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11/10/2005

Accueillir l’étranger ou périr avec lui

Ils ont tiré. Ils ont tiré à balles réelles sur des personnes désarmées qui tentaient de forcer un barrage mais ne menaçaient personne. Des soldats espagnols et marocains ont tiré. La guerre économique montre ainsi son vrai visage. Elle tue à coup de fusils ceux qui réclament leur seul droit de survie. Jean-Marie Fardeau exprime sa colère, qui est aussi la mienne, dans un texte que vient de publier l'hebdo Témoignage Chrétien.


"Certains jours, la révolte monte en nous. A deux reprises, des militaires, marocains et espagnols - mais leur nationalité importe peu - ont tué des Africains cherchant à se rendre en Europe. L’Espagne expulse ceux qui sont entrés vers le Maroc où ils sont expédiés sans secours dans le désert. On tue donc aujourd’hui des hommes non armés parce qu’ils tentent de franchir la frontière entre l’Europe et l’Afrique ! Révoltant, inacceptable !
Notre société, dans sa grande majorité, assiste à ces assassinats pourtant médiatisés sans réagir. Un cran de plus est franchi dans notre échelle de tolérance. Déjà, l’opinion s’habitue à des expulsions musclées ou aux conditions « d’accueil » lamentables dans la zone internationale de l’aéroport de Roissy. Faudra-t-il qu’un Français sans papiers soit abattu aux Etats-Unis pour que nous nous posions quelques questions sur le lien indispensable entre immigration et droits de l’Homme ?

Ne succombons pas aux sirènes des prophètes de la déferlante migratoire s’abattant sur notre belle Europe !
Primo, « toute la misère du monde » (n’oublions pas qu’il s’agit tout simplement d’êtres humains) n’a pas l’intention de venir en Europe car l’immense majorité ne souhaite pas émigrer et se débrouille tant bien que mal pour survivre au sein de leur propre société. Y aurait-il des millions de Maliens, de Congolais, d’Ivoiriens aux portes de l’Europe ? Non, ceci est un fantasme soigneusement entretenu pour justifier des méthodes militaro-policières qui tiennent lieu aujourd’hui de politique à l’égard des étrangers « pauvres ».


Secundo, ces quelques dizaines de milliers de personnes qui cherchent chaque année à passer d’Afrique en Europe de manière clandestine, n’avons-nous pas les moyens de les accueillir dignement ? Et si, en dernier recours, un retour au pays est décidé, il doit avoir lieu dans des conditions conformes aux droits humains.
Tertio, il ne s’agit pas de nous protéger de la « misère du monde », mais de se donner les moyens de la résoudre. La solution n’est pas une Europe retranchée dans un égoïsme aux relents racistes derrière tranchées et barbelés, et des dispositifs de surveillance sophistiqués qui engloutissent une partie de l’aide au développement.
La solution n’est pas de confier hypocritement le « sale boulot » à l’armée marocaine, ou, comme certains l’envisagent, d’ouvrir des camps pour migrants en Libye ou en Ukraine, où nous viendrions choisir, comme au marché aux esclaves de l’empire romain, les étrangers « utiles ». La mesure est encore jugée choquante par certains pays européens. Pour combien de temps ?

Nous devons assumer le monde dans lequel nous vivons. Il est déséquilibré, inégalitaire, injuste. L’histoire a placé des populations dans des situations de grande précarité. Certains essaient de tenter leur chance dans des pays où ils n’ont pas le droit d’aller. Cessons de leur tirer dessus ! Quel est leur crime ? Etre pauvre ? Etre Africain ? Etre sans papiers ? Etre victimes de passeurs mafieux ? Ne pas être capable de jouer immédiatement en en équipe de France de football ? Ne pas répondre aux « besoins » de nos pays ? L’Europe doit s’organiser autrement. Contrôle aux frontières, sans doute, mais en recevant les gens, en respectant leur dignité et leur humanité. Et surtout, mettre en place des possibilités d’allers-retours en Europe pour y travailler pendant de courts séjours, afin de proposer une alternative au dilemme entre misère au pays et clandestinité en Europe.

Des milliers d’Africains sont probablement déjà morts en Méditerranée et dans le Sahara au cours de ces dernières années. Victimes de la misère, victimes de notre indifférence. Une société qui ne sait accueillir l’étranger, qui le tue brutalement ou à petit feu, périra elle aussi à son tour.
Et puis, au fait, si demain l’étranger c’était nous ?

Jean-Marie Fardeau
Secrétaire général du CCFD

(Article paru dans Témoignage Chrétien du 10 octobre)

10/10/2005

Cauchemar de Darwin : conférences à Douarnenez et Paris

Un documentaire remarquable, "Le cauchemar de Darwin", passe encore en salle. Ce reportage montre la vie quotidienne des habitants de la ville de Mwansa, sur les rives du lac Victoria. L'introduction de la perche du Nil par des pêcheurs britanniques amateurs, friands de ce poisson, a complètement bouleversé l'équilibre écologique du lac et la vie économique de la région. La perche est devenue un produit d'exportation massif mais les autres espèces, qui nourrissaient la population, ont presque disparu. Le témoignage ci-dessous complète celui du film. Il est paru dans le bulletin Pêche et développement, fin 2003. Catherine Lozac’h et Didier Le Pallec, deux journalistes bretons, ont traversé l’Afrique d’Alexandrie au Cap pendant l'été 2003, en train et en bus. Leur traversée passait par l’Ouganda où ils ont rencontré des pêcheurs artisans et l’Association de femmes de pêcheurs.

“Dès le lendemain de notre arrivée nous avons appelé et avons été très bien accueillis” soulignent Didier et Catherine. L’association, très structurée, a été créée il y a une dizaine d’années et a des bureaux à Kampala.
Ils se sont rendus en minibus au port de Katosi, sur le lac Victoria à deux heures de route et de piste de Kampala, où est implantée l’association. Ils y ont passé quatre jours.
Katosi compte “quelques milliers d’habitants” répartis sur un vaste territoire mais avec un port-village. Tous les pêcheurs ne sont pas là en permanence, certains vivent sur des îles parce que les poissons sont assez loin du rivages “depuis que la perche du Nil a éradiqué les espèces locales” note Catherine Lozac’h. De petites îles servent ainsi que camps de base. “Il y a deux types de bateaux dans le village, explique-t-elle. “D’une part les pirogues qui servent à la pêche et d’autre part, les pirogues couvertes qui viennent chercher la pêche”.

Six kilomètres de filets
“Les pirogues, nous en avons vues une vingtaine à Katosi, sont toutes motorisées, ce qui est d’ailleurs un problème parce qu’il faut pêcher suffisamment pour que cela soit rentable : payer l’essence, réparer le moteur. Mais un petit atelier mécanique s’est créé avec quelques hommes qui travaillent. Ce ne sont pas des pirogues creusées dans des troncs d’arbres, mais en planche. Elles doivent bien faire dix mètres de long. Nous avons embarqué une nuit avec deux jeunes pêcheurs, l’un de vingt ans environ, Freddy, l’autre de 15-16 ans, Richard. Généralement, ils pêchent à deux. Ils embarquent six kilomètres de filets. 60 filets de cent mètres qui sont reliés les uns aux autres. Cela fait une bande de filets droit à mailles assez larges qu’ils mouillent dans le lac à la tombée de la nuit et qu’ils commencent à relever en milieu de nuit pour avoir fini au petit matin. Ils pêchent la perche du Nil, il n’y quasiment plus que cela, et le tilapia. Mais nous ne sommes pas parvenus à identifier ce poisson parce que, quand nous sommes allés en bord de mer dans d’autres pays, un poisson s’appelle également le tilapia. Cela ressemble à un nom un peu générique.
Nous avons quitté la plage à 16h30.

Nous avons fait près de deux heures de navigation puis Freddy, le patron, a mouillé les six kilomètres de filet. Richard, le plus jeune, était au moteur, et Freddy mouillait le filet, puis ils ont inversé les rôles. Une fois le filet mouillé, nous sommes retournés sur la bouée de départ du filet. Il était près de 19h, il allait faire nuit, nous avons mangé. Ils ont récupéré des planches qui étaient dans fond du bateau, les ont mis en travers pour faire des lits, avec une natte en bambou par dessus. Nous avions un peu peur du froid et des moustiques mais, finalement, cela a été. Vers une heure du matin, tout le monde debout : ils ont remonté chacun trois km de filet. Ils ont fini au lever du jour, puis on est retourné sur la plage. Cétait grandiose. On n’a pas l’impression d’être en mer, car il y a des îles un peu partout, mais on a vraiment l’impression d’être sur bateau fragile, sans lumières... D’autres pirogues étaient dans les parages. En une nuit les deux pêcheurs ont pris huit perches... Ce qui couvrent à peine les frais.
Les pêcheurs sont payés au pourcentage sur la vente. Mais la pêche n’est pas toujours aussi mauvaise, il y a aussi des histoires de saison, nous sommes tombés dans la plus mauvaise”.
Didier Le Pallec note, quant à lui, l’ingéniosité des pêcheurs: “Tout est récupéré : le lest est fait à partir de petits sachets plastic de lait, qui est vendu sous cette forme en Ouganda et dans beaucoup de pays africains. Le sachet est récupéré ensuite, rempli de sable, bien fermé, attaché, et cela fait du lest. Pour les flotteurs, c’est le même type de sachet, mais avec du liège dedans. Tout les bidons sont réutilisés pour servir de bouées de marquage des filets”.

