Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/06/2008

Sloveneg/Slovène : "La langue ignorée de Boris Pahor"

0b047e01aeacd96bf141d47b4591a7f2.jpg- Ne vez ket embannet kalz a dra barzh ar gazetenn sizhuniek Marianne, a-zivout ar yezhoù "rannvroel", minorelezhet, "bihan" (ha gwell a-se marteze)... Barzh an niverenn ag ar 24 a viz Mae paseet m'eus kavet memestra ur pennad skrid interesus a-fed ar sloveneg, yezh komzet e Bro Slovenia, hag a zo bremañ ur stad dizalc'h; met komzet ivez en Italia hag Austria. Ar sloveneg a zo yezh a vihan ur skrivagnour brudetoc'h brudetañ, Boris Pahor, 95 vloaz, ganet e Trieste, ur gêr e-tal Venise, en Italia... Met, da vare Mussolini e veze difenet groñs komz sloveneg. Setu ar pezh a zo displeget get Boris Pahor barzh Marianne edan pluenn Alexis Liebaert. 

- L'hebdomadaire Marianne ne publie pa grand-chose sur les langues dites "régionales", "petites", minorisées (et peut-être est-ce mieux ainsi...). Dans le numéro du 24 mai dernier j'ai, cependant, trouvé un article intéressant sur le slovène, langue parlée en Slovénie, un Etat désormais indépendant, mais aussi en Italie et en Autriche. Le slovène est la langue d'un écrivain de plus en plus connu, Boris Pahor, 95 ans, né à Trieste, ville proche de Venise, en Italie... Mais, à l'époque de Mussolini, parler slovène était interdit en Italie. C'est ce qu'explique Boris Pahor dans Marianne sous la plume d'Alexis Liebaert. Extraits :

 <Ecrivain triestin, donc. Oui mai le vieil irréductive n'est pas tout à fait de la familles des Italo Svevo ou Claudio Magris. Car s'il partage avec eux cet amour charnel pour le port encaissé dans ses montagnes, il écrit, lui, en slovène, pas en italien. "J'aurais, bien sûr, pu écrire en italien, j'en avais la capacité, explique le vieil homme dans un français parfait, mais j'ai choisi le slovène sans ignorer évidemment que cela rendrait plus aléatoire une éventuelle renommée internationale">. 

Les noms de familles italianisés... et les tombes aussi 
Les fascistes arrivent au pouvoir en Italie. A l'âge de 7 ans Boris Pahor assiste <terrorisé à l'incendie par les Chemises noires du palais de la culture et du théâtre slovène. Du souvenir de ce choc initial naîtra, bien des années plus tard, la décision d'écrire en slovène. Noble résolution, mais bien difficile à tenir. "Les italiens avaient interdit l'usage du slovène, se souvient l'écrivain, à l'école, bien sûr, les cours étaient en italien, et il était même défendu de parler slovène dans les rues". Pis, tout à leur folie assimilatrice, les nouveaux maîtres "avaient, raconte Boris Pahor, décidé d'italianiser les noms des habitants slovènes, allant jusqu'à italianiser les noms gravés sur les tombes. Nous y avons echappé par chance, sinon j'imagine que de Pahor, nous serions devenus des Patroni ou quelque chose dans ce genre">. 

Entré dans la Résistance aux fascistes, Boris Pahor est arrêté en 1944 et déporté (Struthof, Dachau, Bergen Belsen), pendant 18 mois. Il est ensuite soigné en France puis rentre au pays. Il se met à écrire, en slovène. Ses romans, publiés dans la Slovénie désormais yougoslave, sont interdits pour "anticommunisme" ! Ce n'est qu'en 1990 qu'un de ses livres, traduit en français, connaît un certain succès. Pahor a 77 ans !

