Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/10/2005

Quel développement durable pour les langues de la planète ?

L’expression “développement durable” fait florès, mais il est surprenant de constater que la question des cultures et les langues ne semble pas être intégrées dans cette dynamique, en tout cas en France. Pourquoi ne pas envisager un “développement durable des langues” dans le but de sauvegarder la diversité linguistique et culturelle mondiale comme le soulignent, un livre remarquable paru en 2003, “Ces langues, ces voix qui s’effacent”, Daniel Nettel, anthropologue, et Suzanne Romaine, professeur d’anglais à Oxford (ed. Autrement).

Environ 6.000 langues sont parlées actuellement dans le monde, et la moitié risque de disparaître durant ce siècle. En australie “90 % des langues aborigènes sont proches de l’extinction”, et c’est aussi le cas de beaucoup de langues amérindiennes. Les zones de grandes diversité linguistique correspondent aux zones de grande biodiversité, constatent les auteurs mais “la disparition des langues semble refléter l’effondrement général des écosystèmes dans le monde”... Imposer à une population de changer de langue est, de ce point de vue, un crime culturel que certains textes fondamentaux sur les droits de l’Homme définissent clairement.

“L’importance culturelle du poisson”
“Le vocabulaire d’une langue est l’inventaire de tout ce dont une culture parle et de ce qu’elle a classifié afin de donner un sens au monde et de survivre dans un écosystème local. Ainsi, l’importance économique et culturelle du poisson se reflète dans les langues océaniques du Pacifique” (p. 65) notent les auteurs.

“Le savoir scientifique occidental sur la gestion des ressources marines, par exemple, est toujours très faible. La gestion des ressources est particulièrement difficile sous les tropiques, en raison de la grande diversité des fonds marins et de la multitude de formes de vie qui s’y trouvent” (...) “Malheureusement, à cause de l’influence de la technologie occidentale sur les pratiques de pêche traditionnelles dans les communautés des petits atolls, de nombreuses zones coralliennes du Pacifique subissent une pêche intensive, tandis que d’autres ne sont pas du tout utilisées. En outre, la connaissance détaillée des insulaires de leur environnement, essentielle à leur autosuffisance, a été érodée par l’introduction de l’éducation occidentale et de l’économie de marché.

Une connaissance approfondie des milieux
Jusqu’à récemment, les habitants de l’île de Kapingaramangi (Micronésie) pratiquaient des techniques de pêche sur plus de 200 espèces de poissons, aucune d’entre elle n’étant exploitée au point d’être menacée d’extinction.” Selon les auteurs, les techniques de pêche traditionnelle s’avéraient souvent supérieure aux techniques introduites. Certains types d’organisation sociale permettaient la préservation des espèces (zones de pêche interdite)...

“Les pêcheurs traditionnels, en particulier sur les petits îles où les gens dépendent toujours de la mer pour leur nourriture, constituent toujours de riches sources d’information, inconnues des scientifiques occidentaux. Des siècles avant l’apparition des biologistes, les habitants du Palau savaient que certains types de vibration pouvaient être utilisés pour attirer les requins. Les concombres de mer, par exemple, étaient traditionnellement utilisés en Océanie comme poison pour les poissons, mais les biologistes n’ont établie leur toxicité que dans les années 1950”. Les auteurs citent de nombreux autres exemples de connaissances véhiculées par les langues, notamment pour définir les différents stades de croissance de chaque espèce de poisson... Or ces savoirs risquent de disparaître avec ces langues. Les auteurs pointent également la recherche scientifique occidentale, peut portée sur l’étude des savoirs ancestraux. Ces savoirs pourraient, pourtant, apporter de nouvelles connaissances, voire de nouveaux outils d’analyse.

L’écologie des langues
“La langue fait partie d’une écologie complexe qui doit être protégée pour maintenir la biodiversité” soutiennent les auteurs qui constatent également que “La différence linguistique condamne l’Autre à être le sauvage” (p. 63). Un complexe colonial demeure, en effet, entre les langues dites “indigènes”, d’une part, et les langues colonisatrices d’autre part (anglais, français, espagnol...), qui jouissent d’un prestige culturel et d’un poids économique toujours très fort. Chaque année, des dizaines de langues meurent. Ce sont des outils de connaissances et des biens précieux de l’humanité qui disparaissent ainsi.