Une pêche industrielle sur le lac
Les deux journalistes continuent leur description de la pêche artisanale à Katosi : “L’autre type de bateau présent à Katosi, ce sont des pirogues couvertes, des bateaux frigos avec de la glace à bord (mais sans système de réfrigération) qui viennent chercher les poissons sur les îles ou au large, et reviennent pour vendre la pêche à Katosi d’où des camions réfrigérés la transporte à Jinja. Dans cette ville, il y a des usines de transformation.
Le poisson est déposé sur la plage (il n’y a pas de jeté) puis mis sur une plate forme en béton où il est déposé, pesé. C’est une sorte de criée couverte, mais sans mur, où les acheteurs viennent se fournir, puis le poisson est chargé dans les camions. Il y a aussi un petit marché local quant les pêcheurs arrivent encore à pêcher du tilapia, ils le vendent par lot à la criée.
Il y a d’autres flottes de pêche, mais qui ne partent pas de Katosi, il s’agit de pêche industrielle, l’équivalent de chalutiers de chez nous, en Bretagne, qui partent surtout de Jinja. Nous avons vu leurs lumières, la nuit, quand nous sommes sortis avec les pêcheurs. Comme ils pêchent beaucoup au large, ils contribuent à la raréfaction de la ressource”.

La perche ou la vie ?
L’introduction de la perche du Nil dans le lac Victoria, il y a une vingtaine d’années, a eu des conséquences graves sur la vie des habitants. “L’association, explique Catherine Lozac’h, s’est créée parce que la situation devenait intenable pour les pêcheurs, les familles crevaient de faim. Il fallait trouver des solutions alternatives pour rester au village, car la solution n’est pas de venir s’entasser dans les faubourgs de Kampala.
“Les femmes sont devenues armateurs. La pêche fournit un revenu aléatoire mais qui a le mérite d’exister et d’être assez facilement accessible. Le bateau sur lequel nous sommes montés appartient à l’association, qui a quatre pirogues en tout. Huit marins travaillent avec elle.
Le but, malgré tout, est de se désengager de la pêche par le biais des revenus qu’elle apporte, car la pêche est trop aléatoire. Donc, avec l’argent qui vient de la pêche, l’association finance des micros projets pour les femmes, une trentaine actuellement, afin qu’elles montent d’autres activités à revenu plus stables. Beaucoup sont seules avec les enfants. Les maris sont, souvent, décédés du sida, d’autres sont partis. Elles ont recueilli des enfants dont les parents sont morts du sida... La volonté de l’association serait d’aller jusqu’à aider une cinquantaine de femmes, mais il faut pouvoir financer”.

“Aucune perche n’est mangée à Katosi”
L’association fait également des formations pour sensibiliser les gens à créer leurs propres activités : l’une de ces femmes, par exemple, était devenue couturière mais a laissé cette activité à sa sœur pour monter un petit commerce d’accastillage. D’autres activités tournent aussi vers l’agriculture : production de vanille, plantations de bananiers, achat d’une vache pour avoir du lait et le vendre. Le lait permet aussi d’améliorer la nourriture fournie aux enfants parce qu’une des conséquences de l’apparition de la perche du Nil, c’est que ce poisson est très demandé à l’exportation (vers le Kenya, l’Europe, le Japon...). Aucune perche n’est mangée à Katosi.
Quand la pêche a été bonne, les femmes ont de l’argent pour acheter de la nourriture mais, si la marée a été mauvaise, pas d’argent... Et il n’y a pas de variété locale de poisson à acheter à un prix raisonnable. Dans le village, la qualité nutritionnel de ce qui est consommé a baissé depuis l’apparition de la perche du Nil. Ils ne mangent que rarement du poisson ! Le lait permet d’apporter un peu de protéine dans l’alimentation de base. L’apparition de la perche a également engendré également la disparition d’une activité traditionnelle des femmes : sécher et fumer le poisson. Comme il part directement à l’export, il n’est plus traité dans le village... Mais nous avons vu des familles qui fumaient encore le poisson dans des fours en terre. Ce poisson fumé est vendu dans le village ou consommé par les familles. Il a l’avantage de pouvoir se conserver en cas de disette...

Chance ou malchance ?
“J’ai l’impression, dit Catherine, que la pêche en Ouganda se divise en deux parties : les petits pêcheurs comme ceux que nous avons vus, qui ne sont pas très organisés et très à la merci des mareyeurs et, de l’autre, une pêche industrielle, très organisée, avec des capitaux qui ne sont généralement pas ougandais”.
L’apparition de la perche est-elle une chance pour l’Ouganda ou non. Outre ses conséquences écologiques (la quasi disparition des autres espèces), l’invasion du lac pour ce poisson carnivore a eu des conséquences sociales et alimentaires évidentes pour les populations locale. Mais, note Catherine et Denis, “elle a également permis la création d’une filière de pêche à l’exportation qui permet de donner du travail à des milliers d’Ougandais”.

L’Ouganda est un Etat également relativement stable dans cette partie de l’Afrique. Didier et Catherine y ont également rencontré des réfugiés d’autres pays. Mais, notent les deux voyageurs, “Kampala est stable : au Nord il y a les bases arrières de la guérilla soudanaise, à l’Ouest la guerre au Congo rend certaines zones dangereuses, et à l’est, vers le Kenya, il y a des conflits tribaux “. Ils ont également trouvé là un pays vert, comme leur Bretagne, “C’est le seul pays vraiment vert que nous ayons traversé en Afrique; c’est magnifique, la végétation y luxuriante, équatoriale”. Mais surtout, ils gardent en souvenir le dynamisme de la population : “C’est un pays pêchu où les gens ne sont pas résignés”.

Christian Le Meut

Pêche et développement : http://wwwpeche-dev.org

05/10/2005

An Turki en Europa ?

Komzet vez hiriv an deiz ag an Turki. Ar vro se ne vehe ket en Europa, hervez tud zo. Ha perak ta ?
Sonj m’eus ag ur veaj m’eus graet e bro Kosovo, e 1995. Bet oan bet er vro-se, a zo etre Albania ha Serbia, get mignonned din evit en en gavout get tu ag ar vro, Albaned dreist holl. Ur wezh, ni oa bet degemeret en un tiegezh e-lec’h ma veze komzet albaneg get an dud (hag a ouie komz serbeg ivez). Met ar vamm gozh a gomze ur yezh dizhenvel. Goulennet hon eus get he merc’h peseurt yezh oa : turkeg oa, hag honnezh a gomze turkeg ivez... Turkeg e vez komzet en Europa, abaoe pell.
Araok lâret n’emañ ket Bro Turki en Europa, ret eo sonjal ag an istor hag an douaroniezh . An istor da gomans : an Turked zo chomet er broioù balkanik e pad pemp kant vloaz, memestra. N’eo ket netra. An douaroniezh ar lerc’h : hervez tud zo, an Turki n’eo ket en Europa, hag ar Russia ? Al lodenn vrasan ag ar vro-se ‘zo en Azia... Hag, hiriv an deiz, ar Martinik, ar Réunion, ar Guadeloupe a zo en Europa unanvet. Hag an Turki ne vehe ket ?

Emen emañ harzoù Europa ?
Met petra eo an Europa, benn ar fin ? Desket m’eus, eldoc’h-c’hwi marteze, ez eus pemp douar bras, pemp kevandir, er bed : Europa, Azia, Afrika, Amerika hag Australia... Met, hervez ar geriadur galleg Larousse, un “douar bras”, ur “c’hevandir, zo un douar “e c’hellomp treuziñ war droad hep tremen dre mor ebed”. Amerika, Afrika hag Australia zo douareoù bras da vat e c’hellomp treuziñ anezhe war droad... Met Europa ? Emen eman harzoù Europa ? N’eus ket, nemet ar mor Mediterranée marteze, d’ar c’hreisteiz. Met, war zu ar reter, harzoù ebed. Tu zo monet a Vrest betek Pekin, Vladivostok, Hanoï, Singapour war droad pe get an treiñ, hep tremen dre vor ebet... “Eurazia” e vez graet ag an douar bras-se e levrioù zo. Hag ar wirionez zo gete. An Europa n’eo ket un douar bras.
Hervez ar pezh m’eus desket ar mennezhioù Oural ha Kaukaze vehe harzoù Europa : perak an Oural hag ar C’haukaze ? Perak pas ar Pireneoù pe an Alpoù ? Hervez an harzoù se an Tchétchénie emañ en Europa ha pas ar Georgie, nag an Arménie... Ne dalvont ket netra an harzoù se, da ma sonj-me.

Met perak o deus lakaet, hon gourdadeù, harzoù faos evel se ? An Europeaned o deus sonjet, e pad pell, oa an Europa e kreiz ar bed. Ne faote ket dezhe marteze bout keijet, mesket, get pobloù a Vro Sina pe a Vro India, heretik anezhe ouzhpenn !

