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26/02/2008

Kosovo : l'indépendance, et après ?

C'est fait, le Kosovo est devenu "indépendant" dans l'enthousiasme populaire pour les Albanais du Kosovo, devant l'hostilité des autorités serbes (et d'une partie de la population serbe), ainsi que celle des autorités russes... Et le scepticisme de beaucoup. Cette indépendance, en effet, est très dépendante : dépendance économique vis-à-vis de l'Union européenne, mais aussi dépendance politique puisque l'Europe va maintenir sur place un fort contingent policier et administratif sur place. Dépendance aussi par rapport aux Etats-Unis qui ont une base militaire au Kosovo. 
 
Un peuple qui lutte pour son indépendance et finit par l'obtenir devrait pourtant recueillir la sympathie de l'opinion publique mondiale. En effet, les Albanais du Kosovo ont beaucoup souffert depuis une vingtaine d'années. Les médias n'ont d'ailleurs pas rappelé que c'est là qu'avait commencé le processus d'éclatement de la Yougoslavie. En 1989, il ya vingt ans, pour répondre à certaines mesures répressives de Milosevic (suppression de l'autonomie), des manifestations éclatèrent. Elles furent sévèrement réprimées (plusieurs morts), et d'autres républiques, comme la Croatie et la Slovénie, protestèrent. De fil en aiguille, leurs relations avec la Serbie se tendirent. Elles votèrent leur indépendance en 1991.
 
Des citoyens de seconde zone
 Les Albanais du Kosovo étaient presque deux millions à cette époque. Une population rurale, paysanne, religieuse (musulmane avec une minorité catholique), avec des familles nombreuses. Depuis la création de la Yougoslavie, après la première guerre mondiale, ce groupe ne fut pas traité à égalité avec les autres peuples : il n'était pas d'origine slave quand l'Etat était censé regroupé les "slaves du sud".
 
Pourtant, sous Tito, des avancées eurent lieu et le Kosovo fut reconnu comme région autonome mais dans la République serbe. Ce n'était pas encore l'égalité complète puisque les six républiques (Serbie, Monténégro, Macédoine, Slovénie, Croatie, Bosnie), avaient, par exemple, un droit de secéssion non reconnu au Kosovo (ni non plus à la Voïvodine, région autonome du Nord de la Serbie). Mais il y avait du progrès. Une université fut créée à Prishtina. Un responsable politique kosovar que j'avais rencontré en 1995 dans cette ville faisait remarquer que les Albanais auraient pu devenir de vrais citoyens yougoslaves, au bout de quelques décennies dans cette voie.
 
L'après Tito : faillite de la Yougoslavie 
 A la mort de Tito, la Yougoslavie n'a pas réussi son évolution démocratique. A la tête de la Serbie est arrivé un président, Milosevic, qui, pour asseoir son pouvoir, a entamé un discours nationaliste serbe jusque là interdit aux élites politiques communistes, le fédéralisme étant l'idéologie officielle. Milosevic a manoeuvré pour prendre le pouvoir en Serbie et tenté de le prendre sur l'ensemble de la Yougoslavie en contrôlant la présidence collégiale. Pour celà, il lui fallait des hommes à lui à la tête de la Voïvodine et du Kosovo (représentés à la présidence). Avec la voix de la Serbie, celle de l'allié traditionnel le Monténégro, celà faisait déjà quatre voix sur huit... Mais cette stratégie aboutit à des tensions telles que la Yougoslavie explosa, et qu'elle continue d'exploser.
 
La guerre éclata en Slovénie (courte, septembre 1991), puis en Croatie (1991-1995), puis encore en Bosnie (1992-1995). Pris dans la tourmente les Albanais du Kosovo tentèrent de résister par la non-violence à la mainmise du pouvoir de Belgrade qui, par la répression policière constante, maintenait la population dans la peur et organisait une forme d'épuration ethnique (émigration des Albanais, transplantation contre leur gré des populations serbes réfugiées de Bosnie...).
 
Résister par la non-violence 
Les Albanais développèrent une société parallèle (enseignement en albanais, gouvernement et parlement clandestins, économie parallèle...). A leur tête, les Kosovars élirent comme président, lors d'élections clandestines, Ibrahim Rugova. Mais, en 1995, les accords de paix de Dayton instaurèrent une paix précaire dans l'ex-Yougoslavie et... Le Kosovo était laissé à la Serbie. La stratégie non-violente de Rugova ne fut pas suffisamment soutenue par la communauté internationale alors même qu'elle pouvait éviter une guerre et garantir les droits de minorités au Kosovo.

