms de lieux d'origine bretonne se situe à 10,6% pour l'ensemble des toponymes.
Pour le cas de la Bretagne jouxtant l'ancienne frontière du duché, il existe des noms soit d'origine bretonne (Ancenis, Varades, Châteaubriant d'où Ankiniz, Gwarad et Kastell-Briend sur la carte en breton.). A l'inverse des noms d'origine latine sont parfaitement reconnaissable pour la Basse-Bretagne. La forme bretonne n'est que leur prononciation dans cette langue ou un emprunt tôtif: Montroulez (Mons Relax en latin) pour Morlaix, Ar Foulhez pour la Feuillée et An Alre (Aula Regis en latin) pour Auray. Les toponymes d'origine latines sont plus reconnaissable sous la forme bretonne que celle choisie par l'administration centrale.

Écrit par : lequimener | 06/03/2008

Merci pour ces explications/trugarez deoc'h evit an displegadurioù-se ! CLM

Écrit par : Christian | 07/03/2008

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