Ar relijion ?
Ha, neuze, petra eo an Europa mard n’eo ket un douar bras ? Ul lodenn ag ar bed get un istor hag ur sevenadur da vat ? N’eo ket sur. Istor Finland hag hani bro Spagn pe Gresia zo dishenvel bras. Ar yezhoù ivez zo dishenvel bras. Petra a chom ? Ar relijion ? Gwir eo, kristenion a orin int, tud a chom en Europa, dreist holl, abaoe pell : met katoliked d'an tu, protestanted d'an tu all, pe ortodoxed c'hoazh, ha katared gwezhall... Met n’eo ket trawalc’h, d’am sonj. Protestanted ha katoliked a zo kristenion anezhe, hag o deus en em gannet meur a wezh, en Iwerzhon ha Yougoslavia, da skouer...
Met, abaoe hanter c’hant vloaz breman, Europa zo ul lec’h hag un dra resis : stadoù a labour asambles evit bout krenvoc’h. Ha, tamm ha tamm, kresket he deus Europa unanet. Get lezennoù evit ober war dro an ekonomiezh, diwall doc’h an natur, doc’h gwirioù mab den, gwirioù ar merc’hed, ar pobloù ha sevenadurioù "bihan", ha c’hoazh. Ur raktress politikel eo, benn ar fin, Europa. Ha, mard int a-du an Turked da respetiñ lezennoù Europa, perak ne vehent ket degemeret en Europa unanet a benn dek pe ugent vloaz ? Labour zo gete c’hoazh evit lakaat o pro da vout un demokratelezh da vat... Sur eo, ha plas an arme ‘zo re vras c’hoazh er vro-se...
Met, mard a ya araok an Turki war an tachennoù- se, perak nompass degemer ar vro-se en Europa un deiz bennak ?

Christian Le Meut

04/10/2005

La Turquie, pas en Europe ?

Le débat sur l’admission ou non de la Turquie dans l’Union européenne m’a rappelé une rencontre faite lors d’un voyage au Kosovo. Le Kosovo est en Europe, entre l’Albanie et la Serbie. J’y suis allé en 1995 avec des amis et, un jour, nous avons été accueillis par une famille dans la ville de Prizren, au sud du Kosovo. Cette famille albanaise parlait donc l’albanais et nous communiquions en anglais avec la jeune femme qui nous avait invités. Mais la mère de celle-ci, la grand-mère donc, parlait une autre langue, inconnue de nous. Le turc, langue quotidienne dans cette famille. Cette langue est encore parlée dans ce coin de l’Europe depuis des siècles. La Turquie ottomane a occupé le Kosovo et les Balkans pendant environ cinq siècles, pas moins...

Avant d’affirmer, comme le font certains opposants à son entrée dans l'Union européenne, que la Turquie n’est pas géographiquement en Europe, il faudrait peut-être repenser nos façons de voir l’Europe. Vous avez sans doute appris à l’école, comme moi, que la Terre compte cinq continents : Asie, Europe, Afrique, Amérique et Océanie... Mettons. Mais, si je lis bien la définition de ce qu’est un continent dans mon dictionnaire Larousse, je découvre ceci : “Vaste étendue de terre que l’on peut parcourir sans traverser la mer”. La définition correspond à peu près pour l’Australie, l’Amérique et l’Afrique, mais pas pour l’Europe et l’Asie... Qui ne font qu’un ! On peut les parcourir de Brest à Pékin, de Lisbonne à Vladivostok, sans traverser aucune mer.

Un "continent européen" ?
Le “continent” européen, d’un point de vue géographique, est une vue de l’esprit. Certains atlas utilisent d’ailleurs le nom Eurasie pour définir ce vaste continent qui va de Brest à Hanoi. Et c’est eux qui sont dans le vrai.
Nous avons appris que l’Oural et le Caucase sont les frontières Est de l’Europe... Mais au nom de quoi ? Pourquoi pas les Pyrénées ou les Alpes ? D’après ces frontières virtuelles la Tchétchénie se trouve donc en Europe, mais pas l’Arménie ou la Géorgie voisines... Si la Turquie n’y est pas, la Russie y est-elle ? La majeure partie de la Russie est hors de l’Europe. Par contre la Guadeloupe, La Réunion, La Martinique, Mayotte, la Guyane sont dans l’Union européenne. On y paye ses achats en euro... Et la Turquie ne pourrait pas entrer dans cette Union ?
Les frontières de l’Europe géographique n’en font pas un continent. Pourquoi nos ancêtres les ont-elle inventées, alors? Parce qu’ils pensaient, peut-être, être le centre du monde ? Pour ne pas se mélanger avec ces populations hérétiques qu’étaient les Arabes, Turcs et autres Chinois ? Peut-être aussi pour s’auto-persuader que l’Europe est réellement un continent, avec sa propre entité, sa propre unité... Sa propre supériorité ?

Quelle unité européenne ?
Mais qu’est-ce que l’Europe, si elle n’est pas géographique ? Un patrimoine historique ? L’histoire de la Finlande et celle de l’Espagne n’ont sans doute pas grand chose en commun. Linguistique ? Là aussi la diversité est de rigueur... Religieuse ? Certes, l’histoire européenne est marquée par le christianisme (catholique, orthodoxe, protestant, mais aussi cathare, etc), mais le judaïsme et l’islam y ont aussi eu leur place, ainsi que l’athéisme et les religions pré-chrétiennes, celtes, romaines, grecques... Et puis l’on constate également que les Chrétiens entre eux savent très bien se faire la guerre comme l’ont démontré les Irlandais du Nord, les Serbes et les Croates, ces dernières décennies, ainsi que les multiples guerres de religion qui parsèment l’histoire européenne...

Un projet politique
Alors, quelle unité ? Politique ? Non, républiques et royaumes se côtoient... Démocraties et dictatures aussi.
Mais depuis 50 ans cependant, l’Europe signifie quelque chose. Des Etats démocratiques se mettent ensemble pour bâtir un espace économique mais aussi politique. Ils élaborent des lois sur le commerce, sur la monnaie, les droits de l’Homme, l’environnement, les conditions de travail. L’Europe prend corps et, depuis tout ce temps, elle a maintenu la paix en son sein (mais elle n'y est pas forcément parvenue dans les Balkans)... Alors pourquoi ne pas accueillir, même dans dix ou vingt ans, la Turquie si ce pays accepte de respecter les règles européennes ? S’il avance dans le respect des droits humains, s’il aménage les droits de ses minorités que sont, notamment, les Kurdes ? Certes, l’armée turque a encore une trop grande place dans les institutions turques, les droits de l'Homme et de la Femme n'y sont pas encore garantis, mais ce pays modifie ses lois, depuis des années, pour correspondre au cadre européen, aux lois de l'Union européennes. La situation peut évoluer dans un sens positif et la Turquie peut entrer dans l’Union européenne.
Cela dépend aussi de nous.
Christian Le Meut

02/10/2005

Langues régionales : l'urgence d'un changement

Les récentes déclarations de Patrick Le Lay sur la Bretagne et la langue bretonne m'ont incité à rééditer cet article écrit au début de cette année pour la rubrique "J'ai fait un rêve" de la revue Alternatives Non-violentes, mais non publié parce que trop long... Ce texte est donc uniquement en français. Bonne lecture et n'hésitez pas à commenter !

1998, la France signe la charte européenne des langues minoritaires... Vous avez bien lu : 1998. Il ne s’agirait donc pas d’un rêve, mais d’une réalité, et bien non. Contrairement à presque presque tous les autres Etats de l’Union européenne la France n’applique toujours la charte européenne des langues minoritaires... Les langues bretonne, basque, corse, alsacienne, occitane, catalane, flamande, n’ont toujours pas de statut officiel en France, ni les langues parlées dans les Dom-Tom.

La charte européenne des langues minoritaires a été signée par Lionel Jospin, alors premier ministre mais renvoyée par Jacques Chirac devant le Conseil constitutionnel qui a déclaré cette signature non conforme à la Constitution. Et depuis, rien. Si, 20.000 personnes (1) dans les rues de Rennes, en mars 2003 pour demander cette ratification et la modification de la Constitution qu’elle implique. Dans l’indifférence totales des médias nationaux...

“Ne gomzan ket mui breton bemdez...”
“Ne gomzan ket mui breton bemdez, memes ar re gozh a gav gwell komz galleg etreze breman. Met me, me vourra muioc’h komz breton evit galleg” : “Je ne parle plus breton tous les jours, même les anciens préfèrent parler français entre eux aujourd’hui. Mais je préfère parler breton que parler français”... Ainsi s’exprime Germaine, une femme de Crac’h, commune du Morbihan, près d’Auray. Âgée de 68 ans, elle a appris le breton à la maison, dans son village, et le français à l’école, où sa langue maternelle était interdite. Ce cas est extrêmement fréquent parmi les Bretons d'origine rurale de sa génération.

