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12/06/2006

"Hep brezhoneg, Breizh ebet" ? Sans langue bretonne, pas de Bretagne ?

medium_manifestadeg087.2.jpgC’est fait, j’ai manifesté le 3 juin dans les rues de Rennes. Et j’ai été un peu soulagé après car j’avais un peu peur qu’il n’y ait pas grand monde. Les organisateurs avaient accumulé les mots d’ordre, mélangeant des demandes culturelles et institutionnelles et brouillant ainsi le message. Et puis il y avait de la concurrence : le beau temps, une multitude d’autres événements en Bretagne... Mais, finalement, le défilé était loin d’être ridicule, mené par des représentants politiques et par des sonneurs. Combien étions-nous? 3000 a dit la presse locale, 4.000 selon France Info; 5.000, paraît-il, selon la police; 6.000 selon l’hebdomadaire Ya!, 10.000 selon l’Agence Bretagne Presse. Moi, je pencherais plutôt pour 6.000 et face à cette cacophonie, je regrette un peu de ne pas avoir compté moi-même.

Point de gallo
Il faut dire que les discours à la tribune ont été un peu longs, messieurs les organisateurs. J’écris "messieurs" car je n’ai pas vu beaucoup de dames à la tribune. J’ai noté aussi qu’on y avait parlé occitan puisqu’une délégation occitane était présente; on y a aussi parlé français et breton mais de gallo, point, alors que la banderole ouvrant la manifestation était trilingue, breton, français et gallo. C’est pour faire joli et politiquement correct, qu’on y met le gallo, ou c’est parce qu’on y croit vraiment ?

Mais nous voilà partis. C’était une manifestation assez vivante avec moult slogans comme le fameux, “Hep brezhoneg, Breizh ebet”. “Sans langue bretonne, pas de Bretagne”, j’ai dû entendre cette phrase pour la première fois dans une chanson d’Alan Stivell, mais est-ce si sûr ? Est-ce que la Bretagne ne pourrait pas survivre, exister en tant que telle sans la langue bretonne ? Est-ce que la langue bretonne est indispensable à l’identité bretonne ?

Nouvelle Orléans ou New Orleans ? 
Au mois d’août dernier, un ouragan s’est abattu sur la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. J’ai entendu et lu beaucoup de témoignages sur la situation mais tout était en anglais. Aucun témoin francophone alors même que cette région est censée être bilingue. J’ai interrogé une responsable d’une organisation cajun, Elaine F. Clément, membre du Conseil pour le développement  du français en Louisiane. Elle m’a répondu, par mail, qu’il ne reste prsque plus de francophones en Nouvelle Orléans, ville fondée par des Français en 1718. Il reste encore 200.000 francophones en Louisiane, mais plutôt dans les campagnes et des villes plus petites que la Nouvelle Orléans comme Houma et Lafayette. La langue française n’y est pas à la mode, elle a même été interdite pendant plusieurs décennies. Cette responsable m’a écrit, par mail, que les francophones avaient été “invisibles” encore une fois, pendant ces événements. Invisibles des médias étasuniens, mais également des médias français ! Comme les bretonnants, les Occitans et les autres sont “invisibles” en France ?...

Alors, la Nouvelle-Orléans existe-t-elle toujours alors même qu’on n’y parle plus français ? Oui, pour les livres d’histoire en français, mais pour le présent il ne reste plus que des traces toponymiques de la langue comme ce “quartier français”. La Nouvelle-Orléans a failli disparaître à cause de cet ouragan, mais la langue française y a été complètement noyée ces dernières décennies par le raz-de-marée anglophone. Et ses habitants n’habitent plus la Nouvelle Orléans, mais “New Orleans”...

