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01/10/2008

Une Webnoz à Vannes mais pas en breton vannetais

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En Bretagne, les émissions de télévision en langue bretonne sont plutôt rares, et aucune n'est programmée le soir en "access prime time", comme on dit en français. Alors une société de production a lancé une émission de télé en breton, un talk show (toujours en français dans le texte), diffusé une fois par mois en direct, sur internet, et dans le monde entier. Et comme le public est invité, je me suis rendu à la dernière émission qui avait lieu sur le port de Vannes.

Jeudi 18 septembre, l'émission Webnoz est réalisée depuis le port de Vannes et son restaurant branché, l'A l'aise Breizh café. Une superbe terrasse qui surplombe le port, des menus inspirés en partie de la cuisine bretonne et un décorum "breton" : le bonheur bobo à Vannes. Excepté ce soir-là, je me demande si l'on parle beaucoup le breton dans cet endroit. On y est à l'aise, mais en français. C'est d'ailleurs le cas de Vannes dans son ensemble : on y est à l'aise et l'on y parle plus beaucoup le breton.

Ce soir là l'animateur de l'émission Webnoz, Lionel Buannic, avait invité la claveciniste québécoise Claude Nadeau. On a donc eu droit à quelques superbes morceaux de clavecins, notamment des oeuvres de Bach. C'est beau, le clavecin, et reposant, même avec des bruits de fourchettes en fond sonore. Claude Nadeau vit à Paris et a été invitée, comme artiste, en "résidence" pendant deux ans par la ville de Vannes. C'est une bretonnante et elle a participé très activement à la création de l'école Diwan de Paris. Mais de cela, il en a été peu question lors de cette Webnoz. L'heure était à la musique baroque dont elle parle avec chaleur. Bernard Jestin, de l'Institut culturel de Bretagne est venu, lui aussi, parler baroque : cette période du XVIIIe siècle précédant la révolution.

"Gwened e Breizh ?" : pourquoi ce nom ?
Une fois cette page musicale terminée, Lionel Buannic avait invité d'autres interlocuteurs, acteurs de la vie scolaire et culturelle bretonnante à Vannes. Il y fut question de "Gwened e Breizh" : c'est le nom d'un nouveau festival consacré à la culture bretonne à Vannes, dans le cadre duquel Webnoz était invitée. "Pourquoi ce nom, Gwened e Breizh ?" a demandé Lionel Buannic... Pourquoi, en effet, rappeler que Vannes est en Bretagne, comme si ça n'allait pas de soi ? Les interlocuteurs présents n'ont su que répondre, peut-être n'y étaient-ils pour rien dans ce nom choisi par la ville de Vannes, dirigée par François Goulard. Mais y'-a-t-il un bretonnant à la mairie de Vannes ? En tout cas, ce soir là, personne pour expliquer le nom de ce nouveau festival.

Le "talk show" continuait avec une présentation d'une exposition autour des oeuvres d'Eugène Guillevic. Des collégiens de Diwan ont dit certains de ses poèmes (en français). La poésie de Guillevic, elle aussi, est reposante. Superbe et questionnante. "Nous ferons de la terre une cathédrale sans mur"... Moi aussi, je suis fan, alors j'ai apprécié.

A plusieurs interlocuteurs responsables de l'enseignement Diwan (immersion) et bilingue (privé et public), Lionel Buannic a demandé pourquoi il y a tant d'enfants dans les écoles brittophones de Vannes ? Un millier pour la préfecture du Morbihan et son agglomération, c'est une des proportions les plus élevées de Bretagne. Dans mon commentaire en breton, j'ai indiqué que cette question là aussi était restée dans réponse mais une des personnes présentes sur le plateau a démenti, il y a bien eu réponse, mais rapide. C'est vrai. J'ai dû trouver la séquence trop rapide pour la retenir. C'est un peu le problème de ce type d'émission : les "talk-shows" (talkoù show e brezhoneg ?), où il y a beaucoup d'invités et de séquences. Parfois, on survole certains sujets qui mériteraient plus de développement.

Des surprises ("souezhadennoù")
Lionel Buannic, qui ne recule devant rien, avait également invité quatre collégiens de Diwan à venir présenter des livres qu'ils avaient lus et aimés. Trois filles et un garçon. Parfaitement bretonnants tous les quatre, ils ont présenté chacun un livre... en français. Il s'édite pourtant chaque année une dizaine, voire une quinzaine de livres en breton pour adolescents. Nos ados les avaient-ils lus ? Mystère. Ou doit-on voir là le célèbre esprit de contradiction adolescent ?

Dernière "surprise" proposé par Lionel Buannic : deux épisodes de la série Ken Tuch, émission en breton d'épisodes de quelques minutes réalisées sur le modèle de Caméra café (un seul lieu, personnages récurrents, thèmes de la vie quotidienne). Ken Tuch est diffusé sur Brezhoweb et certains épisodes sont sous-titrés en français. Avec le bruit dans la salle, je n'ai pas tout compris au premier épisode  mais Lionel, lui, a beaucoup ri. Et nous avons eu droit à un deuxième épisode qui, celui-là, avait pour thème le breton vannetais. Là encore, je n'ai pas compris les dialogues et, en plus, la fin a été coupée. Mais Lionel a encore beaucoup ri.