Si Germaine n’a plus l’occasion de parler chaque jour, elle peut encore écouter la radio ou regarder la télé. Oui mais voilà, les médias publics lui proposent une émission d’une heure à la télé le dimanche (à la même heure que la messe!) et cinq minutes d’actualité chaque jour... Dans le Morbihan, seule une radio associative, mais subventionnée par la région, le département et l’Etat, propose des programmes breton-français. Dans la presse : un reportage par semaine dans le quotidien Le Télégramme, une leçon de breton le dimanche dans Ouest-France...

10.000 bretonnants meurent chaque année
Chaque année, 10.000 personnes bretonnantes de langue maternelle meurent. Il reste aujourd’hui environ 250.000 personnes capables de s’exprimer couramment dans cette langue contre 1.200.000 en 1945. Il s’agit surtout de personnes âgées. 9.000 enfants sont scolarisés;en 2004-2005 dans les filières bilingues créées depuis 25 ans par les parents : bilingue public, bilingue privé et écoles associatives (gratuites et laïques) Diwan.

La pédagogie par immersion (100 % en breton au départ) a motivé le refus d’intégration de Diwan dans l’Education nationale par le conseil d’Etat en 2002, malgré le soutien du ministre de l’Education de l’époque, Jack Lang. Pourtant, Diwan existe depuis 25 ans et les résultats de ses élèves sont plutôt supérieurs à la moyenne... Bizarre non ? Pendant des décennies des dizaines de milliers de Bretons ont intégré l’école française (publique ou privée) sans connaître un mot de français, ont été immergés dans une langue qui leur était étrangère, mais cela n’a guère posé de problème de conscience aux élites françaises. Dans le sens contraire, cela semble en poser... Car si les citoyens français sont égaux en droit (censément), ce n’est pas le cas des langues parlées sur le territoire de la République française et cette inégalité de traitement revient, finalement, à une inégalité citoyenne.

Passer de deux langues à une : un progrès ?
De mon côté, mes grands-parents étaient bretonnants de langue maternelle. Mais ils avaient bien compris que le français étaient la langue de la promotion sociale (toute les institutions le leur assénaient). Le breton était (et est encore), stigmatisé comme arriéré et inférieur. Beaucoup de Bretons ont intégré ce regard méprisant et colonial posé sur leur propre langue. Objectif des autorités : éradiquer les langues “régionales”. Elles y sont (presque) parvenu, refusant de signer, par ailleurs, certains textes internationaux de protection des minorités linguistiques (2). La transmission familiale ne se fait quasiment plus et les enfants qui apprennent le breton aujourd’hui le font à l’école... Mes grands-parents parlaient donc couramment deux langues dans leur vie quotidienne. Mes parents et moi en parlons une seule.
C’est le progrès, sans doute.

Depuis mon retour en terre bretonne, en l’an 2000, j’ai appris le breton, et je continue d’apprendre. Pour moi, c’est aussi une résistance non-violente face à un arbitraire d’Etat. Je n’ai jamais pu admettre l’attitude e la République française qui, à mes yeux, trahit ses propres valeurs en agissant ainsi; ni celles de beaucoup de Bretons eux-mêmes qui, dans leur grande majorité, se sont soumis à l’autorité. Ils n’ont pas pris conscience, ou pas voulu prendre conscience, de la perte culturelle que représente l’abandon de leur langue maternelle, parlée depuis 1.500 ans dans cette partie ouest de la Bretagne. Perte culturelle pour eux-mêmes, mais pour l’humanité entière car une langue qui disparaît est une part de notre richesse culturelle mondiale qui meurt.

Un préfet du Morbihan écrivait en 1831 : “Faire mourir une langue, c’est faire disparaître une individualité de la famille des nations ; c’est détruire une système d’entendement, un caractère national, des moeurs, une littérature. La philosophie et la morale condamnent également cet espèce de meurtre”. Ce préfet n’a pas été entendu. Quant au meurtre en question, un mot a été inventé depuis pour le qualifier : “ethnocide”.

Environ 6.000 langues parlées dans le monde
Un livre publié l’année dernière, “Ces langues, ces voix qui meurent” (3), établit un parallèle intéressant entre la perte de la diversité biologique et la disparition des langues. Environ 6.000 langues sont parlées actuellement dans le monde. La moitié est menacée de disparition dans le siècle actuel. Beaucoup ne sont plus parlées que par quelques individus (langues aborigènes d’Australie, d’Amérindiens du Nord ou du Sud, d’Afrique). Le breton est classé parmi les langues menacées par l’Unesco.

Notre mode vie actuel tend à une uniformisation culturelle rapide vers le modèle étasunien (pour aller vite). Les défenseurs de la langue française qui, parfois, combattent les arguments des partisans des langues dites régionales, ne voient pas que ces derniers défendent une vraie diversité culturelle vivante. Quand la République française, par la voie du président Chirac en particulier, défend “l’exception culturelle”, elle ne défend en fait que la langue française, pas les autres. Les autorités se gardent bien de promouvoir la diversité linguistique à l’intérieur de l’Hexagone.

En Bretagne, l’oppression linguistique a été mise en place depuis environ deux siècles. La royauté avait bien instauré le français comme langue officielle, mais sans chercher à l’imposer à tous les sujets. Au XIXe déjà, des débats ont lieu sur l’intérêt de l’emploi du breton à l’école, notamment pour enseigner le français aux masses bretonnantes... Mais la voie du bilinguisme n’a pas été choisie. C’est l’unilinguisme qu’ont imposé les élus, notamment dans l’Education nationale. Interdit de parler breton à l’école sous peine d’humiliation. Interdit d’enseigner le catéchisme en breton, sous peine de représailles administratives pour les prêtres. Impossibilité de monter dans l’ascenseur social avec la seule langue bretonne...

Une opposition diverses, mais constante
L’opposition à cette politique s’est manifestée sur le terrain politique, éducatif et religieux. Depuis le début du XXe siècle, des élus et organisations politiques demandent l’introduction du breton à l’école. Peine perdue. Cette cause était alors soutenue par des mouvement régionalistes proches de la droite monarchiste et catholique. Mais, à gauche, des instituteurs ont créé le mouvement Ar Falz dans les années 30 pour promouvoir le breton dans les écoles laïques. L’église catholique, de son côté, soutient l’usage de la langue bretonne pour éviter la contamination des idées républicaines ! Et puis l’abandonne quand elle sent que cela ne sert plus ses intérêts...

Juste avant la Seconde guerre mondiale, et dans les années 50, des élus reviennent à la charge, dont René Pleven (qui fut chef du gouvernement sous la IVe république). En 1953 une première loi autorise des cours facultatifs de langues régionales dans les établissements secondaires publiques. Première avancée, mais insuffisante. Face aux changements rapides de société, au déclin de la vie rurale, à l’urbanisation, le breton régresse rapidement. Aucune place ne lui est faite, quasiment, dans les médias publics. Il faut attendre les années 80 pour voir apparaître des radios associatives bilingues, ou unilingues en breton. Idem pour les écoles. A chaque fois, ce sont des groupes de citoyennes et citoyens qui se mobilisent, relayés par une partie des élus locaux. Ils veulent le bilinguisme et le construisent à leur niveau : primaire, secondaire, universitaire. Mais l’absence de reconnaissance officielle de la langue, et le manque d’environnement en breton (médias), entravent leur action.

L’erreur de la collaboration et de la violence
La vigueur d’autres pans de la culture, comme la danse, la musique, ne rejaillit pas forcément sur la pratique de la langue. Ce sont parfois des mondes qui s’ignorent... La langue bretonne apparaît, pour beaucoup de Bretons, comme dépassée, comme une langue dont ils approuvent théoriquement l’existence, comme un patrimoine, mais qu’ils ont renoncé à parler. Deux épisodes historiques n’aident pas à clarifier le débat : la collusion d’une grande partie des mouvements bretons avec l’occupant allemand pendant la seconde guerre mondiale (certains mouvements avaient déjà viré fascistes dès les années 30). Mais la collaboration massive de l’appareil d’Etat français avec les Allemands à cette époque, discrédite-t-elle la langue française ? Des grammairiens ont continué de travailler à l’unification de la langue bretonne pendant l’occupation, certes... Mais l’Académie française a-t-elle arrêté ses travaux pendant cette période ? Aucune institution française n’a, à ma connaissance, arrêté ses activités sous l’occupation...

Et puis il y a les périodes de revendications violentes des années 60-70 des FLB-ARB (Front de Libération de la Bretagne, Armée révolutionnaire bretonne). Ces groupuscules, soutenus par une minorité de la population, jugeaient légitime de recourir à l’action violente pour faire valoir les droits culturels et politiques des Bretons. Certains revendiquaient l’indépendance. Le recours à la violence n’est approuvé que par une minorité de la population bretonne. Il m’est arrivé cependant plusieurs fois cependant d’entendre cette phrase : “Si nous faisions comme les Corses, nous obtiendrions plus de chose”. Et il est vrai que, actuellement, l’offre d’enseignement de la langue corse est pratiquement généralisée, ce qui est très loin d’être le cas ici. L’offre en langue bretonne régresse même dans le secondaire. Les promesses faites par les ministres passent, et chaque rentrée réserve son lot de classes bilingues non-ouvertes malgré les demandes à cause du manque d’enseignants formés, de crédits, etc. Quant aux filières optionnelles, elles ne sont pas mieux loties.

