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15/06/2005

16 juin 2005 : une journée sans médias ?

Des citoyens et des citoyennes mécontents appellent, jeudi 16 juin à une “grève des médias”. “Pas de radios, pas de télé, pas de journaux ou alors “certains bien choisis” disent les initiateurs de cette journée. Ces partisans du “non” au référendum sur la constitution européenne estiment que leur vote a été “tourné en infamie” par la grande majorité des médias audio-visuels et par certains journaux...
J’ai beau avoir voté “oui”, je dois dire que je peux comprendre la colère de ces électeurs et électrices car leur constat n’est pas complètement faux.
Je regarde peu la télé, mais j’écoute beaucoup la radio, Radio Bro Gwened, evel reson (la plupart des textes figurant sur ce site ont été écrits pour cette radio), mais aussi France culture, radio de service publique donc, le matin, en essayant de me réveiller...
La tranche matinale accueille cinq chroniqueurs, talentueux pour la plupart, mais quatre d’entre-eux étaient ouvertement pour le “oui”, le cinquième étant plus en retrait. Mais aucun pour le “non”. Et ces chroniqueurs interviennent tous les jours. Une fois, dans une chronique sur l’évolution du régime chinois, Alexandre Adler a trouvé le moyen de développer un argument pour le “oui à la constitution européenne”.
Une autre fois, cette radio organisait une journée spéciale à l’occasion du décès du Paul Ricoeur, philosophe. Un de ses amis, Paul Thibaud, philosophe également, était invité à venir témoigner de l’oeuvre de Ricoeur. Il y avait beaucoup à dire mais il fallut quand même que l’un des chroniqueurs, Olivier Duhamel, l’apostrophe sur le style : “M. Thibaud, vous qui êtes si intelligent, comment pouvez-vous appeler à voter non”... Comme si l’on ne pouvait pas être intelligent et appeler à voter non...
Ce même Olivier Duhamel, avant d’être chroniqueur sur France Culture, était député européen socialiste. Co-rédacteur de la dite Constitution européenne... La déontologie journalistique aurait peut-être voulu qu’il se mette en réserve de France culture un moment et, au lieu de faire campagne sur une radio publique, aller faire campagne sur le terrain. Cela aurait peut-être été plus efficace. Car enfin, une telle insistance et une telle lourdeur ont été contreproductives. Au début, le “oui” était majoritaire dans les sondages et les médias dominants donnaient l’impression que la messe était dite et que, de toute façon, il n’y avait qu’un vote possible, le “oui”. Puis le non est monté et, au lieu de nous expliquer leur vision de l’Europe, les avancées contenus dans la constitution européenne, mais aussi ses limites et ses faiblesses, bien des partisans du “oui’ se sont bornés à caricaturer les arguments des partisans du “non”... Et réciproquement...
Y-aurait-il une trop grande proximité entre les médias dominants et le pouvoir en place ? Voire une vision trop parisiano-parisienne ? Paris a voté “oui” à 66%. Le référendum a montré un vrai clivage entre une France qui s’en sort, celle qui a les moyens de vivre à Paris intra-muros, ou à Vannes, ou à Rennes, villes où le “oui” a été largement majoritaire; et une autre France qui n’en a pas les moyens, qui se sent à l’écart, inquiète de l’avenir, fragilisée et pour laquelle l’Europe est une facette de la mondialisation...
Mais les médias audio-visuels se sont bien gardés d’une trop grande réflexion sur ce “non” qu’ils ne sauraient analyser de trop près. “Analyser”, vous n’y pensez pas. Le changement de gouvernement est venu à point pour les distraire d’une remise en cause en profondeur de leur pratique. De Sarkozin ou de Villepi, lequel va manger l’autre, voilà de quoi les occuper pour l’année qui vient et même plus... On ne va pas non plus trop se prendre la tête avec les résultats d’un référendum parce qu’on n’est pas là pour s’inquiéter, mais pour se distraire, parce que l’on n’est pas là pour informer réellement mais pour divertir. Voilà le hic...
Pour autant faut-il faire la grève des médias ce jeudi 16 juin ? A vous de voir, vous ferez bien ce que vous voudrez. Une journée ce n’est pas long et l’on peut, effectivement, en profiter pour aller se promener, profiter du beau temps, de l’été qui arrive et tout... La télévision, à mon avis, est une drogue dure qu’il faut consommer avec beaucoup de modération. Quant à la radio, on peut aussi lui couper la chique de temps en temps, pour écouter la musique que fait le vent. C’est joli aussi, la musique du vent ou celle de la rivière, quand elle n’est pas couverte par le bruit d’un camion ou d’une voiture...
Boycott ou pas, que nous soyons téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs, nous avons toujours le moyen d’écrire ou de dire notre façon de penser aux médias, et aux journalistes quand nous pensons qu’ils n’ont pas bien fait leur travail. Discuter les pratiques journalistiques et médiatiques n’est jamais inutile. Même les journalistes et les médias sont capables d’écouter et d’évoluer dans leurs pratiques professionnelles, enfin j’espère...
Si vous voulez en savoir plus sur cette grève des médias vous pouvez trouver les renseignements sur le site internet:
http://nomedia16.free.fr
Si vous n’avez pas internet, et bien il n’y a pas d’autres moyens de trouver l’info, désolé. Quant aux camarades grévistes des médias ils auraient pu trouver un autre nom que “nomedia”. Ne cèderaient-ils pas à une mode qui met l’anglais à toutes les sauces médiatiques ?
Christian Le Meut

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