22/05/2009
Lorient : le chinois à la place du breton ?
Le bac approchant, je vous invite ce matin à une petite réflexion collective sur la phrase suivante, prononcée par le proviseur du lycée Dupuy-de-Lôme, de Lorient, M. Alain Colas, qui a monté depuis plusieurs années une filière d'apprentissage du chinois au lycée, et incite les collèges à développer cet apprentissage : quatre s'y mettront à la rentrée. Manifestement enthousiaste, M. Alain Colas développe, entre autres arguments, celui-ci :
"On doit préparer les enfants dans le monde dans lequel il vont vivre et non dans celui de leurs grands-parents !".
Belle citation, n'est-ce pas ? Question cependant : les grands-parents d'aujourd'hui étant en très grande majorité francophones, est-ce une invitation à abandonner le français à laquelle nous invite M. Colas ? On pourrait lire cette phrase ainsi et, d'ailleurs, l'usage du français est menacé dans bien des domaines de la vie économique, scientifique et technique internationale (et dans d'autres domaines aussi sans doute). L'anglais est le grand concurrent du moment et, qui sait, le chinois plus tard.
Evidemment, ce n'est pas le français qui est visé, mais l'enseignement du breton. Enseignement que le lycée Dupuy-de-Lôme a abandonné alors qu'il avait, jadis, une option langue bretonne.
Questions :
- Les adolescents d'aujourd'hui vivent aussi dans le monde de leurs grands-parents, qu'il ne faut pas enterrer trop vite quand même. Leur donner, par l'éducation, des clés pour comprendre le monde de leurs grands-parents n'est-il pas essentiel pour qu'ils comprennent d'où ils viennent ? Qu'ils tirent des enseignements de la façon de vivre de ces grands-parents dont les savoirs et les moeurs ne sont pas à jeter.
- Pourquoi la langue bretonne est-elle devenue la langue des grands-parents et n'a-t-elle pas été transmise aux nouvelles générations ? Est-ce juste ? Est-ce positif de ne pas transmettre aux jeunes leur langue d'origine ? Est-ce normal que les habitants du Morbihan et d'An Oriant n'aient, pour la grande majorité d'entre eux, pas reçu le moindre enseignement sur la langue, l'histoire et la culture bretonnes ? M. Le proviseur trouve-t-il normal ce processus d'acculturation ? Que pense-t-il de la dimension culturelle, humaine, scientifique, que constitue la perte d'une langue ? Fait-il oeuvre de culture en tenant ce genre de propos ?
- La langue bretonne figure sur la liste des langues en danger de disparition au XXIe siècle établie par l'Unesco : M. le proviseur ne tire-t-il pas sur une ambulance ? Et le siècle prochain, sera-ce le tour du français ? Trouvera-t-on alors, à Lorient, un proviseur pour justifier son abandon au profit d'une autre langue plus porteuse "d'avenir" ?
- Le "monde dans lequel vont vivre" les ados d'aujourd'hui, qu'en sait M. le proviseur ? Il est devin ? J'observe qu'aujourd'hui, ici et maintenant, il y a en Bretagne des centaines d'emplois en langue bretonne (un millier selon l'Office de la langue bretonne), et que la connaissance de cette langue est un atout pour une personne qui veut vivre et travailler ici.
Pour finir, ci-dessous, le petit mot de présentation de son lycée par M. Colas, où l'on apprend que "la tradition humaniste" fait que l'on peut apprendre le grec et le latin dans cet établissement. Mais pas le breton. Par contre, est-ce au nom de cette tradition humaniste que l'on y apprend le chinois et pas le tibétain ? En matière de tradition "humaniste", n'est-on pas plutôt face à de l'opportunisme économique ? Je n'ai rien contre l'enseignement du chinois, ni de quelque langue que ce soit, mais pourquoi le situer en concurrence avec l'enseignement de la langue bretonne qui, en Bretagne, doit aussi être une priorité ?
Christian Le Meut
"Notre métier est la transmission du savoir.
Savoir, savoir-faire, savoir-être.
Nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour offrir aux élèves et aux étudiants qui s’inscrivent au lycée Dupuy de Lôme les meilleures conditions pour travailler, apprendre, grandir.
Le lycée Dupuy de Lôme c’est, au cœur du centre ville, une équipe d’enseignants de grande qualité, des équipements (laboratoires, nouvelles technologies informatiques, gymnase) performants, des locaux en cours de complète rénovation, mais aussi des options en prise sur le monde de demain (enseignement du russe, du chinois, classes préparatoires aux grandes écoles). Enfin, dans la tradition humaniste, car nous croyons aux têtes bien faites, nous offrons le pôle langues anciennes de Lorient avec la possibilité de suivre un enseignement du latin et du grec.
Notre seul objectif est de permettre, aux jeunes qui entrent dans notre lycée, d’en sortir diplômés et enrichis de connaissances leur assurant une bonne insertion dans l’enseignement supérieur et plus tard dans la vie.
Le Proviseur/A. COLLAS"
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10:27 Publié dans Brezhoneg/Langue bretonne, Deskadurezh/Education | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : lorient, breton