Le centralisme jacobin menacé
L’Etat républicain semble parfois être plus à l’écoute des manifestations violentes que des manifestations non-violentes. Ainsi, il encourage la violence. Car si la démocratie est la loi de la majorité, elle est aussi l’aménagement du droit des minorités. Faute de quoi elle risque de devenir une dictature majoritaire en contradiction avec l’esprit et la lettre des droits de l’Homme.

La signature et l’application de la Charte européenne des langues minoritaires donneraient une reconnaissance et une légitimité aux langues régionales. La non-reconnaissance, au contraire, donne des arguments aux organisations hostiles à la République française, minoritaires mais agissantes. Le modèle français s’est construit sur un schéma communautaire : une seule langue, un seul peuple, une seule histoire, une seule organisation politique centralisée pour tout le territoire métropolitain... L’existence des langues régionales, et le fait de les parler, n’est pas une menace en soi pour la République française. Ce que la signature de la charte européenne, ou l’intégration de Diwan, menaceraient, par contre, c’est un modèle français uniformisant et un centralisme jacobin exacerbé.

La différence linguistique : une “sauvagerie ?”
“Qu’on vous soit différent suppose/par obligation qu’on ait tort” chantait Maxime Le Forestier (4) dans les années 70. La France des droits de l’Homme a bien du mal à intégrer les différences, et cela ne date pas d’aujourd’hui. “La différence linguistique condamne l’Autre à être le sauvage” (5). Suis-je un “sauvage” quand je parle ou j’écris en breton ? J’en ai l’impression parfois, dans le regard ou les réflexions de certains de mes amis, ou de relations.

Pourtant l’apprentissage et la découverte de la langue bretonne est un passionnant parcours de connaissance linguistique, littéraire, mais surtout humain. Le fait de parler, écrire, lire, le breton, m’oblige aussi à ouvrir les yeux et à être le témoin d’un processus triste : la mort possible d’une langue. Que faut-il faire pour sauver le malade ? Le conseil régional, pour la première fois, vient de lancer un plan de sauvetage de la langue. L'actuel président, Jean-Yves Le Drian (PS) a fait beaucoup de promesses dans ce domaine lors de la campagne électorale.

L’application de la charte européenne des langues minoritaires par la République française fait aussi partie des remèdes (mais ce n’est pas le seul). Elle aiderait aussi la communauté nationale française à changer. A porter un autre regard sur ses minorités linguistiques. A approfondir le droit à la différence dans le respect de la République française et européenne. Cette Europe ou tant de langues dites “régionales” (le gallois, l’écossais, le galicien, le catalan, le basque...) ont désormais un statut officiel. Mais un grand village gaulois, replier sur lui-même, résiste encore.

Christian Le Meut

(1) A l’échelle de la France, cela aurait représenté 300.000 manifestants...
(2) La France n’a pas ratifié l’article 27 du pacte international sur les droits civils et politique, ni l’article 30 de la convention des droits de l’enfants, ni la convention cadre européenne sur les minorités nationales, ni donc la charte européenne des langues minoritaires...
(3) “Ces langues, ces voix qui disparaissent”, Daniel Nettle-Suzanne Romaine, ed. Autrement, 19 €.
(4) Chanson “La vie d’un homme”
(5) “Ces langues...”, p. 63.


Suggestions de lectures :
- “Linguistique et colonialisme”, Louis-Jean Calvet, petite bibliothèque Payot, 2002.
- “Halte à la mort des langues” (2002), et “Le souffle de la langue, voies et destins des parlers d’Europe” (1992), Claude Hagège, éditions Odile Jacob.
- “Le français, histoire d’un dialecte devenu langue”, R. Anthony Lodge, Fayard, 1997.

16/09/2005

Kentelioù brezhoneg war TF1 a-benn nebeut ?

An aotrou Le Lay zo bet aterset get ar gelaouenn nevez anvet “Bretons”, niverenn miz Gwenholon mañ... “N’on ket Gall eme Patrick Le Lay, me zo Breton. Un estranjour on me pa z’on e Frans”... Ha pennrenour TF1 da lâret ivez traoù kriz a ziout Frans hag ar brezhoneg. Hervez Patrick Le Lay ur “génocide culturel” zo bet graet get Frans a enep hor yezh... “Sevenadur Breizh n’en deus ket droad da vout”, a lâr ivez Patrick Le Lay. Kazetennoù zo, evel Libération pe Le Monde, deus embannet un lodenn ag ar pezh lâret get Le Lay, met hep monet pelloc’h...
Neuze Patrick Le Lay en em senta Breizhad ha pas Gall, e zoare da welled an traoù. Droad en deus da lâret an dra-se ma faota dezhan... Me, en em sentan Breizhad ha Gall, hag European, ha mab den, hag ur bern traoù all. Gwir eo lâret : Stad Gall n’eus klasket lazhiñ ar brezhoneg hag ar yezhoù rannvroel all, dre ur bochad lezennoù. Met ur Stad zo un dra; ur bobl, ur sevenadur, un istor, ur yezh zo traoù all. Evidon me, bout Gall ne dalv ket bout a du get razh ar pezh graet abaoe kantvedoù get ar Stad gall hag get ar Frañsision met bout mab un istor mesket, keijet, etre Frans, Breizh, Europa, ha c’hoazh...

“Génocide pe ethnocide ?”
An aotrou Le Lay a gomz ag ur “genocide culturel”. Ne gavan ket just ar ger se “génocide” evit diskouez ar pezh a vez graet e Breizh hiziv an deiz c’hoazh. Ur genocide zo un dra all, pa a glask ur gouarnamant (pe ur gallout bennak) lazhiñ ur bobl, pe ul lodenn ag ar bobl evel ar Juifed en Alamagn, an Tutsi e Rwanda (met ivez an Hutu ne oant ket a-du get ar gouarnamant) hag an Armenied e Turkia... Krizoc’h eo, memestra. Ni, Bretoned, omp chomet bev evit stourm, resistiñ, en em sevel ma faota deomp-ni, deskiñ ha komz brezhoneg daoust d’al lezennoù gall. Klasket eo bet get ar Stad lazhiñ ar yezhoù rannvroel, sur eo, met ur ger e galleg evit an dra se : “ethnocide”. Da lâret eo klask lazhiñ ur sevenadur hep lazhiñ an dud.
Traoù gwir zo bet laret neoazh get Patrick Le Lay d’ar gelaouenn Bretons. Met re bell a ya getan, d’am sonj. Ha n’on ket sur e vimp komprenet gwelloc’h e Paris goude bout lâret an traoù mod-se getan..
Dipited eo bet renour TF1 get TV Breizh. Gwir eo lâret n’eo ket bet sikouret kalz TV Breizh get ar CSA, conseil supérieur de l’audiovisuel a gaos ma oa ur chadenn skinwell a Vreizh, ur chadenn “kommunotarist”... TV Breizh oa, e penn kentañ, un tele a galite get traoù e brezhoneg ivez. Nebeutoc’h a galite ha nebeutoc’h a vrezhoneg a zo bremañ, met sellet vez ar chadenn se get muioc’h a dud e Frañs a bezh...
Abaoe c’hwec’h vloaz savadurioù, embregerezhioù ha studioioù zo bet savet, tud zo bet gobret, argant zo bet dispignet get Le Lay hag e vignonned evit sevel amañ, e Breizh, abadennoù skinwell... Hag o deus gounezet argant, ar re se ? N’eo ket sur. Met, a-gres dezhe, doublet vez filmoù, tresadennoù bev, rummadoù filmoù ar pezh a gont evit ar re yaouank a zesk brezhoneg hiziv an deiz.


Sikouriñ Kaka Kola ?
Met diaes eo kompreñ an aotrou Le Lay memestra. Hennezh zo e penn ar chadenn TFunan... Ar chadenn skinwell spontusan e Frans (get M6). Daou vloaz zo, Patrick Le Lay n’doa lâret a oa micher TFunan, lakaat pennoù an dud da vout dijapl evit ar pub, ar vruderezh ! Sikour Kaka Kola da werzhiñ he evajoù, nag ur pal sevenadurel ! D’am sonj-me, TF1 a lak an dud da vout sotoc’h. Amouediñ ar bobl a zo he fall, evit gwerzhiñ konerioù..
Moian zo kinnig traoù a galité d’an dud, skignañ filmoù hag abadennoù bourrus ha kentelius. Met petra vez graet get TFunan : filmoù breiñ evel Dolmen ! Daouzeg million euro fondet evit an Dolmen milliget-se ! Hag e vez graet reportajoù ha filmoù geti evit diskouez buhez pemdeziek an tud ? Ya, get Yann-Ber Pernot da greisteiz: traoù kozh, traoù folklorel a blij dezhan, sur awalc’h... Ur vro liessevenadurel eo Bro Frans abaoe pell met penaos ‘vez diskouezet an dra-se war TFunan ? Folkloroù ne lâran ket. Hag ar re zu, ar re ginnidig ag ar Vaghreb, penaos e vez diskouezet ar re se war TF1 ?
Labour zo ganeomp amañ, e Breizh, aotrou Le Lay, evit lakaat ar brezhoneg da vonet araok. Met labour zo ganeoc’h ivez. Perak nompass kinnig kentelioù euskarreg, okitaneg, elzasianeg, war TF1 ? Diskouez d’ar Fransision emañ bew hor yezhoù, ar pezh n’eo ket anavet get kalz dud e Frans... Ma faota deoc’h gopriñ ur c’helenour brezoneg unan a feson zo war Radio Bro Gwened, Albert. Sonjit ta, ne vehe ket fall, ur gentel brezhoneg etre Stareak Akademi ha Kaoc’h Lanta !
Christian Le Meut

11/09/2005

Bientôt un cour de breton sur TF1 ?