Christian Le Meut

Ces langues, ces voix qui s'effacent, D. Nettel, S. Romaine, Ed. Autrement, 19 €.

26/10/2005

Immigration : l'Europe forteresse va droit dans le mur de la honte

Plusieurs associations, dont la Ligue des droits de l'Homme, diffusent cet appel concernant la politique d'immigration de la France et l'Europe, et les événements de Ceuta et Melilla.

Appel à signatures à l'initiative de l'AEDH, FIDH, LDH France, LDH Belgique, APDHA

"Tous les jours, des migrants venus d'Afrique meurent aux frontières de l'Europe pour avoir eu l’audace de croire qu’ils pourraient y vivre en paix et dans la dignité.

A Ceuta, à Melilla, la situation a atteint un seuil intolérable : un mur de barbelés se dresse entre l'Union européenne et l'Afrique et on n’hésite pas à tirer, quitte à tuer, pour empêcher qu’il soit franchi.

Au Maroc même, une véritable chasse s’est organisée. Des enfants, des femmes, des hommes, assoiffés, affamés, sont traqués et abandonnés en plein désert.

 

Est-il tolérable que l'Union européenne renie ainsi son obligation morale d’au moins entendre la demande de ceux qui viennent chercher asile ? Comment un tel traitement est-il possible ? Comment, au prétexte de réguler des flux migratoires, la politique de l'Union européenne peut-elle conduire l'Espagne à fermer ses frontières, en érigeant un mur comme si elle était assiégée par un ennemi redoutable ? Comment l'Union européenne ose-t-elle décharger ses responsabilités sur des « États tampons », en l’espèce le Maroc qu’elle laisse, sans réagir, envoyer des migrants à la mort ? Pour tenter de pénétrer sur le territoire de l'Union européenne, ils ont parcouru à pied des centaines de kilomètres, au risque de leur unique bien qui est la vie. Est-il acceptable que ceux qui fuient la pauvreté, la guerre et les conflits politiques ne trouvent comme réponse que la répression, voire la mort, quand ils tentent, dans un suprême sursaut collectif, de franchir un mur de barbelés qui se dresse entre eux et la liberté ?

 

Cette situation, aussi absurde qu’inhumaine, qui donne une telle image de l'Europe et que montrent quotidiennement les télévisions, doit cesser.

 

Aujourd’hui, nous appelons solennellement :

 

  • Le gouvernement espagnol, les gouvernements des États de l'Union et la Commission européenne,

à en finir avec ces atteintes massives et répétées aux droits de l'Homme, conséquence d’une politique migratoire de fermeture et d’externalisation qui ne mène qu’à l’impasse et à la violence ;

 

  • Le gouvernement marocain,

à cesser ses pratiques mortelles à l’égard de ceux qui transitent sur son territoire dans le seul but de trouver en Europe une réponse à leur misère ;

 

  • L'Union européenne

à mettre en œuvre, sans tarder, une politique véritable d’asile et d’immigration, respectueuse des droits, de l’intégrité physique et de la dignité des personnes.

 

Les migrants, aussi, ont le droit d’être traités dans le respect des conventions internationales : les droits de l'Homme ne se divisent pas, ils s’appliquent à tous.

 

Paris, le 13 octobre 2005"

Pour signer cet appel, envoyer un courrier à :

 

  • l’Association européenne pour la défense des droits de l’Homme : fidh_ae@yahoo.fr

ANPE : le bilinguisme n'a pas cours

"L'ANPE refuse de publier en breton des offres d'emploi pour Diwan" : Sous ce titre, l'association Diwan s'élève contre une décision administrative de l'ANPE refusant les annonces bilingues (français-breton) envoyées par cette association pour des postes de travail réclamant une connaissance de la langue bretonne...

"BREIZH - Le 29 septembre 2005 l'association Diwan demande à l'ANPE de publier deux offres d'emploi rédigées en français et en breton. Le 5 octobre, nous avons reçu en retour un courrier de la directrice de l'ANPE de Brest notifiant son refus de donner suite à notre demande. Ce refus était motivé ainsi : " Suite à votre courrier en date du 29.09.05 et après contact avec notre service juridique, nous sommes au regret de ne pouvoir diffuser vos offres d'emploi en langue bretonne. En effet, les offres d'emploi en langue bretonne seraient considérées avoir un caractère discriminatoire et, à ce titre, nous ne pouvons donc donner une suite favorable à votre demande. "