Face à l'impatience d'une partie de la population, une guérilla apparue, l'UCK, menée, notamment, par Hashim Thaci, l'actuel premier ministre. La suite est connue : offensive de l'UCK, contre-offensive de l'armée serbe, répression sur la population qui fuit, intervention de l'OTAN en 1999, qui bombarde Belgrade. Retrait de l'armée serbe, protectorat international...

Une guerre de religion ? 
On le voit, le processus actuel est lié à des facteurs profondément politiques. L'aspect linguistique est devenu important, mais seulement quand les droits politiques linguistiques des Albanais ont été bafoués. Le facteur religieux me paraît secondaire. Les Kosovars pratiquent un islam européen, cultivent la vigne, boivent du vin pour certains (j'en ai vus). Leur démographie (galopante) est celle du population rurale qui ressemble en beaucoup de points à ce qu'était la démographie bretonne il y a 50 ans, avec  beaucoup de familles à 5, 6, 7, 10 enfants. La montée du niveau de vie et d'éducation, l'amélioration des garanties sociales (retraite, maladie...), feraient probalement baisser cette démographie, comme cela s'est passé ailleurs dans le monde.

Aujourd'hui, la proclamation d'indépendance est probablement la seule voie possible, mais sans doute transitoire : au mieux, le Kosovo indépendant intégrera dans quelques décennies l'Union européenne... Au pire ? Ses dirigeants pourraient être tentés de rejoindre l'Albanie car certains, nationalistes, rêvent de "Grande Albanie". Ce projet pourrait être un nouveau facteur de destabilisation dans la région où la Macédoine voisine a déjà connu des tensions entre Albanais et Macédoniens.

Pour l'instant la présence de forces de police européenne garantit un respect relatif des minorités encore présentes mais les dirigeants actuels ne sont pas les amis politiques de feu Ibrahim Rugova. Sauront-ils créer au Kosovo une vraie démocratie respectueuse des droits de l'Homme ?

Christian Le Meut 

Ci-dessous, petite chronologie, en breton :

 

Ar C’hosovo
10 800 km2 : da lâret eo ar Mor-Bihan mui an hanter eus Penn-ar-Bed. Daou vilion a dud (600 000 er Mor-Bihan, da geñveriañ). 90% ag Albaned ; tud arall : Serbed (5-10%), Rom... Kerbenn : Prishtina.
Relijionoù : islam evit al lodenn vrasañ ag an Albaned, katolik evit ul lodenn vihan anezhe, ortodoks evit ar Serbed. Yezhoù : albaneg, serbeg, met ivez turkeg ha yezhoù arall (rom). Armezh : labour-douar, mengleuzioù...

1914
Goude ar brezel bed kentañ Yougoslavia oa bet savet evit lakaat asambles, sañset, ar “Slaved ag Europa kreizteiz”, da lâret eo Serbed, Kroated, Slovened, Bosniaked ha c’hoazh... Met bec'h, reuz, e oa bet dija etre ar Groated hag ar Serbed. Lakaet e oa bet ar C’hosovo e Yougoslavia daoust ma n'int ket Slaved an Albaned, ar strollad tud brasañ er rannvro se. Komz a reont ur yezh disheñvel-tre. Serbed hag Albaned a vev e Kosovo abaoe pell.

1945
Goude an eil brezel bed, deuet e oa da vout ar C’hosovo ur rannvro emren e-barzh Serbia.

1974
Ur vonreizh nevez savet get Tito a roe d’ar C’hosovo muioc’h a galloud (ur parlamant, ur gouarnamant emren, ur skol-veur vras e Prishtina, ar gêrbenn), met ne oa ket c’hoazh Kosovo ur republik da vat, evel ar 6 republik all (ur rannvro all a oa evel ar C’hosovo : ar Voivodina, e hanternoz Serbia, e lec’h m'emañ e chom Magyared).

1986-90
Goude marv Tito (1981), tud nevez ag ar strollad komunour, ar strollad nemetañ d’ar mare-se, zo bet e penn Serbia : Slobodan Milosevic hag e vignoniezh. D’ar mare-se e oa ar gevredelezh* ar mennozh ofisiel e Yougoslavia met Milosevic en deus cheñchet an dra-se evit skarzhañ ar re a oa e penn ar Stad. Deuet eo da vout broadelour. Lâret en deus e veze bet lazhet Serbed a oa e chom er C’hosovo get Albaned oa, ar pezh ne oa ket gwir. Met skoazellet e oa e bet get broadelourioñ serb ha get an arme ivez, evit bout lakaet e penn ar Serbia goude ur sort "putsch". Goude-se, evit bout lakaet e penn Yougoslavia, Milosevic en doa afer da lemel o emrenerezh d'ar C’hosovo ha da Voivodina.
D’ar mare se oa, e penn stad Yougoslavia ur strollad anvet "présidence collégiale". Cheñchet e veze ar prezidant bep bloaz. Ur c'hannad eus ar c'hwec'h republik hag an div rannvro emren a oa e-barzh ar "présidence"-se. Setu perak n’eus kaset Milosevic an arme da Voivodina ha d’ar C’hosovo evit lakaat en o fenn mignoned dezhañ. Manifestadegoù a oa bet met flastret int bet get an arme. Ur republik all, Montenegro, a oa berped mignon d’ar C’hosovo d’ar mare-se ha, mod se, en deus tapet Milosevic 4 mouezh e-barzh ar "présidence".