M. Patrick Le Lay, P-D.G de TF1, a fait de déclarations fracassantes au magazine “Bretons” de ce mois de septembre, accusant la France de “génocide culturel” à l’égard de la langue bretonne. Il a déclaré également ne pas être “Français mais Breton” et se sentir “étranger quand il est en France”... Patrick Le Lay ne parle pas la langue bretonne que parlait son grand-père de Loctudy dans le Finistère. “Je ne parle pas la langue de mon grand-père” dit-il, et pourtant je n’ai pas quitté mon pays"... Et le PDG de TF1 de parler de “terrorisme intellectuel”... “Il n’y a pas plus grand crime contre l’humanité, en dehors de tuer les gens, que de tuer leur langue”, rajoute-t-il...
Ces déclarations ont été reprises brièvement par quelques journaux, comme Libération et Le Monde, qui n’ont, pour l’instant, pas cherché à aller plus loin à ma connaissance. TF1, et LCI, ont-elles repris les déclarations de leur patron?

Du bilinguisme à l'unilinguisme : merci la France !
Si un grand-père de M. Le Lay parlait breton, ce sont, en ce qui me concerne, mes quatre grands-parents qui avaient le breton pour langue maternelle, tout en sachant le français également. Nous n’avons, nous non plus, pas quitté notre pays, attachés à la Bretagne comme des berniques à leur rocher. Pourtant presque plus personne ne parle breton dans la famille. En deux générations, nous sommes passés du bilinguisme breton-français à l’unilinguisme : c’est ça le progrès républicain ? La transmission ne s’est pas faite et le “terrorisme intellectuel” dont parlait Patrick Le Lay est passé par là... La situation de M. Le Lay, nous sommes de centaines de milliers à la vivre en Bretagne; un peu exilés de l’intérieur. Car c’est bien notre langue d’origine que l’on nous a coupée, avec tout son contenu historique, humain, affectif, toute une façon de voir le monde et de l’exprimer que l’on nous a volée, oui, volée, et que les institutions françaises nous ont, trop longtemps, interdit d’approcher. Durant mon enfance je n’ai que très peu entendu parlé breton : aucune place à l’école, des miettes dans les médias. Une exclusion généralisée, officielle.

Génocide ou ethnocide ?
Pour autant, l’expression de “génocide culturel” me gêne. Ce terme est utilisé souvent, certes, mais il correspond à la définition d’un autre mot, “ethnocide”. On supprime une culture sans supprimer la population qui la portait... “Ethnocide” est moins fort que “génocide”, mais il est plus juste dans la situation de la Bretagne, à mon avis. moins “choc”, mais moins porteur d’ambiguités. Les génocides sont perpétrés par des gouvernements, des pouvoirs en place, en vue de supprimer tout ou partie de leur population : les Juifs et les Tziganes par les nazis; les Tutsis et les Hutus démocrates par la dictature rwandaise en 1995; les Arméniens par la dictature turque il y a un siècle; les Cambodgiens que les Khmers rouges voulaient rééduquer... Assimiler ces massacres de grandes envergures aux politiques délibérées d’élimination d’une langue où personne n’est tué (quasiment), n’est pas juste et ne sert pas à décrire précisément ce qui se passe ici, en Bretagne, encore aujourd’hui. Mes quatre grands-parents sont morts de mort naturelle, et j’ai pu en connaître deux. C’est quand même mieux que s’ils avaient tous fini dans les chambres à gaz !
Cela dit, aucun Etat, surtout s’il se prétend démocratique, n’a le droit de pratiquer un ethnocide, de vouloir supprimer une ou plusieurs langues parlées sur son territoire. Les textes internationaux concernant les droits de l’Homme sont clairs là-dessus... Mais la France s’est bien gardé d’en signer certains...

TV Breizh boycottée par le CSA
Je partage probablement une colère proche de celle de Patrick Le Lay par rapport à ce que la République française a fait contre la langue bretonne et contre les autres langues régionales. Mais je constate que la situation évolue un peu depuis vingt ans et, malgré tout, l’Etat finance aujourd’hui l’enseignement du breton dans les écoles bilingues, même s’il le fait à reculons... La pression vient d’en bas car, en haut, la République française ne se résout toujours pas à ratifier et appliquer la Charte européenne des langues minoritaires, signée par Jospin en 1998, mais retoquée par le Conseil constitutionnel.
Cette même colère peut m’aider à comprendre aussi le point de vue d’autres hommes en colère envoyés devant les tribunaux. Mais il faut dénoncer clairement la violence et le terrorisme, ce que fait Patrick Le Lay. Il a lui même montré que l’on peut faire avancer les choses pacifiquement en créant TV Breizh. Son amertume et sa colère viennent sans doute aussi du fait que cette télévision de qualité n’a obtenu aucune autorisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Aucune. Ni pour la TNT, ni pour des fréquences hertziennes locales comme à Nantes, alors même que des millions étaient investis pour créer, en Bretagne des studios et sociétés de production. TV Breizh a réduit sa part bretonne; elle a baissé en qualité et augmenté en audience sur l'ensemble de la France. Les sociétés audiovisuelles installées ici ont bien du mal à se maintenir mais l’outil de production est bien là. Des dessins animés, des films et des feuilletons ont été doublés en breton, ce qui est très important pour les jeunes générations qui apprennent la langue et auxquelles France 3 apporte trop peu d’émissions en breton...


On enterre bien Malraux
Je ne doute pas une seconde de la sincérité des propos de M. Le Lay concernant la langue bretonne, mais ils auraient beaucoup plus de portée et de crédibilité si TF1 ne véhiculait à travers ses émissions des valeurs très contestables comme la compétition permanente, l’attachement servile aux apparences, l’absence de curiosité intellectuelle, le divertissement permanent au détriment de la formation personnelle et citoyenne. André Malraux considérait la télévision comme, je cite “un instrument de partage culturel”... Quelle sorte de culture partage TF1 ? Et quelle image de la France véhicule cette chaîne et notamment le journal télévisé de Jean-Pierre Pernault ? Une France très folklorique et folklorisée. Cette chaîne est loin de montrer la diversité culturelle sur laquelle la France a été bâtie, de la Corse au Pays Basque en passant par l’Alsace, la Normandie et la Franche Comté; elle est loin aussi d’en montrer la diversité actuelle avec toutes les populations issues de l’immigration...

Si au moins, TF1 avait fait prendre conscience aux millions de Français et Français qui l’ignorent que les langues régionales sont des langues encore parlées, encore vivantes, les déclarations de M. Le Lay seraient cohérentes avec sa pratique. On en est loin ! M. le P.-D.G. de TF1 pourrait glisser un cour de breton dans sa grille d’émissions. Imaginez donc avec moi, M. Le Lay, cinq minutes de breton entre la Star réac academy et Kaoc’h* Lanta, ça remonterait le niveau intellectuel de vos émissions, non ?

Bon, pour ce qui est l’audience, c’est moins sûr !

Christian Le Meut

* Kaoc'h : pour celles et ceux qui n'auraient pas de dictionnaire de breton à la maison (il y en a un sur le net), mot en cinq lettres commençant par M...e

06/09/2005

La Marseillaise obligatoire à l'école : "Aberrant et monstrueux"

L'Alliance Fédéraliste Bretonne (AFB - Emglev Kevredel Breizh), Bemdez, Breizh 2004, Le Collectif Breton pour la Démocratie et les Droits de l'Homme (Galv Karaez - Appel de Carhaix), Dalc'homp Soñj, Le Réseau des Bretons de l'Extérieur (RBE - Rouedad Bretoned an Estrenvro), et l'Union Démocratique Bretonne (UDB) "s’indignent de la décision, confirmée et précisée par la circulaire de rentrée publiée le mercredi 24 août, d’introduire dans l’enseignement d'éducation civique l’apprentissage obligatoire de l’hymne français et de son histoire.
L'enseignement des symboles de l’Etat français était certes déjà inclus dans les programmes officiels du primaire depuis 2002, mais les paroles de l'hymne n'étaient cependant pas systématiquement apprises jusque là (on notera d’ailleurs que, dans nombre d’Etats tels le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas ou l’Espagne, il n'existe aucune obligation de ce type).
Nos associations et formations politiques considèrent qu’il est aberrant et monstrueux que ce chant cocardier, aux paroles de violence et de haine renvoyant aux plus sanglantes périodes de l'Histoire et du colonialisme (« …Qu’un sang impur abreuve nos sillons… », « …Quoi, ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers… », «… S’ils tombent, nos jeunes héros, la France en produit de nouveaux, contre vous tout prêts à se battre… », «… Amour sacré de la Patrie, conduis, soutiens nos bras vengeurs… », «… Que tes ennemis expirants voient ton triomphe et ta gloire… ») puisse être enseigné à de jeunes enfants ! Cet hymne ne présente d’intérêt que pour les historiens et ne saurait constituer un vecteur de paix et de respect des Droits de l'Homme.
Nos organisations ne peuvent que se déclarer vivement inquiètes face à une décision, qui, après le vote de la loi sur « la présentation positive du colonialisme », traduit la volonté de colorer les programmes d’enseignement d'un nationalisme exacerbé.
Nous agirons pour que la Bretagne, terre de tolérance, de paix et d’ouverture sur l’Europe et le monde, soit épargnée par les délires chauvins de Fillon et consorts."