"Sur un pied d'égalité"
Aujourd'hui, à 95 ans, d'après Marianne, il serait "nobélisable". L'écrivain de langue slovène en veut à ses compatriotes italiens : "Les Italiens ont toujours refusé de regarder en face leur passé. Quand ils font une loi sur la mémoire, c'est pour célébrer le souvenir des communistes au lendemain de la guerre, pas pour réfléchir sur leur période fasciste. De cela, oui, je leur en veux". (...). "Mais au fond, l'important, c'est qu'aujourd'hui nous recommençons à exister sur un pied d'égalité, dans le cercle des cultures reconnues".

Boris Pahor : L'Appel du navire, Ed. Phébus, 288 p, 21 €.  

08/06/2008

Livre : La Bretagne, entre histoire et identité

b387e37cd989c9f3a1d7b2c45519c9b7.jpgLe 526e ouvrage de la collection Découvertes Gallimard est consacré à la Bretagne, son histoire et son actualité (ils ont mis le temps, quand même, chez Gallimard...). Comme d'habitude avec cette collection, l'iconographie et la présentation sont soignées et l'ouvrage est très agréable à parcourir. Le texte, lui, a été confié à l'historien et universitaire Alain Croix. Excercice difficile que de synthétiser en quelques 127 pages, plus une vingtaine de pages "Témoignages et documents", une histoire et une actualité riches. Les choix fait par l'auteur seront forcément contestés, et d'ailleurs ils sont contestables, de mon point de vue.

Il est clair que ce livre sur la Bretagne n'est pas un livre sur la langue bretonne. Il y est consacré deux pages en fin d'ouvrage (130-131) et quelques mentions qui ne permettent pas, à mon avis, de se faire une idée de la question linguistique en Bretagne. Ainsi, l'auteur écrit : "Mais la France n'a aucune politique de préservation des langues..." Joli euphémisme : la France a même eu une politique d'éradication des langues régionales mais l'on n'en saura rien dans ce livre. Comme si les Bretons avaient abandonné leur langue maternelle par leur seul choix.

L'interdiction de la langue maternelle 

Le fait d'avoir interdit la langue bretonne à l'école, dans les administrations, par exemple, est un choix politique de marginalisation décidé par la République française. Quand on marginalise des langues, on ne doit pas s'étonner que les populations ainsi marginalisées se tournent vers la langue officielle, la langue de la promotion sociale, la langue unique qui ouvrira les clés d'un avenir meilleur. Et quels parents ne rêvent pas d'un avenir meilleur pour leurs enfants ? Mais, pendant ce temps, on interdit à des millions de personnes d'être scolarisés dans leurs langues maternelles, en Bretagne, Pays-Basque, Catalogne, Occitanie, Alsace, etc. De quel droit ?

Aujourd'hui, les textes internationaux sur les droits de l'Homme affirment le droit d'être scolarisé dans sa langue maternelle. La France s'est bien gardée de le faire mais les conséquences, pour les populations, ont été et sont encore profondes en terme d'acculturation, de mépris de sa culture et de sa langue d'origine, d'incommunicabilité entre les générations, de pertes culturelles, et j'en passe...

c8ccee3521e47f3bace5e93331359759.jpg

Une affiche est reproduite dans ce livre. Elle présente un enfant puni pour avoir parlé breton. Cette situation, des générations de Bretons (et de Catalans, et d'Occitans et de...) l'ont vécue. Aujourd'hui encore, des personnes de 60 ans, 70 ans, 80 ans, témoignent qu'elles ne parlaient pas un mot de français en arrivant à l'école. Mais l'Education nationale n'avait pas prévu d'utiliser ces langues pour l'apprentissage du français, ce qui aurait pu, peut-être, simplifier la vie de certains enfants et leur donner une image un peu plus positive de leur langue d'origine. Dans la légende, Alain Croix présente cette affiche comme étant de "propagande nationaliste"... Peut-être, mais est-elle fausse pour autant ? Non, elle illustre le fait qu'il était interdit de parler breton dans beaucoup de cours d'école et de classes, et que très souvent des enfants étaient punis pour cela, même si ce n'était pas le cas partout. 