Une langue et quatre dialectes
Comme vous le savez peut-être, la langue bretonne comporte plusieurs dialectes qui, si on fait quelques efforts, n'empêche pas l'intercompréhension. Il y a le trégorrois, le léonais, le cornouaillais et le vannetais. Il y a aussi plusieurs formes à l'écrit mais qui, en général, n'empêche par la compréhension. Tout cela n'est donc pas complètement unifié, centralisé, standardisé, comme l'est le français que nous apprenons à l'école. Dans ce tableau le dialecte vannetais est réputé pour être le plus différent des autres. Nous avons une tendance, par exemple à "chuinter". Il fut dit à une époque pas si lointaine que nos différences venaient d'un trop grand mélange avec le français, ce que des études de linguistes ont démenti par la suite.

Il m'est arrivé l'année dernière de suivre un stage, très instructif et très plaisant, sur l'île d'Ouessant. Mon accent vannetais me valut, cependant, une remarque d'une stagiaire qui me demanda si je n'avais pas "honte" de parler en vannetais. Je n'ai pas répondu, tant la question me paraissait incongrue. Un enseignant me rappela, aussi, gentiment, que je n'étais plus en pays vannetais... Et alors ? Il faut que je change ma façon de parler quand je sors du pays vannetais (le Morbihan, pour faire court). Comme tous ces gens qui perdent leur accent quand ils "montent" à Paris? Etonnante remarque. Je parle le breton vannetais parce que j'habite dans le Morbihan, parce que c'est ainsi que parlent la plupart des bretonnants avec qui je communique en breton, parce que c'est ainsi que parlent les anciens, bretonnants de langue maternelle, et que c'est le breton que parlaient mes grands parents, même s'ils ne me l'ont pas transmis. Le breton vannetais, c'est d'abord du breton. Et un breton enracinée dans une pratique plus que millénaire, puisque le breton se parle ici depuis quinze siècles.

Des blagues récurrentes
Un de mes amis travaillait avec des groupes d'enseignants de breton pour adultes. Les blagues récurrentes sur son breton vannetais lui étaient un peu pénibles. Se moquer de la façon de parler de quelqu'un devant lui (ou derrière lui), c'est très impoli, mais il semble que cette règle là de respect mutuel soit oubliée. Et puis cela peut virer à l'ostracisme quand une personne refuse de discuter avec une autre personne sous prétexte qu'elle a du mal à la comprendre... C'est dommage, d'ailleurs, car on perd là une occasion réciproque d'apprendre. Les railleries, on connaît donc quand on est bretonnant vannetais. C'est d'autant plus suprenant quand elles viennent de personnes qui manifestement, sont loin d'avoir fini leur apprentissage du breton; qui pratiquent un breton bien standard, pasteurisé, stérilisé. Et qui semble s'en contenter. A elles de voir : on peut se contenter d'un anglais d'aéroport. Si l'on veut aller à la rencontre du peuple, dans les pubs de Liverpool ou de Dublin, est-ce suffisant ? Pas sûr; et en Bretagne non plus.

Les Léonards parlent aux Léonards
Je me souviens d'ailleurs, pendant ce stage à Ouessant, ne pas avoir été interviewé par le reporter d'une radio bretonnante unilingue venu, pourtant, faire un reportage sur ce stage et ses participants. Je ne parle pas le breton du Léon, c'est sûr. D'ailleurs, manifestement, seuls des Léonards parlant léonais, ont été enregistrés. Er maez, exit, les bretonnants des autres coins de Bretagne. Mais si les bretonnants du Léon n'entendent jamais sur les ondes de leur radio du breton vannetais, comment s'étonner des difficultés d'intercompréhension ? La radio bilingue du Morbihan, Radio Bro Gwened, diffuse, elle, en plus de ses émissions en vannetais, des émissions en cornouaillais, en trégorrois, en léonais. Les bretonnants vannetais seraient-ils prêts à faire plus d'efforts que les autres ?

Mais pendant ce stage, une charmante jeune femme m'a dit apprécier entendre parler le breton vannetais...

Quand je me trouve face à une personne qui parle un breton différent de celui que je pratique, j'essaie de m'adapter, et j'apprécie que l'autre personne face la même démarche; ainsi naît l'intercompréhension. Mais si l'autre me rit au nez et (ou) me rejette, cela augure mal de la suite. C'est d'ailleurs pareil en français, comme dans toute autre langue.

