18/01/2008
"La bataille des langues" : une "Manière de voir" avec des oeillères
Tous les deux mois Le Monde diplomatique édite Manière de voir et le dernier numéro (97, février-mars 2008) est consacré à "La bataille des langues". Il s'agit d'une sélection d'articles parus sur ce thème depuis que le Diplo existe, donc pas toujours récents, comme celui sur le Québec qui date de... 1975. Mais des articles anciens peuvent demeurer intéressants, comme celui d'Albert Memmi sur la situation des pays colonisés par la France et la relation des peuples colonisés à la langue française.
L'introduction du premier chapitre est intéressante :"Il faut être naïf ou ignorant pour ne voir dans une langue vivante qu'un outil de communication, comme le sont les langues artificielles. Au-delà des barrières sociales, et comme le démontrent d'innombrables travaux de neurophysiologistes, et de psychologues, elle ne se réduit pas à un simple code pour l'échange d'information, mais elle constitue le creuset même de l'identité de chacun. Comme a pu l'écrire Régis Debray : "Elle n'est pas un instrument, mais un milieu de vie, le fil d'or d'une vitalité longue et singulière""... Voilà qui est bien écrit. On peut d'ailleurs appliquer cette citation à la langue bretonne et aux "langues de France", comme disait François Mitterrand, mais l'équipe du Diplo s'en garde bien. Le breton est cité une seule fois à ce que j'ai vu... Il y a bien un article sur le catalan, mais en Espagne.
La "langue dollar"
Non, le Diplo ne semble guère intéressé par les langues régionales en France. Le combat important pour lui, manifestement, c'est celui contre l'hégémonie de l'anglais, la "langue dollar". Que nos élites françaises, économiques, intellectuelles, bobos, etc., adoptent à la vitesse grand V. Et Manière de voir de les stigmatiser, non sans arguments : "Les élites "off shore", en particuler en France, ont tôt fait de qualifier de "nationalisme" l'attachement des peuples à leur langue, alors que c'est parfois tout ce qui leur reste pour "faire société" et s'inscrire dans une histoire partagée. Précisément parce qu'à l'heure de la libre circulation des capitaux, des biens et des services l'existence de société leur apparaît comme un déplorable anachronisme entravant la course planétaire aux profits. Mais gare aux retours de bâton qui, eux, effectivement, peuvent prendre la forme régressive de replis identitaires"...
"Récuser toute langue unique"
Et Bernard Cassen, directeur général du Monde Diplomatique, dans l'introduction, de souligner : "Revendiquer un monde pluripolaire, c'est aussi récuser tout langue unique, donc encourager le multilinguisme". Et vouloir imposer une langue unique dans un pays où coexistent plusieurs langues, comme en France, qu'en dit le directeur du Diplo ? Est-ce compatible avec les droits de l'Homme, la démocratie, la volonté populaire ? Lisons la suite : "Le droit de créer et travailler dans sa langue est un des attributs de la souveraineté populaire, notion qui hérisse les dirigeants des transnationales, des institutions financières, ainsi que leurs porte-paroles et porte-plumes locaux. La bataille des langues, c'est d'abord une bataille pour toutes les langues, y compris, évidemment, l'anglais". Et y compris, évidemment, le breton ?
Une "bataille pour toutes les langues", vraiment, M. Cassen ? Quand est-ce, la dernière fois que le Diplo a consacré un article aux langues régionales en France ? Soutient-il leur pratique ? Les écoles bilingues ? Les médias en langues régionales ? Si oui, il le fait avec beaucoup de discrétion. Peut-on revendiquer le multilinguisme dans le monde entier, et ne pas le soutenir en France ? J'ai bien conscience de ne pas être très diplomate en disant celà, mais il semble que dans ce domaine, le Diplo a quelques oeillères.
C'est ma manière de voir.
Christian Le Meut
La bataille des langues, Manière de voir n°97, 7 euros.
15:15 Publié dans Brezhoneg/Langue bretonne, Galleg/français, Politikerezh/Politique, Yezhoù/langues | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langues, français, breton, politique, Le Monde diplomatique
Langues : ur "Manière de voir" drol awalc'h
"Manière de voir" a vez embannet bep daou viz get Le Monde diplomatique. Dibabet 'vez get strollad an Diplo pennadoù skrid embannet gete abaoe pell a-wezhoù : 1975 evit ar pennad a ziar-benn Bro gKebek, da skouer ! Kozh eo memestra. Met bon, an testennoù kozh a c'hell bout interesus evel ar pezh skrivet get Albert Memmi a-fed ar broioù bet aloubet, trevadennet, kolonizet get Bro-Frans...
Un emgann, ur c'hrogad a zo etre ar yezhoù, eme tud an Diplo : ya, met etre ar saozneg hag ar galleg dreist holl. Setu tem pouezusan, talvoudusan an teuliad-se. Ar yezhoù rannvroel e Bro-C'Hall ? N'eus netra war an tem-se barzh Manière de voir, hervez ar pezh m'eus lennet. Ar brezhoneg a zo merchet... Ur wezh; met ur pennad skrid a zo war ar c'hatalaneg e Bro-Spagn.
Ar saozneg, yezh ar c'hapitalism, a za da vout kalz krenvoc'h evit ar galleg barzh bed an ekonomiezh, bed an enklaskerion, bed ar mediaioù... Hag e Frans, ar re-se a implij re ar saozneg, e c'hober goap a wec'hoù doc'h ar re a zifenn ar galleg. "Les élites "off shore", en particuler en France, ont tôt fait de qualifier de "nationalisme" l'attachement des peuples à leur langue, alors que c'est parfois tout ce qui leur reste pour "faire société" et s'inscrire dans une histoire partagée, eme "Manière de voir". Précisément parce qu'à l'heure de la libre circulation des capitaux, des biens et des services l'existence de société leur apparaît comme un déplorable anachronisme entravant la course planétaire aux profits. Mais gare aux retours de bâton qui, eux, effectivement, peuvent prendre la forme régressive de replis identitaires"...
Ha Bernard Cassen, rener ar gazetenn, a skriv : "Revendiquer un monde pluripolaire, c'est aussi récuser tout langue unique, donc encourager le multilinguisme. Le droit de créer et travailler dans sa langue est un des attributs de la souveraineté populaire, notion qui hérisse les dirigeants des transnationales, des institutions financières, ainsi que leurs porte-paroles et porte-plumes locaux. La bataille des langues, c'est d'abord une bataille pour toutes les langues, y compris, évidemment, l'anglais" : hag evit ar brezhoneg ivez ? Evit yezhoù rannvroel a vro Frans ivez ? M'eus ket gwelet ar reskont barzh ar gelaouenn-se. Petra o deus graet, tud an Diplo, evit skoazellañ ar yezhoù rannvroel e Frans ? Mechal ma ne vehe ket un nebeut "oeillères" get kazetennerion an Diplo war an dachenn-se...
Christian Le Meut
Manière de voir, la bataille des langues, n°97; 7 euros.
11:15 Publié dans Etrebroadel/International, Galleg/français, Politikerezh/Politique, Yezhoù/langues | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Manière de voir, langues, français, anglais