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23/12/2005

Du passé faisons table rase !

Soyons modernes, mesdames messieurs, il n’y a que ça de vrai, la modernité. Alors allons faire un tour du côté des États-Unis, le fleuron mondial de notre modernité contemporaine. Là-bas, les 125 habitants du village de Clark ont décidé de changer le nom de leur commune. Non pas pour lui donner un plus joli nom, ni pour honorer une personnalité ou un fait historique qui se serait produit là... Non, rien de tout ça. Les 125 habitants de Clark ont tout simplement troqué le nom de leur village contre celui d’une marque ! La marque de bouquet numérique appelé Dish, comme il y a Canal satellite ou TPS en France. Une fois abonné à un bouquet numérique et installé une antenne ad hoc (ou le câble), vous captez vingt, trente ou 140 chaînes que vous n’avez pas le temps de regarder ! Ou si vous l’avez, le temps, vous risquez vite une overdose de crétinisme télévisuel; quant aux escarres, elles suivront à force de ne plus bouger !

Le village de Clark s’appelle désormais du joli nom de Dish. En contrepartie les habitants ont reçu chacun une parabole, un lecteur DVD, un abonnement de dix ans à ce bouquet numérique... Et la célébrité ! Car ce coup de pub a fait parler de lui Outre-Atlantique. Le maire de la commune, cité dans Courrier international (01/12/2005), se félicite : “Personne ne savait où se trouvait Clark, tout le monde sait où se trouve Dish”. Mais il est des notoriétés que l’on n’envie pas. Troquer son nom contre une marque, y’a-t-il de quoi être fier ? Et les habitants de Dish n’ont-ils rien d’autre à faire que de passer leur temps à regarder la téloche ?...

Canal-satellitiens, Canal-satellitiennes !
Transposons-nous en France. Prenons une commune un peu perdue dans la campagne où il n’y aurait pas grand chose d’autre à faire d’autres que regarder la télé : Pontivy *, par exemple, troquerait son nom pour devenir “Canal satellite” ! Voilà un nom moderne, ça sonne presque science fiction. On pourrait le prononcer à l’américaine ce qui est le fin du fin de la modernité actuelle : “Chanel satellite”... Et puis, finis les Pontyviens et les Pontyviennes vivent les Canal satellitiens et les Canals satellitiennes : on est carrément dans la science fiction, la guerre des étoiles, Star Wars et tout et tout !

Et je ne parle pas d’une certaine radio au nom imprononçable et quasiment préhistorique, Radio Bro Gwened. Mais où vont-ils chercher des noms pareils ? Il faut moderniser tout ça, faire “djeunes” mesdames messieurs. Utiliser seulement le sigle et le dire à l’américaine, RBG : “Rbgi”, “Selaouit RBji”. Pensez donc à un jeune ou une jeune du coin qui voudrait participer à la Star Ac. Oui, à la Star Académie ou une autre émission de cet acabit. Car le top du top de la promotion sociale et culturelle de nos jours c’est de passer à la télé, même pour y faire n’importe quoi. Alors pourquoi pas aller chanter à la Star Ac ? Mais imaginez donc ce jeune arrivant devant le jury :
“Vous arrivez d’où ?”
- De Pontivy”...
- et vous avez fait quoi avant ?
- J’ai participé au radio crochet de Radio Bro Gwened”. C’est perdu d’avance ! Aucun espoir. Avec un CV comme ça le pauv’ gamin sera viré avant même d’avoir chanté, comme s’il débarquait du Moyen âge.

Ce n’est pas avec des noms comme ça que l’on devient une star du show biz, ni que l’on conquiert de nouveaux marchés ! Modernisons : virons donc ces noms en français et en breton, tout ça s’est dépassé. Amis Pontivyiens amies Pontyviennes, devenez des Canals satellitiens et Canal satellitiennes ! Finie la sauce armoricaine, vive la sauce américaine. Vendons nos noms, nos identités, et du passé faisons table rase comme il est dit dans une chanson célèbre, l’Internationale ! Le problème c’est ce qui reste sur la table après : une bouteille de caca-cola et des hamburgers à regarder devant des feuilletons étasuniens... Que dis-je, des SOAP... Nag ur vuhez bourrapl, me lâr deoc’h ! Quelle belle vie j’vous dis !

Et le mandarin ?
Mais, qui sait, d’ici vingt ans, l’anglais lui-même sera peut-être dépassé par le mandarin... Qu’est-ce que c’est cet oiseau là, vous demandez-vous peut-être ? Et bien c’est la langue officielle en Chine et la langue la plus parlée dans le monde. Et là, Pontivy est à la pointe de la modernité puisqu’on y étudie le chinois dans un lycée juste après y avoir laissé tomber le breton. Loin de moi l’idée de critiquer l’enseignement du chinois, c’est une ouverture linguistique et culturelle; ce qui me pose problème c’est que l’on abandonne le breton, preuve au contraire d’une fermeture culturelle cette fois, voire d’une fermeture sur soi-même et sur son environnement immédiat, fermeture qui mériterait d’être analysée. Mais je ne suis pas psychanalyste... Le syndrome de l'abandon de la langue d'origine sévit un peu partout, notamment en Ecosse (lire les commentaires).

Allez, dalc’homp berr, tudoù ! Tenons bon, auditrices ou auditeurs de Radio Bro Gwened, lecteurs et lectrices de ce blog, que vous soyez de la belle ville de Pontivy ou d’ailleurs. Et surtout ne vendons pas nos noms à des trafiquants d’illusions.
Christian Le Meut

* Rappel : la plupart des textes figurant sur ce blog sont des chroniques pour Radio Bro Gwened, émettant de Pontivy. Rendez-vous le mercredi à 9 h 15 pour la chronique en français, 8 h 15 le vendredi, en breton.
Internet : www.radio-bro-gwened.com


Commentaires

Feasgar math a chàirdean, Nollaig Chridheil agus bliadhna math ùr dhuibh h-uile,

Je comprends pas pourquoi certains sont si heureux de détuire leur proper culture.

Je suis désolé de placer tant d’anglais ici (le temps me manque ce soir de faire une traduction – que serait quand même terrible - mais voici quelque chose j’ai lu dans les journaux ici dans les Highlands:

A Highland provost wants schools to stop majoring on our native language Gaelic - and instead look to the Orient and get our youngsters speaking Chinese instead.

Duncan Allan, the Highland Council's tourism spokesman, is calling for Mandarin to be given as much prominence as Gaelic.

Mr Allan pointed out China has the largest population and fastest-growing economy in the world, and said he believed Mandarin to be the language of the future.

He said: "The Chinese are all learning English and we should make an effort to learn their language. I've repeatedly told our education department that we should be teaching Mandarin.

"When you think of how many people speak Mandarin - and they are the power of the future - why are we spending so much money on teaching Gaelic?"

Kenavo

Écrit par : Gràisg | 24/12/2005

Le commentaire précédent montre qu'une personnalité écossaise (si j'ai bien compris ce message arrive d'Ecosse) préconise le développement de l'enseignement du chinois (pourquoi pas ?) mais au détriment de l'enseignement du gaélique écossais... Les partisans du "passé faisons table rase" ne sévissent donc pas qu'en Bretagne et aux Etats-Unis...

Écrit par : Christian | 25/12/2005

Les commentaires sont fermés.