Alors revenons à notre “Hep brezhoneg, Breizh ebet”. “Sans langue bretonne, pas de Bretagne”. Parlera-t-on encore breton en Bretagne dans cent ans ? Personne ne sait. Sans la langue bretonne, parlée dans ce coin d’Europe depuis plus de 1.500 ans, la Bretagne aurait un tout autre visage : perdue la langue d’origine, oubliée la culture orale véhiculée par elle, inaccessibles les livres écrits en breton depuis des siècles; incompréhensibles les noms de lieux, de familles, les chansons, etc. Cette perte culturelle, cette coupure dans la transmission humaine, serait très grave mais force est de constater que ce processus est déjà largement engagé, que la majorité des familles de Basses Bretagne ne parlent plus breton; que dans bien des villes et des bourgs les seules traces du breton sont la toponymie ancienne des rues et les panneaux bilingues récents...

Et la France, sans le français ? 
Et la France, imagine-t-on la France sans la langue française qui y est l’objet d’une sorte de religion ? Sans le français, point de France ? Imaginons qu’un jour l’anglais ait supplanté la langue de Molière, perspective assez lointaine cependant : quel traumatisme entre générations et quelle perte culturelle ! Il y aurait peut-être encore une France, alors, mais bien différente de celle d’aujourd’hui. C’est une lapalissade, d'ailleurs, de dire que demain ne sera pas comme aujourd’hui. Mais pour des langues minorisées comme le français-cajun de Louisiane ou le breton de Bretagne, demain n’est pas une certitude.

La Bretagne est un lieu, un endroit, et les endroits changent en fonction des gens qui y habitent, de leur mode de vie, de leur culture, de leurs relations sociales, de l’économie, des croyances, de l’organisation politique. Chaque génération vit les choses à sa manière. On y parle d’autres langues que le breton depuis très longtemps : le gallo, le français, l’anglais. Mais la disparition de la langue bretonne signifierait la perte d’une part essentielle d’identité, une amputation, un traumatisme culturel irréversible. Sans langue bretonne, il y aurait peut-être encore une Bretagne, mais elle aurait perdu ses yeux de Breizh.

Christian Le Meut

Commentaires

Quelques citations pour illustrer cet articles :

« Ce sont en effet les langues qui donnent naissance aux peuples, et non les peuples qui donnent naissance aux langues. » Isidore de Séville, VIIè siècle.

« la langue d’un peuple est son âme. » Maxime allemande.

« Les langues sont davantage que des espèces vivantes, elles sont aussi une certaine façon de ressentir, d'imaginer et de penser. » Claude Hagège.

« Les langues, vecteurs de culture et miroirs de nos perceptions du monde, sont un support initial de toute forme de communication et d'information, en même temps qu'elles sont une composante essentielle de la conscience de soi et de l'identité des personnes et des sociétés. » K. Matsuura, directeur général de l'UNESCO

Bref, l'absence de langue bretonne fait disparaître la Bretagne. Pas la peine de se voiler la face !

Écrit par : dom | 12/06/2006

Le paradoxe qui rend la chose plus cruelle ; c'est qu'au fur et à mesure que "disparaît" la langue bretonne des cœurs et des esprits de l'écrasante majorité de ceux qui vivent en Bretagne, elle est arrivée à "garder une existence" voire même à se manifester de plus en plus, sur les panneaux bilingues, dans les écoles bilingues, sur les ondes et dans les médias (livres etc..).
A quoi serviront finalement les efforts de l'unification de sa graphie par exemple ? L'existence d'une quantité impressionnante de méthodes de breton ? La création d'écoles (ils s'en crée encore une peu plus chaque année malgré tout ce qu'on en dit et le manque de profs) ? En 2006 : le premier long métrage doublé en Breton est sortit. (Lancelot, le film de Jerry Zucker avec Sean Connery, Richard Gere et Julia Ormond). Alors ? Serait-ce là un autre paradoxe breton ? Ou un tragédie totale car la langue serait devenue une sorte de morte vivante au service du premier apprenti sorcier venu ?

