05/11/2006
Nicaragua : les candidats et les enjeux
Des élections présidentielles et législatives ont lieu aujourd'hui au Nicaragua. Commentaires d'un Français, Jean Loison, vivant dans ce pays, sur les candidats, leurs personnalités, et le enjeux de ces scrutins :
"Ceux qui se présentent: ils sont fondamentalement quatre, car le cinquième est un "m'as-tu vu" (Eden Pastora) qui arrivera avec peine au score de 1%.Depuis le début de la campagne électorale, il y a trois mois, les enquêtes ne varient pas beaucoup:
- Daniel Ortega, du parti sandiniste, veut incarner la gauche nica et se veut le représentant des pauvres, l'ami de Chavez (Venezuela) et de Fidel Castro. Il arrive toujours en tête et dans toutes les enquêtes. Pour gagner au premier tour, il doit remporter 35% (l'enquête d'hier lui donne 34%), avec plus de 5% de voix que le second. C'est tout à fait à sa portée. Sinon, il y aura un deuxième tour, que "Daniel" ne remportera pas, car il aura "tout le monde" contre lui.
-Depuis quelques semaines, le deuxième dans les enquêtes est Eduardo Montealegre, un banquier, ex-fonctionnaire du gouvernement libéral du Président Aleman (celui-ci en prison chez lui pour battre tous les records de corruption).C'est ouvertement le candidat des E-U, et de Bolaños, le président actuel. Il s'est enrichi à la suite de la faillite frauduleuse de trois banques. Mais comme le Front sandiniste, le parti libéral, et le F.M.I sont impliqués et que l'Ambassade recommande de ne pas faire de vagues, personne ne dit rien ! Il s'agit de la plus grosse escroquerie des dernières années.
Avec de tels antécédents, Montealegre me fait très peur: Comment un banquier peut-il (au niveau de État, pas forcément au niveau personnel) avoir une sensibilité pour ceux qui n'ont pas d'argent? "On ne prête qu'aux riches".Comment pourra-t-il affronter la pauvreté du pays si ça ne rapporte rien aux banques, ni à ceux qui l'auront choisi ?Il ne fera probablement qu'imiter son prédécesseur et "parrain" Bolaños qui disposait durant son mandat de ressources pour les dépenses sociales. Mais les crises en santé et éducation ne se résolvent pas parce que la priorité de Bolaños a été le système financier.Vous allez mieux comprendre: Pour que le Nicaragua fasse partie du "club" des pays très endettés, les organismes internationaux lui ont remis une bonne partie de la dette extérieure afin que l'argent soit destiné au combat contre la pauvreté, notamment à l'éducation et à la santé. Or 60% du milliard qui était destiné à la dette externe a été détourné et est passé à payer la dette interne (et...à favoriser les banques). Et cette déviation s'est faite avec l'accord du F.M.I. Alors on dit que les chiffes de l'économie nica se sont améliorés. Oui, je le crois volontiers, mais au profit de qui? le commun des gens n'en voit pas la couleur.
- En troisième position, mais il lui arrive d'être deuxième (selon les intérêts politiques de ceux qui demandent le sondage): José Rizo, libéral également, le candidat de l'ex-président Aleman.
- En dernière position, avec seulement le tiers des voix obtenues par Daniel Ortega, vient Edmundo Jarquin avec le Mouvement Rénovateur sandiniste (MRS) détaché du Front sandiniste. Ex ambassadeur du temps des Sandinistes, il a dû en juillet remplacer comme présidentiable Herty Lewites, mort subitement et qui avait récolté beaucoup de sympathie quand il était maire de Managua(dans cette ville c'est ce parti qui arrive en tête).Le candidat vice président a été nommé également en juillet. Il s'agit de Carlos Mejia Godoy que beaucoup d'entre vous connaissent comme chanteur-compositeur, l'auteur de "Nicaragua, Nicaragüita". Il est connu aussi par son fils, objecteur de conscience aux E-U à la guerre en IRAK.
Le MRS regroupe beaucoup de sandinistes sympathiques et sincères, déçus du Front, par exemple quatre "commandants de la Révolution", des ex-ministres, des figures connues comme Serge Ramirez, ex vice président à l'époque où le Front Sandiniste était au pouvoir, ou bien les frères Cardenal. Ce parti est encore récent et manque un peu de clarté pour être fiable. Dommage, car les dirigeants de ce parti sont ceux qui recueillent le moins de critiques dans tous les sondages. Et Ed. Jarquin a été jugé, dans l'unique débat télévisé de la campagne, comme le plus cohérent et le plus capable. Le plus capable notamment de présenter un programme réaliste de justice sociale et de souveraineté face aux organismes financiers internationaux pour enlever au Nicaragua sa deuxième place de pays le plus pauvre du continent derrière Haïti. Mais curieusement tout cela ne se traduit pas dans les intentions de vote . C'est une énigme! Dans le même sens: "Daniel" a trahi les idéaux de Sandino, il s'est fourvoyé avec Aleman, etc. etc., mais il garde invariablement son électorat dur(les voix assurées). Sa base électorale lui est traditionnelle: "il sait ce qu'il fait" entend-t-on dire quand on évoque une "ombre" dans le personnage."
Et qu'est-ce que ça changera si D.Ortega l'emporte ?
"Il ne pourra pas s'attaquer aux grands traités internationaux de commerce (inégal) qu'il a lui-même votés ou laissé voter, et il ne pourra qu'obéir au FMI et à la BM s'il veut de l'argent. Par contre, oui, nous attendons au moins qu'il fasse autrement que les trois gouvernements précédents, c'est à dire, qu'il montre une sensibilité sociale, ce qui ne s'est pas vu depuis 16 ans. "Qu'il fasse quelque chose pour soulager les pauvres, dit une voisine, même que ce soit une petite amélioration"
Pour en savoir plus sur l'action de Jean Loison au Nicaragua (il participe à différents projets humanitaires) : http://chweber.perso.wanadoo.fr/
10:45 Publié dans Etrebroadel/International, Politikerezh/Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Nicaragua, élections, démocratie