Nous protestons vivement contre une telle décision qui montre une fois de plus le mépris des institutions pour les langues régionales. Il est tout d'abord normal que l'annonce soit bilingue, puisque les emplois concernés nécessitent la connaissance et la pratique des deux langues. Cela étant acquis, la parution des offres d'emploi en breton et en français ne saurait être discriminatoire, car elle est conforme au profil des postes à pourvoir

D'ailleurs notre demande de publication est légale : elle est aussi publiée en français, permettant même à des personnes qui ne maîtrisent pas suffisamment le breton d'y avoir accès. A ce titre, l'offre d'emploi en français serait tout aussi discriminatoire, car accessible uniquement aux personnes connaissant le français. De plus la loi Toubon du 04.08.1994, à laquelle font référence sans doute les services juridiques de l'ANPE, précise bien dans son article 21 : " Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage ". L'ANPE outrepasse donc la loi en refusant de faire paraître notre demande. Celle-ci s'inscrit également dans le cadre du programme de politique linguistique pour la Bretagne voté à l'unanimité des conseillers régionaux le 17 décembre 2004. Il s'agit de développer l'emploi du breton dans la vie sociale et professionnelle. Elle s'inscrit aussi dans le cadre des conventions internationales pour les droits de l'homme, le Pacte international pour les droits civils et politiques, la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, la déclaration universelle de l'UNESCO pour la diversité culturelle, et les objectifs de protection de la diversité des langues affichés par l'Etat et les organismes internationaux.

En outre, ce que la loi interdit, ce sont les publications en langues étrangères. Faut-il considérer le breton comme une langue étrangère en Bretagne ?

En conséquence, nous demandons à l'ANPE la publication en français et en breton de nos offres d'emploi. En cas de nouveau refus, nous souhaitons avoir connaissance des éléments juridiques qui, selon elle, s'opposeraient à la publication bilingue d'une offre d'emploi." Signé : Le Bureau Diwan.

 

Daou ginnig labour nac'het get an ANPE

 Setu ar gemenadenn kaset get Diwan e brezhoneg iwez :
"D'an 29 a viz gwengolo 2005 he deus ar gevredigezh Diwan goulennet digant an ANPE embann daou ginnig labour skrivet e galleg hag e brezhoneg. D'ar 5 a viz Here ez eus bet degemeret ul lizher digant renerez ANPE Brest o kemenn deomp penaos e nac'he asantiñ d'hor goulenn. En doare-mañ e oa abeget an nac'hadenn-se : "Da heul ho lizher eus an 29.09.05 ha goude bezañ bet e darempred gant servij al lezennoù, eo gant keuz e kemennomp deoc'h ne c'hellomp ket skignañ ho kinnigoù labour e brezhoneg. Evit gwir ar c'hinnigoù labour e brezhoneg a vefe lakaet evel diforc'hus hag abalamour da se ne c'hellomp ket asantiñ d'ho koulenn.

Gant nerzh e klemmomp ouzh seurt diviz hag a ziskouez ur wech ouzhpenn penaos e vez graet fae war ar yezhoù rannvro gant an ensavadurioù. Da gentañ ez eo reizh e vefe divyezhek ar gemennadenn dre ma z'eo ur redi evit an implijoù meneget gouzout hag implij an div yezh. Se o vezañ splann, ne vefe ket diforc'hus embannadur ar c'hinnigoù labour e brezhoneg hag e galleg rak e vefe hervez doare ar postoù da bourveziñ.

Hervez lezenn eo hon goulenn embannadur : embannet e vez ivez e galleg, o reiñ tro zoken d'an dud na vestroniont ket a-walc'h ar brezhoneg da dizhout anezho. Dre-se ar c'hinnig labour e galleg a vefe ken diforc'hus all dre ma vefe graet nemet evit an dud a ouife galleg. Ouzhpenn-se al lezenn Toubon eus ar 04.08.1994 a zo resis en he mellad 21 : reolennoù al lezenn-mañ a dalvez hep ober gaou ouzh lezennoù ha reolennoù diwar-benn ar yezhoù rannvro ha ne yeont ket a-enep o implij En tu all d'al lezenn e ya an ANPE eta pa nac'h lakaat embann hor goulenn. Hor goulenn a gemer plas ivez e framm ar program politikerezh yezh evit Breizh votet a-unvouezh gant ar guzulierien rannvro d'ar 17 a viz Kerzu 2004. Ar pal eo kreskiñ implij ar brezhoneg er vuhez sokial ha micherel.

