13/05/2005
Pour lui, c'est oui !
Jean-Marie Fardeau, secrétaire générale du Comité catholique contre la faim et pour le développement, et un vieux pote, vient de m'envoyer ce message pour expliquer son prochain vote. Je partage assez ses analyses, que voici :
"Par ce court message, je voulais juste partager avec vous les raisons qui me poussent à voter oui le 29 mai prochain. Je m’exprime ici à titre personnel puisque le CCFD dans sa grande sagesse a préféré ne pas se prononcer pour le oui ou pour le non (le projet de Traité constitutionnel dépasse largement le champ de compétences du CCFD). Je précise tout de suite que le texte du TCE ne m’enthousiasme pas, pas plus que le fait d’avoir à voter oui ou non en faveur d’un texte qui mériterait une réponse autrement plus nuancée. J’y reviendrai.
Je voterai donc oui le 29 mai.
parce que ce texte me semble représenter une avancée par rapport au traité de Nice. Il représente un pas en avant dans la construction d’une Europe politique (plus de pouvoir au Parlement, plus de décisions à la majorité qualifiée, création d’un ministre des affaires étrangères de l’Union…) qui peut peser dans le monde et qui peut peser face aux « marchés ».
parce que l’intégration de la charte des droits fondamentaux dans un texte de traité européen est une avancée considérable (que le Medef déplore, ce qui est bon signe)
parce que la conférence européenne des syndicats s’est prononcée pour le oui ainsi que la grande majorité des euro-députés sociaux-démocrates et verts, ce qui me semblent faire pas mal de gens qui, à ma connaissance, n’ont pas encore capitulé devant le libéralisme triomphant.
Parce que mes amis allemands, espagnols, portugais, qui comptent tant sur l’Europe pour mieux tirer un trait sur les périodes sombres de leurs histoires respectives, ne comprendraient pas que la France marque un coup d’arrêt à la construction de cet espace qui permet de combattre les souverainismes étriqués et les nationalismes chauvins.
Je ne voterai pas non car :
Je ne pense pas que les conditions soient réunies en Europe actuellement pour qu’un nouveau traité européen soit négociée sur des bases plus sociales. Je ne vois pas où sont les forces – gouvernements, partis, organisations des sociétés civiles – qui seraient en mesure d’obtenir l’ouverture de nouvelles discussions sur des bases plus sociales.
Je ne crois pas que le libéralisme ait besoin de ce traité pour prospérer. Je ne crois pas que le non va « porter un coup d’arrêt à l’Europe libérale » comme j’ai pu le lire. Il va surtout nous laisser avec le traité de Nice pour quelques années de plus que prévu. En revanche, ce dont nous avons besoin, c’est d’une forte mobilisation permanente pour dénoncer ses dérives et amener gouvernements et entreprises à prendre en compte les exigences de justice sociale et de combat des inégalités.
Je crois que ce traité reflète les rapports de force politiques actuels en Europe et qu’il est déjà bon que les droits fondamentaux soient intégrés. Comme la plupart d’entre vous je pense, j’ai laissé la Convention travailler sans broncher, sans même m’intéresser vraiment à leurs travaux et je trouve un peu étrange de s’insurger si tardivement sur un texte qui était en chantier depuis plus de deux ans. J’aurai d’autres occasions de sanctionner Chirac, Raffarin et leurs amis.
Je ne voterai pas non, et pourtant, comme beaucoup d’entre vous, je suis choqué qu’on nous demande d’approuver un texte de 400 articles, dont une bonne moitié sur l’organisation des marchés qui n’ont rien à faire dans un texte qui prétend être une ébauche de Constitution européenne (je vous invite à lire dans les protocoles et annexes, l’article 30 de la partie A sur le Groenland !).
Je ne voterai pas non, et pourtant j’aurais mille fois préféré que l’on nous soumette ce texte pour avis à un moment donné de son élaboration. On aurait pu alors nous poser quelques questions de fond sur lesquelles nous aurions donné notre avis pour que la Convention puisse finaliser un texte prenant en compte les avis des citoyens. Le texte final aurait alors été soumis à nos représentants au Parlement, mieux apte à se prononcer sur un texte aussi complexe.
Certains parmi vous préfèreront sans doute voter non. Je respecte votre choix et c’est vrai que ce texte n’incarne pas l’Europe dont nous rêvons, mais il représente une avancée, un compromis entre vingt cinq pays ! Il y aurait cent bonnes raisons pour voter non, mais je préfère voir la démarche historique de la construction progressive d’une Europe politique.
Je ne fais pas partie de ceux qui disent que c’est la fin de la France ou de l’Europe si le « non » ou le « oui » l’emporte. Mon « oui » n’est pas arrogant, il se veut simplement réaliste et constructif"
Jean-Marie Fardeau
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