1990-91
Met, e welet ar pezh a oa bet graet get Milosevic a-enep an Albaned, manifestadegoù a oa bet savet e Slovenia hag e Kroatia hag an div republik-se o deus divizet mont kuit eus Yougoslavia. An Albaned o deus divizet stourm, met hep armoù. Peogwir n’o doa ket armoù met ivez peogwir e oa en o fenn tud a faote dezhe stourm hep armoù, evel Ibrahim Rugova. A-raok bout skarzhet, ar parlamant en doa lâret e oa Kosovo ur vro distag eus Serbia. Votadegoù kuzhet a oa bet graet ar-lerc’h evit dibab ur parlamant nevez hag ur prezidant, Ibrahim Rugova. Met 100 000 Alban a a oa bet lakaet er-maez ag o labourioù get gouarnamant Serbia (razh an embregerezhioù a oa publik). Difennet e oa bet da gelenn en albaneg, ar pezh a veze graet e-barzh al lod brasañ ag ar skolioù (ul lod all a rae get ar serbeg). Ur sort apartheid a oa bet savet get gouarnamant Serbia a-enep an Albaned. Albaned a veze arestet, toull-bac’het, jahinet bemdez get ar polis. Serbed a Serbia a oa skoazellet get ar stad evit mont da chom er C’hosovo. Savet e oa bet, neuze, skolioù "a goste" en albaneg. Rugova a oa aet un tammig e pep lec’h e c'houlenn sikour get ur bochad pennoù bras er bed, evel Jacques Chirac, Tony Blair, Bill Clinton, ha c’hoazh... Met ne oa bet graet netra evit sikour an Albaned ha Kosovo.

1995
Emglevioù Dayton a oa bet sinet e fin ar bloaz-se hep divizout netra a-ziout Kosovo. Milosevic en deus soñjet, neuze, e oa dieub d’ober ar pezh a faote dezhañ er C’hosovo. E balioù ? "Epuration ethnique" : lakaat ul lod bras ag an Albaned da vont kuit e spontiñ anezhe. Kas Serbed d’ar C’hosovo evit trevadenniñ ar vro : pa'z e oa bet trec’het ar Serbed e Kroatia, en hañv 1995, repuidi Serb a oa aet kuit e Serbia : kaset int bet diouzhtu e Kosovo daoust ma ne oant ket a-du anezhe !

1997-98...
A-benn ar fin, Albaned ne oant ket a du get Rugova hag e zidaerded* o deus savet un arme kuzhet, an UCK. Trec’het e oa bet an arme-se get arme Serbia e 1999, hag ul lod bras ag an Albaned, spontet, a oa aet kuit ag ar vro evit mont da Albania, da vMasedonia pe da vMontenegro. Goude se, an OTAN en doa divizet da vonet d’o sikouriñ (met pas an ABU*). Bombezennet e oa bet kerioù bras, evel Beograd, evit lâret da Vilosevic da baoueziñ. Aet e oa kuit arme Serbia d’ar C’hosovo. Abaoe-se, ur sort "protectorat" a zo bet savet.

2001...
Ur parliament a zo bet dilennet goude votadegoù bras er C'Hosovo, ha setu Ibrahim Rugova anvet prezidant ur vro ha n'eo ket c'hoazh digabestr anezhi. Peseurt dazont ? Bet on er C’hosovo e 1995. Gwelladennet ’m eus Prizren, ur gêr gozh e Kosovo ar c'hreisteiz. Du-hont, ’m eus gwelet teir relijion (katolik, musulman hag ortodoks), ha m’eus klevet komz teir yezh : albaneg, serbeg ha... turkeg. Turkeg a vez komzet eno abaoe pell. Met bremañ, get an UCK hag e mennozhiou broadelour, goulennet e oa bet digant Albaniz komz Albaneg hepken. Ur bobl, ur yezh : anavezout a reomp ar mennozh se...