Kemer a ra plas ivez e framm an emglevioù etrevroadel evit gwirioù mab-den, an emglev etrevroadel evit ar gwirioù keodedel ha politikel, an emglev etrevroadel war ar gwirioù ekonomikel, sokial ha sevenadurel, diskleriadur hollek an UNESCO evit al liested sevenadurel ha palioù gwareziñ ar yezhoù embannet gant ar Stad hag an ensavadurioù etrevroadel. Ouzhpenn ez eo an embannadurioù e yezhoù estren a vez difennet gant al lezenn. Daoust hag e ranker gwelet ar brezhoneg evel ur yezh estren e Breizh ?

Setu perak e c'houlennomp digant an ANPE embann hor c'hinnigoù labour e galleg hag e brezhoneg. Ma vez nac'het adarre e karfemp gouzout peseurt elfennoù lezennel, hervez an ANPE, a yafe a-enep embannadur divyezhek ur c'hinnig labour.
Ar Burev Diwan"

Pennadoù embannet war :
http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=2702


25/10/2005

Carcassonne : grosse manifestation pour l'occitan

Une forte mobilisation pour l'occitan a eu lieu samedi dernier dans les rues de Carcassonne. La cause des langues régionales mobilise : 20.000 personnes avaient manifesté pour la langue bretonne en mars 2003 dans les rues de Rennes. Pour autant, il n'y a toujours pas de statut officiel pour les langues régionales en France, en contradiction avec les lois européennes et les déclarations officielles sur la diversité culturelle (qui, semble-t-il, valent pour l'extérieur des frontières afin de lutter contre l'influence étasunienne et anglo-saxonne, mais pas à l'intérieur).

"CARCASSONNE : Plus de 10,000 personnes samedi dernier à Carcassonne pour la défense et la  promotion de la langua Occitane. Un collectif demandait un statut de langue officielle à l'occitan dans l'Etat français, statut que cette langue a déjà en Espagne (Val   d'Aran, Catalogne) et en Italie (Vallées Occitanes du Piémont).
L'occitan est gravement menacé, et alors que Chirac défend la diversité culturelle dans le monde entier, le gouvernement français méprise la langue de Corrèze et la diversité linguistique du territoire dont il a la charge.
Une chaîne de télévision, une radio publique, une loi qui permet aux initiatives privées de s'exprimer dans ces domaines, l'occitan dans la vie publique, des aides à la création, une véritable politique pour  l'enseignement de la langue en immersion et à parité horaire, voilà quelles étaient les revendication exprimées hier par plus de 10,000   personnes de toutes générations. De nombreux bretons (dont des journalistes de Breman et Radio Kerne),  catalans, basques et corses étaient présents aux côtés des occitans.  L'occitan est parlé chaque jour par 1 million de personnes, 2 autres millions pourraient le parler, et 6 autres millions le comprennent dans   33 départements du sud de l'Etat français. Jaume Còsta"               

Communiqué publié sur le site :
 http://www.agencebretagnepresse.com/

19/10/2005

Ils ne tuent pas en mon nom !