Douceur, vous avez dit "douceur" ? Comme c'est bizarre...  

Concernant l'annexion de la Bretagne par la France, le résumé de l'historien me paraît un peu court. Concernant les quatres années de guerre (1487-1491), qui ont amené la duchesse Anne de Bretagne à accepter d'épouser le roi de France (alors qu'elle avait tout fait pour l'éviter), on saura qu'il y avait des seigneurs français dans les deux armées qui se sont opposées à la bataille de Saint Aubin du Cormier (1488), mais on ne saura pas combien de morts fit cette bataille (entre 6.500 et 7.500 selon différentes sources que j'ai pu trouver), ni combien d'hommes elle engagea : 11.000 dans l'armée du duc de Bretagne, 15.000 pour celle du roi de France. 26.000 hommes ! On n'est pas dans une petite embuscade, mais dans une vraie guerre, ce qui n'empêche pas Alain Croix d'écrire, concernant le processus de rattachement-annexion de la Bretagne à la France : "Le plus remarquable est évidemment que la monarchie française ait choisi en définitive la voie de la douceur, dans un processus qui a duré soixante ans". "Douceur", vous avez dit "Douceur"?

Quelques rappels 
Le lecteur ne saura pas non plus combien de morts fit la répression de la révolte des Bonnets rouges, sous Louis XIV. Il ne saura rien du fait qu'une armée bretonne fut levée en 1871 pour combattre l'invasion prussienne, mais que des milliers de volontaires bretons restèrent croupirent près du Mans, au camp de Conlie, sans combattre, car la République naissante ne leur faisait pas confiance. Il ne saura pas qu'en 2004, le Conseil régional vota, à l'unanimité, un voeu pour que le breton et le gallo soient reconnus officiellement comme langues de la Bretagne à côté du français. Il ne saura pas qu'en mars 2003, 15 à 20.000 personnes manifestèrent dans les rues de Rennes pour demander un statut pour la langue bretonne. 15.000 à 20.000 personnes pour 5 départements !

Par contre il saura qu'Eric Tabarly a gagné la première Transatlantique en 1964.

Quand l'historien se fait devin 
Il apprendra aussi que la "la division administrative de la Bretagne historique ne provoque pas non plus de mouvement d'opinion important. (...) le retour de la Loire-Atlantique dans une région de Bretagne relève aujourd'hui peut-être plus du rêve que d'un avenir prévisible". Là, l'historien se fait devin. Mais c'est quoi, un "mouvement d'opinion important", selon Alain Croix ?

Christian Le Meut 

Levr : La Bretagne entre histoire et identité

41a2d9e168e067967b41e804dcae9d53.jpgDécouvertes Gallimard a zo un dastumadeg brudet bras a ginnig levrioù brav, stumm chakod, get ur bochad skeudennoù e-barzh hag un nebeut testennoù, war un tem resis. Hag an niverenn 526 a zo war Breizh, en amzer a-gent ha bremañ. Hirgotozet eo bet, al levr-se, memestra. Ur bochad temoù a zo paseet araok evel "La légion d'Honneur", "Ambroise Vollard" (piv eo hennezh ?), "L'aluminium", "Gengis Khan" ha me oar me. Gortoz pell, gortoz gwell, evel ma vez lâret...

An Istorour Alain Croix a zo bet dibabet get pennoù bras Gallimard evit skrivañ al levr. Un den barrek tre war danvez Breizh eo met, evit lâr ar wirionez, kavet m'eus berr awalc'h al levr e keñver an istor hag an amzer a-vremañ. Anat eo, al levr a zo bet graet kentoc'h evit tud ha ne ouiont ket netra, pe pas kalz a dra, war an danvez. Evito e vo kentelius, marteze.Ar skeudennoù a zo brav, hag ur bern a zo oc'hpenn.