Ha c'hwi, petra sonjit a ziout an dra-se, larit ho sonj !

Et vous, qu'en pensez-vous ? Donnez votre avis.

Christian Le Meut

28/08/2005

Emile Masson (1869-1923) : "kelenner frankiz"

Piv oa Emile Masson ? Kelener saozneg, skrivagnour, barzh, prederour, peoc’helour, ekologour, brezhoneger, “feministour”, libertaer... Razh an traoù se, hervez a pezh e c’heller lenn hiziv an deiz a ziar e benn.

Ha gwir eo, pinvidik bras oa bet buhez Emile Masson met re verr. Masson zo ganet e Brest e 1869 ha marv eo e Pondi e 1923. Dimezet get ur vaouez a Gembre, Elsie, Masson oa tad daou mab. Unan, Michel zo daet da voud maer Pondi e bleadeu dek ha tri ugent. Emile Masson oa e chom e Roazhon 1899 pa oa bet barnet du hont ar c’hapitaine Dreyfus. Masson oa un “dreyfusard” get tud evel Péguy ha Zola. Dreyfus oa bet tamallet bout trahiset Bro Frans get pennoù bras en arme rak yudev oa anezhan, e lec’h un ofisour all, Esterhazy... D’ar prantad se tud a bep sort, kristenion, laikourion, libertaerion, sosialistourion o doa en em savet evit difenn Dreyfus hag ar wirionez, a enep un arme re grenv, hag a enep hag a enep ar rasism.

Gwenedeg desket get al liseidi
Masson oa bet studiour ha kelenner e Bro C’hall (Paris, Loudun, Saumur...) araok bout anvet Pondi, e 1904. Eno, Masson n'doa gwellet an difor etre liseidi a Bondi, gallegerion ha bourhision, hag ar re all, liseidi ag er maezioù, brezhonegerion ha peisanted. Poan o doa da zeskiñ mat kar razh an traoù veze kelennet e galleg hepken, dre “soubidigezh”... Masson n’desket brezhoneg gete e reiñ kentelioù saozneg dezhe; ha kroget en doa da gomz gwenedeg get tud ag ar vro.


Masson n’doa skrivet ur bochad levrioù, romantoù dreist holl. He levr kentañ oa bet embannet kant vloaz zo, e 1905, a ziout buhez ur c’helennour : “Yves Madec professeur de collège”. Sinet oa bet al levr get un anv all, Brenn, rak Masson a skrive e vuhez kelennour, ar pezh oa difennet d’ober. D’ar c’houlz se, ar re a laboure edan ar Stad n’o doa ket droad d’en em lakaat en ur sindikad. Trec’het oa bet Bro Frans get an Alamagn ha tapet an Alzas hag al Lorraine geti... Ret a oa lakaat ar vugale da vout soudarded en o fenn : hag al labour-se veze graet get ar mistri skol hag ar gelennerion. Masson ne oa ket a-du tamm ebet. Faote dezhan bout tost d'ar vugale ha kas anezhe da zizoloeiñ an natur, ar peoc’h, ar sevenadur, ar yezhoù, ar frankiz... Pell awalc’h da spered an arme !

Brug evit ar brezhonegourioñ
Evit lakaat ar mennozhioù nevez-se da vout brudet barzh ar bobl, al labourizion douar, ar vicherourion, Masson n’doa savet ur gelaouenn e brezhoneg, Brug, e 1913, get ur strollad mignoned dezhan (al livour Lemordant da skouer). Masson oa kentoc’h animatour ar gelaouenn. 2.200 skouer ‘veze embannet e 1914, ar pezh a oa kalz memestra. Masson a faote dezhan stourm a enep ar “mennozhioù kozh”, hervezan, embannet get tud evel Loeiz Herrieu hag e gazetenn gristenn Dihunamb.

Siwazh, arrestet en doa Brug get ar brezel bed kentañ. Masson ne oa ket a-du get ar brezel se. Kendelc’het en doa da lâr e sonjoù habask e pad ar brezel pa oa mignoned dezhan evel Péguy ha Gustave Hervé deuet de vout brezelourion (evit an “Union sacrée”). Péguy zo marv war an talbenn. Masson oa, dre lizher, mignon Romain Rolland, ar skrivagner brudetan en Europa a oa a enep ar brezel. Hervez Masson, dibosupl oa sevel ur bed nevez, gwelloc’h, justoc’h, habaskoc’h, dre an daerded, dre ar feulster. Tost oa e sonjoù da sonjoù Tolstoï ha Ruskin... A gaos d’ar mennozhioù se, ne oa ket Masson troet sot get an dispac’h bolchevik e Russia, e 1917. Masson a welle sklaer, ar pezh ne oa ket gwir evit ur bochad mignonned dezhan.

Klanv bras oa bet Masson e pad e vuhez met labouret en doa kalz memestra. Marv e Paris e 1923. Hag ankoueit eo bet ar lerc’h get ar Vretoned, ar pezh ne oa ket just. Eurusamant, levrioù a zo bet embannet abaoe ugent vloazh evit derch’el sonj a vMasson... Ha monet araok war an hentoù digoret getan ?
Christian Le Meut

Levrioù da lenn :
- Un dra bennag a zo da jeñch er bed, Emile Masson ha Brug, 1913-1914, Fañch Broudig, Ed. Brud nevez, 2003.
- Emile Masson, professeur de liberté, J-D. et M. Giraud, Ed. Canope, 1991. Ul levr aes tre da lenn evit a re a faota anavezout buhez Masson.
- Emile Masson, prophète et rebelle, Presse universitaire de Rennes, 2005, levr skrivet goude kolok Emile Masson dalc’het e Pondi e 2003; kaset da benn get J-D. ha M. Girault.

Levrioù Masson a zelihe bout embannet en dro a benn nebeut get Presses universitaires de Rennes.

27/08/2005

Un jour férié en moins*

Ainsi donc le gouvernement a supprimé un jour férié pour, soi-disant, financer l’aide aux personnes âgées.
Le lundi de Pentecôte est ce pauvre jour férié devenu jour travaillé...
Et bien je vous le dis, je suis d’accord avec le gouvernement. Trop de jours fériés tue le jour férié ! Et puis beaucoup trop de ces jours ne signifient plus rien aujourd’hui pour la majorité de la population. Qui sait la signification de la Pentecôte ? Qui s’intéresse à l’Assomption, le 15 août, jour férié également. Et l’Ascension ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Le jour où le premier homme à marcher sur le sommet de l’Everest ? ou sur la lune ? Même pas.

Le gouvernement a raison, il y a trop de jours fériés qui ne signifient plus rien. Dehors, jours fériés insensés...
Mais, d’un autre côté, il faudrait peut-être en rajouter quelques-uns. La séparation de l’Eglise catholique et de l’Etat date d’un siècle, alors pourquoi ne pas établir comme jours fériés des fêtes d’autres religions présentes en France ? Une fête juive ? Une fête musulmane ? Des millions de Français sont musulmans aujourd’hui. Pourquoi ne pas instaurer l’Aet el Kebir, jour férié ? Cela serait aussi une façon de signifier aux membres de ces deux religions leur appartenance pleine et entière au peuple français, dans le respect de leur différence religieuse. Et aussi une manière d’honorer la mémoire aux personnes d’obédiences musulmanes et juives tombées pour libérer la France pendant la première et la seconde guerre mondiale...
Et puis il y a les millions d’athées, de non-croyants, d’agnostiques, d’indifférents, quel jour férié pour eux ?

Et on pourrait en imaginer d’autres, de jours fériés...
Savez-vous que le 21 septembre est la “Journée internationale de la paix” , selon une décision de l’ONU ? Pourquoi ne pas s’arrêter de travailler ce jour-là pour se poser un peu et réfléchir aux conflits dans notre vie quotidienne, notre travail, voire aux conflits sociaux, environnementaux, internationaux. Comment tenter de les faire évoluer en mieux ?
Et puis pourquoi ne pas instaurer des jours fériés régionaux ?
Ainsi, en Bretagne, on pourrait ne pas travailler le jour de la naissance d’Anne de Bretagne, par exemple, le 25 janvier. Ce jour là pourrait être consacré, mettons, à l’étude de l’histoire de la Bretagne, une matière bien trop oubliée dans nos écoles qu’elles soient privées ou publiques... Le hasard veut aussi que cette date soit déjà fériée au États-Unis, puisque c’est celle de la naissance de Martin Luther King... On pourrait lui donner une dimension sur les respect du droit des minorités, et sur l’antiracisme.