Alors donc, je regarderai le feuilleton Ken Tuch consacré au vannetais, et qui a tant faire rire Lionel Buannic. J'espère, d'ailleurs, que d'autres émissions se moquent gentiment du cornouaillais, du trégorrois, du léonais, du roazhoneg (breton parlé à Rennes), et, ne l'oublions pas, du breton bigouden lui-même. Il n'y a pas de raisons que seul le vannetais soit la cible des humoristes de Ken Tuch. N'est-ce pas ?

Bon, c'est fini pour aujourd'hui, à la prochaine, kent tuch !
CLM*

* Cette note en français n'est pas la traduction littérale de la note en breton, j'ai varié.

Pour voir la Webnoz à Vannes (deux heures d'émission) :

http://www.surlaplace.tv/voflashlive/live.php?stream=WN19...

Commentaires

Salud dit ha trugarez evit ar bilhed-mañ! :)

Très intéressantes les réflexions sur cette émission, je les partage dans leur ensemble, et je suis globalement assez d'accord!

J'aimerais parler mieux le breton vannetais, c'est vrai que c'est magnifique! et je comprends qu'on devienne chatouilleux avec les supposées blagues sur l'accent : j'ai tout fait pour perdre le plus possible mon accent québécois, à force, c'est vrai qu'on finit par en avoir marre, ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent pas comprendre. (les Vannetais seraient-ils les Québécois du breton???)

Mais c'est vrai que même là en étant pas mal présente à Vannes depuis janvier, je trouve relativement peu de gens avec qui discuter en vannetais, qui pourraient me transmettre la musique de leur langue. Il y en a certainement plein, mais il faut croire qu'ils sont (trop?) discrets.

La vérité c'est que je parle plus souvent breton à Paris qu'à Vannes... le monde à l'envers? mais bon, comme la plupart des gens autour de moi sont léonards, je finis par choper plus leur accent à eux...

Cela dit, au point où on en est avec le déclin de la langue et les vieux qui décèdent, je dois dire que ça me serait égal qu'on parle breton avec n'importe quel accent *pourvu qu'on le parle*!!!! et franchement, on est loin du compte... c'est ça que je disais en fin d'émission : Komzit! Parlez, pour l'amour du bon Dieu! quitte à faire des fautes, parlez avec l'accent que vous voudrez, mais au moins essayez de parler breton, même si ce n'est pas parfait : ce n'est qu'avec ce premier pas qu'on pourra aller plus loin... le plus urgent c'est ça, on discutera du reste plus tard...

Enfin, pour le plaisir, voici la strophe de Guillevic (extr. de "Paroi", Art Poétique) que j'ai récitée en breton d'abord puis en français ensuite en fin d'émission:

"Ober a raimp eus an douar
Un iliz-veur divoger
Mentoù ar bed
A vo en hor c'herz.
Pep hini ac'hanomp
A oferenno."

L'original est en français, mais traduite en breton il me semble que sa poésie, comme celle de Xavier Grall, trouve une musique qui lui manquait...

A bientôt à Vannes? ;-)

Écrit par : Claude N. | 10/10/2008

Bonjour Claude
merci pour ces remarques. Il est toujours délicat de remettre en question "l'humour", tant il est vrai qu'il est personnel à chacun. Mais les blagues belges ne me font pas rire. Je crois que l'on peut rire autrement qu'en alimentant les préjugés et en raillant tel ou tel accent, telle ou telle population...
On en parle pas beaucoup breton à Vannes ? Je le constate aussi (j'y travaille); et quand on le parle, ce n''est pas forcément du vannetais. Le breton s'est perdu dans les grandes villes bien avant les campagnes. Dommage.
Kenavo deoc'h, e kêr Gwened, marsen !
Christian

Écrit par : christian | 11/10/2008

A tous ceux qui se plaignent qu'en ville on entend plus parler breton , aller donc à la campagne , où l'on trouve encore quelques bretonnants , plus pour longtemps , si l'on continue à l'enseigner uniquement de manière scolaire . Tout enfant inscrit dans des écoles Diwan devrait avoir un parrain bretonnant avec qui il pourrait parler , sinon tout le travail ne servira pas à grand chose , si peut-ètre à donner satisfaction à quelques nationnalistes , autant dire rien , parce que , le breton scolaire ne pourra meme pas servir de Breton d'aéroport .

Écrit par : conan loeiz | 11/01/2010

Salut Loeiz : je pense aussi que la transmission du breton doit se faire par l'école et par la relation avec des bretonnants de langue maternelle mais ce n'est pas une chose toujours évidente à mettre en place. Cependant, je ne suis pas d'accord avec le fait de dire que, sinon, "tout ce travail ne servira pas à grand chose". L'apprentissage précoce du breton a aussi un intérêt pour l'enfant en terme d'apprentissage du multilinguisme, d'une part, et c'est aussi l'acquisition d'un bagage culturel original et lié à son environnement direct, qui pourra lui servir.
Petite précision : est-ce le Loeiz Conan, animateur de Radio Bro Gwened, qui signe ce message ?
Joa deoc'h
CLM

Écrit par : Christian | 12/01/2010

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