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02/01/2006

Des nouvelles du picard !

Voici un article paru dans l'Humanité du 8 décembre concernant le picard, langue d'oïl, comme le gallo en Bretagne, parlée encore de la Picardie à la Belgique (cet article figurait sur le site de Diwan, qui répertorie régulièrement des articles sur les langues régionales) :
 
"Les premières Journées interrégionales de la langue picarde ont mis en relief la discrimination dont souffre une langue parlée par deux millions d’habitants de Picardie, du Nord-Pas-de-Calais et du Hainaut belge.

Plus de 120 personnes ont participé vendredi 2 décembre aux premières Journées interrégionales de la langue picarde sur le site du carreau de la mine de Wallers Arenberg à l’invitation de la communauté d’agglomérations de la porte du Hainaut. Élus, responsables associatifs, universitaires, artistes, conteurs ou simples locuteurs, ils ont adopté à la fin de la réunion un appel dans lequel ils « affirment leur appartenance à une communauté culturelle et linguistique interrégionale transfrontalière ». Les participants souhaitent renouveler la démarche des Journées de la langue picarde, pour qu’elles se tiennent alternativement dans les trois régions linguistiques, les régions françaises de Picardie, Nord - Pas-de-Calais et, en Belgique, le Hainaut. Dans cet appel, ils souhaitent « la mise en oeuvre de projets interrégionaux et transfrontaliers dès l’année 2006 » et ils « réclament l’application à la langue picarde des mesures existantes en faveur des langues et cultures régionales au sein de l’éducation nationale ». La discrimination fut en effet un des thèmes principaux des débats. Le picard est boudé par l’éducation nationale alors qu’il prouve régulièrement sa vitalité sur toutes les scènes artistiques des régions concernées ou tout simplement dans la vie courante. « Le picard ne meurt pas, il y a des salles pleines chaque fois que nous faisons des représentations en langue picarde », ont témoigné des artistes et des conteurs. Et contrairement à certaines régions qui soutiennent leur langue sur un fond de séparatisme politique, « la revendication du picard est purement culturelle. Elle n’implique aucun enjeu de pouvoir », a souligné Jean-Michel Eloy, professeur de linguistique à l’université de Picardie, directeur du Centre d’études picardes du laboratoire d’études sociolinguistiques qui a ouvert les Journées*. Jean-Michel Eloy prône un enseignement du picard, langue du dominé qui, après quatre siècles « de pression politique maximale », crée une identification négative. Mais, et c’est une de ses forces, à cause de cette mise à l’écart, le picard est une langue en liberté que les pouvoirs n’ont jamais investie. Parlée ou comprise par près de deux millions de personnes au sein d’une zone de sept millions d’habitants, elle est une des plus vivaces des langues régionales « endogènes » de France.

La langue peut devenir outil de développement économique. Dans une Europe où les régions sont confrontées à la concurrence, l’image, la notoriété deviennent enjeux de pouvoir. Le picard, dit Jean-Michel Eloy, « est un élément d’image très fort, disponible pour la modernité. C’est une langue de gens travailleurs, résistants, qui ont intégré les bases de l’immigration, qui sont plus malins qu’ils en ont l’air. Il faut rendre leur fierté à ces gens par une politique linguistique positive. Il y a 130 langues différentes parlées dans le Nord - Pas-de-Calais et qu’est-ce qu’on en fait ? Rien ». La langue, a dit Jacques Landrecies, maître de conférences en langue et culture régionales à l’université de Lille-III, « est un objet de savoir et c’est une réalité qui dérange ». Le picard peut devenir un outil incomparable d’insertion dans les régions industrielles sinistrées du Nord. L’expérience racontée par Pascal Laby, de l’Association pour l’insertion sociale d’Avesnes-lez-Aubert, auprès de 180 personnes montre que le picard a servi d’outil pédagogique, outil d’insertion sociale.

Organisées par les associations Insanne, le département langues et culture de Picardie du conseil régional et la maison de la culture du Hainaut, les Journées interrégionales ont ouvert une coopération inédite entre les trois régions en vue de la création d’un centre interrégional souhaité par Alain Bocquet, député communiste et président de la porte du Hainaut. La seule fausse note fut l’absence remarquée d’un représentant du conseil régional du Nord - Pas-de-Calais !

Jacques Moran/L'Humanité/08/12/2005
* Petit commentaire du responsable de ce blog (webmaster en français dans le texte) : en France, où règne le régime de la langue unique, demander un soutien public à une langue régionale, le picard, le breton ou une autre, est forcément un combat politique tellement la religion de la langue française est ancrée profondément dans les mentalités. Il est un peu naïf de croire que la langue picarde pourra survivre sans une action sur le terrain citoyen, donc politique. Les militants des langues régionales d'oïl, dont le picard et le gallo font partie, ont beaucoup de mérite car leurs langues, cousines du français, sont souvent assimilées à celui-ci, ou considérées comme des "patois" ou des "dialectes" du français alors que ce n'est pas le cas. Je suis toujours surpris, d'ailleurs, quand j'entends des militants de la langue bretonne, voire des bretonnants, qualifier le gallo de "dialecte"... Il y a peu encore, le breton était qualifié de "patois" sur un règlement de Wanadoo... Pas plus tard qu'hier et aujourd'hui, sur France Culture, j'ai entendu parler de "patois" dans la bouche de l'éminent historien Pierre Nora, et de "bas-breton" dans la bouche d'un critique littéraire du "Masque et la plume". Le "Bas-breton", késako ? Le terme est, pour le moins obsolète...
On est toujours le plouc - ou le patoisans - de quelqu'un.
Christian Le Meut

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