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20/10/2006

Bro gozh, Marseillaise : avons-nous besoin d'hymnes nationaux ?

Le Bro gozh ma zadoù, vous connaissez ? Le chant réputé être l’hymne national breton. Je vous ai jadis raconté (lire archives de mars 2005) comment j’avais découvert cette chanson il y a une petite dizaine d’années lors d’un concert à Pluvigner avec les Kanerion Pleuigner et Denez Prigent. Nous étions tous là debout en fin de concert à écouter le chant sacré et, surprise, mon père, à côté de moi, le connaissait et le chantait. C’était bien la première fois que j’entendais mon père chanter en breton. Et c’était la première fois que j’entendais le fameux Bro gozh ma zadoù. J’ignorais jusque là l’existence même d’un hymne national breton, pauvre béotien que j’étais.

Mais pourquoi faut-il des hymnes nationaux ? Pourquoi faudrait-il un hymne national à la Bretagne ? Mystère. Il paraît que cela sert à quelque chose mais je n’ai jamais bien compris à quoi. Je n’ai jamais su les paroles de la Marseillaise et je refuse de les chanter à cause de leur caractère belliqueux et xénophobes. Mais, si la Marseillaise a été choisie à la fin du XIXe siècle par un parlement élu par le peuple, et notamment par les Bretons, rien de tel pour le Bro gozh ma zadoù (Vieux pays de mes pères) qui a été choisi il y a une centaine d’années par un parti, l’Union régionaliste bretonne, URB.

Enseigner le Bro gozh ma zadoù ?
Ce parti n’avait pas grand chose à voir avec l’actuelle UDB, Union démocratique bretonne; enfin rien, ou presque rien, car, justement, il est question du Bro gozh ma zadoù dans le numéro de septembre du mensuel Le Peuple breton. Ce mensuel, de qualité, proche de l’UDB, publie un courrier intitulé “Pour le Bro gozh”. Jakez Le Floch, de Quimper, y écrit : “Il y a longtemps, cinquante ans environ, nous n’avions pas peur de chanter le Bro gozh ma zadoù ! Si les jacobins font un effort sur La Marseillaise, je ne vois pas pourquoi nous n’en ferions pas notre hymne !”  Et le Peuple Breton de répondre, je cite : “Cet hymne est régulièrement entonné à la fin de chaque congrès de l’UDB. Sur les stades de Bretagne, il pourrait en être de même (les supporters gallois donnent l’exemple), mais pour cela, il faudrait que les paroles du Bro gozh soient connues, donc enseignées”.

Enseigner ? Mais où et par qui ? Voilà un beau projet pédagogique innovant, mesdames messieurs ! Enseigner le Bro gozh ma zadoù aux élèves. Après la Marseillaise, réintroduite dans les écoles par M. Chevènement, jacobin notoire, voici donc le Bro gozh qu’il faudrait mettre dans le crâne de nos enfants. Est-ce que le but de l’éducation est de transformer les enfants en foule chantant, ou hurlant, des hymnes dans les stades ou ailleurs ? Ou le but n’est-il pas plutôt d’en faire des êtres humains  capables de se débrouiller dans la vie, de penser par eux-mêmes, de développer leur intelligence, d’être ouverts sur le monde, heureux et doués d’un esprit suffisamment critique pour qu’on ne les embobine pas trop dans notre monde compliqué ? Est-ce en les gavant d’hymnes nationaux qu’on y arrivera ? Est-ce en chantant les paroles belliqueuses de la Marseillaise, ou celles, vieillottes, du Bro gozh ? Je n’en crois rien, je crois plutôt que ce sont des pièges qui mettent dans la têtes de nos enfants des schémas dépassés et dangereux.  Je crois plutôt que c’est en faisant vivre les droits de l’Homme et la démocratie, en assumant ses racines multiples et multilingues, en garantissant la justice sociale, notamment, qu’une société peut garantir un minimum d’harmonie et de paix.

Un référendum ?
Mais, s’il faut vraiment un hymne national breton, pourquoi pas organiser un référendum démocratique ? Et alors j’en proposerai un autre: Son ar sistr. Au moins c’est un air joyeux et entraînant, qui dit l’amour du cidre, des femmes, de la vie. Une bonne façon de finir les congrès de l’UDB, vous ne croyez pas ?

Christian Le Meut