2006
Marv eo Ibrahim Rugova, prezidant ar C'Hosovo, ar sadorn 21 a Viz Genver 2006. Butuniñ a rae kalz, evel ar pezh m'boa gwellet e miz Eost 1995, e Prishtina, kerbenn Kosovo. Aeet oan bet du hont, get mignonned, da welled e peseurt stad a oa en traoù etre an Albaned hag ar Serbed... Ha setu Rugova marv get ur c'hrign skevent, d'an oad a 61 vloaz.

2008
Ar C'Hosovo a zo daet da vout ur vro distag  Vro Serbia.

Christian Le Meut

Kevredelezh : fédéralisme.
Didaerded : non-violence (également : difeulster).
ABU : Aozadur ar Broadoù Unanet (ONU).
Lies-sevenadurel : multiculturel.

Lire :
- Ibrahim Rugova, le frêle colosse du Kosovo, Ed. Desclée de Brouwer, 1999.
- La question du Kosovo, Ibrahim Rugova, Fayard, 1994.

05/12/2006

La chasse à l'enfant continue

Communiqué du Réseau éducation sans frontières (05/12/2006). Depuis, cette famille a été expulsée au Kosovo :

"Après 20 jours de rétention et l’échec d’une première tentative d’expulsion particulièrement violente de la famille  Raba, le ministre de la chasse à l’enfant récidive : il se prépare à chasser les parents et les enfants sur un avion militaire pour une destination où le pire les attend peut-être. On ne dispose plus que de quelques heures  pour tenter de sauver la famille RABA et ses trois enfants (Qirim 7, Dashnor 4 et Dashrujé 3 ans). Il s’agit d’une famille Kosovare qui a refusé de participer à des exactions anti-serbes à la fin de la guerre du Kosovo et qui, depuis est persécutée par les anciens de l’UCK devenus policiers. La menace sur leur vie est très réelle en cas de retour au pays. Ils ont demandé le statut de réfugié en 2001. Tout les frères et sœurs de M. Raba l’ont obtenu, pas eux.

Le 17 novembre, ils étaient arrêtés à Gray, petite ville de Haute-Saône où ils s’étaient établis et où les enfants étaient scolarisés.  Le 2 décembre après 17 jours dans les horreurs de la République que sont les centres de rétention, ils étaient expédiés sur Paris en vue de leur expulsion sur Pristina. Deux passagers du vol Lyon Paris, (dont un élu du Conseil régional) qui exprimaient leur opinion sur le spectacle qu’Air France leur mettait sous les yeux étaient, plaqués au sol et menottés avant d’être mis en garde à vue.
A Roissy, en voyant l’avion qui devait les faire disparaître, Madame Raba s’est débattue avec l’énergie du désespoir tandis que son mari était maintenu saucissonné et bâillonné dans une autre voiture avec ses enfants.  Outré de ce qu’il voyait, le commandant de bord a refusé l’embarquement.

Ce matin, 5 décembre, les Raba étaient présentés à la cour d’appel du juge des libertés qui a décidé de les maintenir 5 jours de plus en rétention, ouvrant ainsi la voie à une expulsion quasi certaine : la préfecture de Haute-Saône a fait savoir qu’ils seraient montés dans un avion militaire venu de Villacoublay mercredi 6 décembre à 10h15. Bien sûr, rien ne garantit que la police aux frontières et le préfet ne mentent pas.

A l’heure où nous écrivons, au lieu d’être ramenée au centre de rétention de Lyon comme le prétendait la police, la famille a disparu. Selon certaines rumeurs, elle serait en route pour Toulouse, pour la couper de ses soutiens.

Le RESF appelle tous les enseignants de ce pays à consacrer quelques instants à parler des droits de l’Homme et de l’Enfant à partir de l’exemple de la famille Raba. Il appelle d’autre part les enseignants à se rassembler avec les élèves dans la cour des établissement à 10h15 (heure annoncée du décollage de la prison volante du gouvernement) afin d’avoir une pensée pour les enfants et les parents bannis. Il appelle enfin les enseignants de tous les établissements à disposer en évidence dans le hall des écoles, dans les salles de classer, dans les réfectoires et les CDI trois chaises vides  portant une affichette avec le prénom et  l’âge de chacun des enfants. Et ce sera ainsi à chaque fois que le ministre de la chasse à l’enfant sévira.

Les photos des enfants sont disponibles à l’adresse http://www.educationsansfrontieres.org/message.php3?id_message=430

De plus, le RESF appelle tous ceux qui le peuvent à faire connaître leurs réactions aux responsables : le préfet de Haute-Saône, le ministre de la Chasse à l’enfant, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et la Minuk (afin que les Raba aient une chance d’être protégés si par malheur le gouvernement s’entêtait)"