Le paradoxe qui rend la chose plus cruelle c'est qu'au fur et à mesure que "disparaît" la langue bretonne des cœurs et des esprits de l'écrasante majorité de ceux qui vivent en Bretagne, elle est arrivée à "garder une existence" voire même à se manifester de plus en plus, sur les panneaux bilingues, dans les écoles bilingues, sur les ondes et dans les médias (livres etc..).
A quoi serviront finalement les efforts de l'unification de sa graphie par exemple ? L'existence d'une quantité impressionnante de méthodes de breton ? La création d'écoles (ils s'en crée encore une peu plus chaque année malgré tout ce qu'on en dit et le manque de profs) ? En 2006 : le premier long métrage doublé en Breton est sortit. (Lancelot, le film de Jerry Zucker avec Sean Connery, Richard Gere et Julia Ormond). Alors ? Serait-ce là un autre paradoxe breton ? Ou un tragédie totale car la langue serait devenue une sorte de morte vivante au service du premier apprenti sorcier venu ?
Il suffit de peu. Le feu n'est pas éteint, il couve sous la cendre. Que chacun souffle sur sa part de braise et la langue ne disparaître pas. Le feu sera donc transmis. Mais il faut que la langue cesse d'être uniquement enjeu de pouvoir ou même de jeux savants entre les uns et les autres. Il faut qu'elle soit mise entre les mains du plus grand nombre sans aucune autre espèce d’arrière pensée. Ne serait-ce que parce que MALGRE milles embûches, la langue est toujours là. Il y a certes mieux comme situation dans le monde des langues dites minoritaires, mais il y a largement pire. Largement pire…
N’eo Ket Echu ;-)

Longue réaction mais c'est dit ;-)
Kline

Longue réaction mais c'est dit ;-)
Kline

Écrit par : Mister K | 13/06/2006

al lod vrasañ e touez ar re a zo o teskiñ brezhoneg d'ar re all n'int ket gouest da zistripa ur frazenn bennak a vefe komprenet gant ar re gozh... lakaet e oa bet war ar stern ur seurt benveg politikel e pad ar bloavezhioù 50 betek 80, ur yezh farsus awalc'h a vez graet emsaveg pe roazhoneg hirio an deiz, koust a ra ker d'ar rannvro padal e talc'h mat ar brezhoneg war e hent kuit, emañ war an echu abaoe pell

z'eus nemet lakaat skoaz ouzh skoaz niver ar re a za da anaon war ar pemdez hag ar re a vez o teskiñ brezhoneg e kentelioù noz : teñval an dazont, me lar eo foutu an traoù, ha ma z'eus tud evit krediñ e oa deut founnus an dud e Roazhon pur pemzektez zo!!!!!!!!!!


6000 a vije maread? pelec'h eo aet an 9000 all?????????? deoc'h da c'houzout e oa 15 000 a dud er strejoù e 2003!!!!!!!!!

Écrit par : an arnicol | 13/06/2006

Je ne me suis pas mis à apprendre le breton, à 45 ans, pour aider à "sauver" la culture bretonne. Je n'ai pas, comme certains de mes codisciples, de souvenirs nostalgiques de la cueillette des kavel touzeg. A mes oreilles d'enfant, le breton se mélait aux interminables repas de famille éthyliques et aux processions bigotes. Quand aux fest-noz, plus tard, leurs danses en cercle me paraissaient fermées et le revival à la Stivell une queue de comète soixantuitarde. Donc j'apprends le breton pour recréer des liens d'aujourd'hui avec des Bretons d'aujourd'hui. Je sais que dans une perspective historique, une langue c'est essentiel, mais nos choix d'humains ne reposent pas sur une réflexion à cinq ou six générations. Regardez la protection de l'environnement. Tout le monde à compris qu'on était en train de pourrir la planète à court terme et quasiment tout le monde continue de consommer pareil.
Dans la lutte pour le breton, beaucoup de Bretons ont des souvenirs personnels à chérir, mais l'important, c'est qu'ils s'ouvrent, qu'ils prennent la parole en breton et en français, qu'ils accueillent. Pour ceux qui veulent coller au cliché du taciturne mélancolique, c'est difficile, mais beaucoup y arrivent. Quand j'ai inscrit la petite chez Diwan, j'ai reçu un bel accueil, bien meilleur que dans le public francophone. Regardons l'avenir de cette façon.

Écrit par : Yvon Le Gall | 14/06/2006

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