06/03/2005
Des Hurons et des Bretons
La pièce de théâtre Malachap Story a été présentée pour la première fois au public au mois de janvier 2005, à Languidic, par la troupe C’hoarivari. Elle tourne sur tout le Morbihan, et continuera de tourner jusqu'en février 2006. Je fais partie de cette troupe. Nous avons essayé de monter un western comique en breton. Certains de mes amis ont ri quand je leur ai annoncé la chose : “Tu vas jouer un shérif en breton, c’est bizarre”. Parce que les shérifs parlaient français, peut-être ?
Trois personnes ont travaillé pendant un an pour adapter en breton la pièce “Du vent dans les branches de sassafras”. Ecrite en français par René de Obaldia, cette pièce a été créée dans les années 1950 à Paris, avec, notamment, Michel Simon dans le rôle principal. Une fois terminée cette adaptation en breton, trois actrices et cinq acteurs ont répété pendant un an et demi. Un décor de ranch a été conçu par un des acteurs; des costumes d’époque ont été cousus...
Et nous voici prêts à jouer. Nous avons présenté la pièce deux fois, un samedi soir et un dimanche après-midi, à Languidic. 110 personnes environ sont venues à chaque fois, avec plus de personnes âgées le dimanche. Les deux publics ont ri, mais pas forcément aux mêmes endroits. Certains anciens parlant même pendant le spectacle, et tapant dans les mains à la fin de chaque scène... Toutes choses sympathiques, mais pas forcément facile à gérer quand on est sur scène et que le fou-rire guette...
Malachap Story raconte l’histoire de la famille Gourvenneg, fermier dans le Kentucky vers 1800 : le père, Job, la mère, Anna, la fille, Jennifer et le fils, Kévin. Ce jour-là, il y a aussi un invité, le docteur Ar Floc’h... Arrive alors un Indien, Oeil de perdrix, “Lagad klujar” en breton, ami de la famille venu annoncer que les tribus indiennes sont sur le sentier de guerre. Cet Indien est, sur le papier, un Huron. Il parle mi-breton, mi-huron, mais un huron d’opérette. Il aurait été d’autant plus difficile de lui faire parler réellement en langue huron que cette langue est une langue morte...
Il y a quatre ans j’ai rencontré un chef huron, Max One Onti Gros Louis venu du Québec parler de son peuple dans les écoles et dans les médias. Les Hurons du Québec ne parlent plus leur langue, mais le français, voire l’anglais en seconde langue. Et Max One Onti Gros Louis était aussi venu en France pour retrouver les traces de sa langue d’origine. Car, il y a plus de 300 ans, un prêtre français parti au Canada et vivant auprès des Hurons, avait écrit un dictionnaire huron-français. Grâce à cette trace écrite, les Hurons cherchent à réapprendre désormais leur langue d’origine, qui n’est plus parlée depuis 60 ans. Une tante de Max One Onti Gros-Louis était la dernière locutrice connue...
Relancer le huron ne sera pas chose facile. Il reste environ 3.500 Hurons au Québec, la plupart vivant dans une réserve proche de la ville de Québec. Mais une chance existe néanmoins, à travers l’école. Depuis une trentaine d’année, les enfants des peuples amérindiens du Canada sont scolarisés dans leurs langues maternelles. Ils apprennent aussi le français ou l’anglais, mais ne perdent pas, ainsi, leur langue d’origine...Voici un exemple qui pourrait servir en France.
Ce voyage au Québec nous ramène à Malachap Story. Aujourd’hui des milliers d’enfants apprennent le breton dans les écoles bilingues mais, sortis de l’école, très peu de choses leur sont proposées en langue bretonne. Le théâtre est un moyen parmi d’autres. Il se créé, environ, une pièce en breton vannetais, dans le Morbihan par an, et trois ou quatre dans les autres départements bretons. Ce n’est pas trop, mais c’est déjà ça...
Le public peut ainsi venir voir des pièces qui émeuvent, cultivent, font pleurer ou rire. Et tant que l’on rit dans une langue, c’est qu’elle est encore vivante !
Christian Le Meut
22:15 Publié dans Breizh/Bretagne, Brezhoneg/Langue bretonne, C'hoariva/théâtre, Gwirioù mab den/droits de l'être humain | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Langue française
Commentaires
Bravo c'est génial.Je suis breton d'origine et ma passion c'est les amérindiens comme quoi....entre les celtes et les amérindiens il y a des similitudes.bonne continuation
Écrit par : fabrice | 04/06/2007
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