Mais bon, si le gouvernement supprime un jour férié et en rajoute trois ou quatre, la mesure risque d’être contre-productive, me direz-vous. Mais dans un pays où le chômage augmente, et la pauvreté aussi, ne serait-il pas plus judicieux de partager le travail plutôt que de faire travailler plus ceux et plus longtemps celles et ceux qui ont déjà un emploi ?

Christian Le Meut

* Chronique écrite en 2003

Paour kaezh Lun ar Pentekost...*

Ar gouarnamant a zo e klask lakaat an dud da labourat e pad un deiz dilabour evit, sanset, “sikouriñ” ar re gozh... Ha Lun ar Pentekost vo ar paour kaezh deiz-se ! Ha me, me lavar deoc’h, me zo a-du get ar gouarnamant. Re a deizioù dilabour zo ha ne dalvent ket mui netra evit an tud. Piv a ouia ar pezh a dalv, hiriv an deiz, ar Pentekost ? Hag an “Assomption”, ar 15 a viz Eost ? Ankoueit eo bet an dra-se, ivez, met an deiz dilabour eo, memestra !
Hag an “Ascension” ? Petra eo ? An deiz kentan m’ema bet an den war lein an Everest, pe war al loar ? Ankoueit eo ivez ister an deizh dilabour se... A-du on, an deizioù dilabour se ne dalvont mui netra...

An Aet el Kebir, dilabour ?
Met, d’am sonj, mat vehe lakaat deizhioù dilabour all. Chanchet en deus an amzer : dispartiet eo bet an Iliz katolik doc’h ar Stad. Ouzhpenn-e, milionoù a dud e France a zo hep relijion, pe musulmaned. Ur bern dud ag Afrika zo marv evit ar Frans e pad ar daoù vrezel bed : lakomp un deiz dilabour evit ar re-se, an Aet el Kebir, da skouer; hag an deiz dilabour all evit ar re yudev... un doare vehe da lâvar d’ar re-se, Mulsulmaned, Yudevion ha c'hoazh, int ul lodenn ag ar bobl e respetiñ o relijionoù.


Hag an 21 a Viz Gwenholon ?
Ha perak nompass sevel iez deizioù dilabour all ? An 21 a viz Gwenholon zo an “deiz etrebroadel evit ar peoc’h” hervez an ONU. Get piv vez lidet an deiz se ? Mat vehe nompass labourat an deiz-se evit lakaat an tud da sonjal, da brederian war ar peoc’h; peoc’h er ger, er bed, en darempredoù etre an dud... Ha penaos gwellaad an traoù ?
Hag un deiz dilabour evit pep rannvro ?... Lakoomp, e Breizh, un deiz dilabour evit lidañ ganedigezh Anna Breizh, ar 25 a Viz Genver. Pal an deiz se vehe deskiñ istor Breizh, ar pezh ne vez ket graet er skol... Ar 25 a Viz Genver zo dija un deiz dilabour er Stadoù Unanet, pas a gaos d’Anna Breizh, met a gaos da vMartin Luther King, ganet an deizh-se. Moian vehe neuze, an deiz dilabour se, sevel traoù ivez a enep ar “racisme” hag evit gwirioù mad den...


Marteze ne vo ket posupl lakaat an deizhoù se ouzhpenn : pall ar gouarnament zo lakaat an dud da labourat muioc’h. Met perak labourat muioc’h, pa z’eus kement se a dud dilabour ? Gwelloc’h vehe, d’am sonj, lodenniñ al labour e-lec’h forsiñ an dud a laboura dija da labourat muioc’h.

Christian Le Meut

* Skrivet e 2003

18/08/2005

Le breton, une langue morte ?

Le 22 mars 2003 a été un beau jour pour la langue bretonne. Entre 15.000 et 20.000 personnes ont défilé dans les rues de Rennes pour la défense de la langue. Mais, le même jour, un débat était publié dans le journal Ouest-France a propos du breton. Les invités étaient Patrick Malrieu, président du Conseil culturel de Bretagne, organisateur de la manifestation, et François Goulard, alors député maire UMP de Vannes (devenu ministre depuis). J’ai été un peu étonné par les propos tenu par ce dernier. Il a dit, notamment, à propos du breton : “Je suis très sceptique sur la possibilité de faire renaître une langue”, “Ne cherchons pas à imposer une langue si elle n’est plus pratiquée”... Pourquoi employer le verbe “renaître” ? Mais, si le breton est mort, pourquoi entends-je chaque jour des émissions en langue bretonne sur Radio Bro Gwened ? Sont-elles réalisées par des fantômes ? Quand je parle, quand je lis, quand j’écris en breton, tous les jours, peut-être suis-je déjà mort ? Biskoah kemend all, personne ne me l’avait dit !

Des anciens bien vivants
Mais, peut-être est-ce que je ne vis pas sur la même planète que M. Goulard. Par exemple, je vais le jeudis sur le marché à Hennebont, faire mes courses et là, j’entends parler... breton. Anglais et allemand aussi, surtout l’été... Ce sont surtout des anciens qui parlent breton mais, manifestement, ils sont encore bien vivants... Je ne sais pas si M. Goulard fréquente beaucoup les marchés, mais je constate qu’il enterre une langue avant même qu’elle ne soit morte. Pourquoi donc ? Selon notre député du Morbihan, il ne serait pas possible de rétablir le breton comme langue “vernaculaire”, donc comme langue de la vie quotidienne je cite “par des moyens publics”... Sauf que, cette langue est encore parlée dans la vie quotidienne par des dizaines de milliers de personnes, environ 60.000 probablement dans le Morbihan, 250.000 en Bretagne. Elle est donc encore une langue vernaculaire...
Et comment l’Etat français a-t-il procédé, lui, pour chasser le breton de la vie publique, économique, sociale, scolaire, pour réduire son espace de plus en plus, si ce n’est pas des moyens publics ? Les lois et autres règlements interdisant l’apprentissage ou la pratique du breton à l’école, au catéchisme, les règlements interdisant l’emploi du breton dans l’administration. Tout cela procède bien de “moyens publics” mis en place depuis plus de cent ans pour imposer le français et aboutir ensuite à la disparition du breton.

Pas de média de masse...
Les moyens publics qui ont été très efficaces pour combattre l’usage de la langue bretonne, ne le seraient plus quand il s’agirait de secourir cette langue ? A qui veut-on faire croire cela ? Pour continuer avec les citations de François Goulard, “Il est trop tard pour avoir un média de masse en breton : il n’y a plus assez de gens qui le comprennent”. M. Le député sait-il, par exemple, qu’un quotidien bilingue, alsacien et français, est édité par les Dernières Nouvelles d’Alsace et vendu à 40.000 exemplaires... Mais le maire de Vannes le sait-il ? A-t-il remarqué les 500 enfants qui apprennent le breton dans la ville dont il est maire ?
Une autre citation, pour notre déplaisir : “Le breton, en tant que langue vernaculaire, correspond à une très petite minorité de notre population”... Alors, M. Goulard, si c’est une question de chiffre, de quantité, bien que j’en doute puisque nous sommes dans un domaine concernant l’être humain, et donc les droits de l’Homme, et que les quantités n’ont rien à faire là, je rappellerai quand même que, selon un numéro spécial de Courrier international sur les langues de la planète, nous ne sommes que 2,1% des habitants de la planète terre à parler le français dont 1,3% de francophones de naissance. Si c’est un problème de quantité, il y a de quoi avoir des inquiétudes quant à l’avenir du français aussi ! Mais là, il y a des moyens publics pour le secourir...

La renaissance de l'hébreu
Et, enfin, s’il n’est pas possible d’agir par des moyens publics, pourquoi a-t-on instauré les lois Toubon qui défendent la langue française, face à l’anglais; pourquoi la Constitution instaure-t-elle le français comme seule langue de la République ? Si ce ne sont pas là des “moyens publics” de défense d’une langue, qu’est-ce que c’est ?
M. Goulard a probablement entendu parlé d’un pays qui s’appelle Israël. Là, une langue, l’hébreu, morte depuis plus de 2.000 ans, a été choisie voici une cinquantaine d’années pour être la langue officielle de cette état. Et elle est aujourd’hui parlé par des millions de gens.
Heureusement, il y a des élus de Bretagne qui voit la réalité telle qu’elle est, la langue bretonne (ainsi que le gallo), comme des réalités bien vivantes pour des centaines de milliers de gens, quotidiennement, dans notre région. L’Etat et la région prendront-ils les moyens de mettre en place un “véritable plan Orsec” pour sauver cette langue, comme le demande, notamment, le Conseil culturel de Bretagne ? Ou sinon, prendront-ils le risque de se voir accuser de non assistance à langue en danger ? L’avenir le dira.
Christian Le Meut (2003)