"Douceur", vous avez dit douceur ? Comme c'est bizarre...
Traoù souezhus a zo memestra, evel ar pezh a skriv Alain Croix a ziar-benn "stagadur" (penaos treiñ "rattachement" ?) Breizh da Vro-Frans : "Le plus remarquable est évidemment que la monarchie française ait choisi en définitive la voie de la douceur, dans un processus qui a duré soixante ans". "Douceur" ? Ur wezh bout bet trec'het he arme e Saint-Aubin du Cormier (1488), Anne, dukez Breizh, n'he doa ket choaz ebet geti, nemet d'en em zimeziñ get roue Bro c'hall, Charlez an 8et... Ped a dud a zo marv e-pad ar brezelioù-se (1487-1491) ? Etre 6.500 ha 7.500 en emgann Saint-Aubin du Cormier, hervez sifroù m'eus kavet barzh ul levrioù all (1)... Sifr ebet barzh levr Alain Croix. Ped a dud a zo bet krouget da vare Loeiz ar 14et hag emsav ar "papier timbré" ? Sifr ebet ivez...

Plas dister ar brezhoneg 
Souezushoc'h c'hoazh a zo plas dister ar brezhoneg barzh al levr. Div bajenn er fin (130-131). Istorour eo Alain Croix, yezhoniour  n'eo ket. Hervezañ ar gallaoueg a zo ur "forme locale" du français (ar yezhoniourion m'us lennet ne lâront ket an dra-se). Pelloc'h : "Mais la France n'a aucune politique de préservation des langues..." eme Alain Croix. Gwir eo (nemet evit mirout ar galleg !). Nag ul "litote", evel ma vez graet a droiennoù sort-se e galleg : ur politikerezh evit skarzhiñ lazhiñ ar yezhoù rannvroel a zo bet get Republik Bro C'Hall, da vat. Met ne lenner ket an dra-se barzh levr Alain Croix. Evel ma vehe bet dilesket ar brezhoneg mod-se : ar Vretoned o doa mezh get o yezh ha setu perak o deus chomet a sav geti. Ha penaos e oa bet hadet, plantet, ar mezh-se barzh o fennoù ? Gete o unan, evel rezon ! Pas get ar mistri skol, pas get ar Stad, pas get ar melestradurezh, pas get pennoù bras Bro C'Hall o doa divizet skarzhiñ ar yezhoù "rannvroel" da skolioù ar Republik.

Berr int, displegadennoù Alain Croix e keñver ar brezhoneg, a gav din. Sifr ebet war niver an dud a gomze gwezhall, hag a gomz c'hoazh. Ger evet war ar pezh a oa bet votet get kuzul rannvroel Breizh e miz An Avent (Kerzu) 2004 a unvouezh evit ma vehe anavezet evel ofisiel ar brezhoneg hag ar gallaoueg. Ha perak nompas merchiñ ar C'Hatolikon, kentañ geriadur moulet e Breizh (hag e Bro Frans), e fin an XVet kantved ? Ar geriadur kentañ embannet e Bro Frans a oa teiryezhek, latineg, galleg, brezhoneg. Plas ebet evit traoù sort-se, talvoudus memestra, barzh al levr. Domaj.

Liger Atlantel : distaget da vat ?
Danvez a zo da dabutal get ar pezh a skriv Alain Croix a ziar-benn Liger-Atlantel : "le retour de la Loire-Atlantique dans une région de Bretagne relève aujourd'hui plus du rêve que d'un avenir prévisible". Istorour a-vicher eo, Alain Croix. Ha divinour ivez ?

Christian Le Meut 

La Bretagne entre histoire et identité, Alain Croix, Découvertes Gallimard, 2008. 

(1) "Cinq à six mille Bretons et leurs alliés, et 1.500 Français restèrent sur le champ de bataille", barzh "L'union de la Bretagne à la France", Dominique Le Page, Michel Nassiet, p. 91, Ed. Skol Vreizh, 2003.