Les soldats espagnols et marocains qui ont tiré sur des immigrants, qui en ont tué certains, blessé et tabassé d’autres, passeront-ils en procès ? Probablement pas car ils ont, je présume, obéi aux ordres. Alors leurs supérieurs seront-ils jugés ? Et les ministres responsables, en Espagne, au Maroc ?
Des soldats d’armées régulières tirent sur des hommes désarmés qui ne les menacent pas, qui ne menacent personne mais cherchent à forcer un passage pour espérer gagner l’Europe, et aucune suite judiciaire n’est envisagée ? C’est donc que la guerre est vraiment déclarée ?
Qu’il est normal de tuer sans avoir à répondre de ses actes ?
Que vouloir passer clandestinement en Europe est passible de la peine de mort ?
Allons-nous ressortir l’huile bouillante pour la lancer sur les assaillants ?
En sommes-nous arrivés là ?
Car la barbarie, ces temps-ci, n’est pas du côté de ces hommes qui tentent de venir travailler chez nous pour nourrir les leurs. Mais de nôtre côté. L’Afrique nous est trop souvent montrée comme le théâtre de guerres, de famines, de misère... Mais qui fait la guerre ? Nous, Européens. Des soldats tuent pour empêcher des immigrants d’entrer en Europe et nous, tranquillement, laissons faire. Et les survivants, on les lâche dans le désert sans eau ! Après la fusillade, la torture par la soif !
Ces crimes là ne relèveraient-ils pas du Tribunal pénal international ?
Je veux dire aujourd’hui que ces soldats qui ont tiré, et parmi eux des soldats de l’armée d’Espagne, donc des soldats européens; que ces soldats donc, je condamne leur acte. Je demande que les responsables civils et militaires de ces meurtres rendent compte devant la justice.
Moi, citoyen européen, ils ne me défendent pas. Ils m’agressent, au contraire, en tuant des hommes désarmés. Ils me font honte. Ils me révoltent. Ils ne protègent pas l’Europe ni ses citoyens mais ils appliquent d’une certaine manière -violente- une politique décidée par des gouvernements européens; ce n’est pas la même chose.
Ils foulent aux pieds, ainsi, les valeurs sur lesquelles l’Europe devrait se fonder. Les valeurs de respect de la personne humaine et d'Etat de droit, en premier lieu.
Si nous croyons, nous, Européens, que ces soldats protègent nos intérêts, nous nous trompons complètement. Les lignes Maginot, les grandes murailles de Chine, ne sont que des fantasmes trompeurs, elles n’assurent pas la sécurité, bien au contraire, elles engendrent la violence et la guerre car elles nous empêchent de voir plus loin.
Le monde aujourd’hui est suffisamment prospère pour nourrir tous les êtres humains. Pour les scolariser, les soigner, permettre leur épanouissement. La source de la violence actuelle, c’est l’absence de démocratie et de respect réel des droits de l’Homme, c’est la répartition inégale des richesses et l’accaparement des ressources mondiales par des minorités de plus en plus riches. Ce sont ces fortunes là, que nos lignes Maginot protègent, pas les citoyennes et citoyens européens.
Notre intérêt à nous, simples citoyens, est, au contraire, de faire tomber les murailles et de construire des solidarités. D’ouvrir les portes.
Non, décidément non, ces militaires n’ont pas tué en mon nom.

Christian Le Meut

11/10/2005

Accueillir l’étranger ou périr avec lui

Ils ont tiré. Ils ont tiré à balles réelles sur des personnes désarmées qui tentaient de forcer un barrage mais ne menaçaient personne. Des soldats espagnols et marocains ont tiré. La guerre économique montre ainsi son vrai visage. Elle tue à coup de fusils ceux qui réclament leur seul droit de survie. Jean-Marie Fardeau exprime sa colère, qui est aussi la mienne, dans un texte que vient de publier l'hebdo Témoignage Chrétien.


"Certains jours, la révolte monte en nous. A deux reprises, des militaires, marocains et espagnols - mais leur nationalité importe peu - ont tué des Africains cherchant à se rendre en Europe. L’Espagne expulse ceux qui sont entrés vers le Maroc où ils sont expédiés sans secours dans le désert. On tue donc aujourd’hui des hommes non armés parce qu’ils tentent de franchir la frontière entre l’Europe et l’Afrique ! Révoltant, inacceptable !
Notre société, dans sa grande majorité, assiste à ces assassinats pourtant médiatisés sans réagir. Un cran de plus est franchi dans notre échelle de tolérance. Déjà, l’opinion s’habitue à des expulsions musclées ou aux conditions « d’accueil » lamentables dans la zone internationale de l’aéroport de Roissy. Faudra-t-il qu’un Français sans papiers soit abattu aux Etats-Unis pour que nous nous posions quelques questions sur le lien indispensable entre immigration et droits de l’Homme ?

Ne succombons pas aux sirènes des prophètes de la déferlante migratoire s’abattant sur notre belle Europe !
Primo, « toute la misère du monde » (n’oublions pas qu’il s’agit tout simplement d’êtres humains) n’a pas l’intention de venir en Europe car l’immense majorité ne souhaite pas émigrer et se débrouille tant bien que mal pour survivre au sein de leur propre société. Y aurait-il des millions de Maliens, de Congolais, d’Ivoiriens aux portes de l’Europe ? Non, ceci est un fantasme soigneusement entretenu pour justifier des méthodes militaro-policières qui tiennent lieu aujourd’hui de politique à l’égard des étrangers « pauvres ».


Secundo, ces quelques dizaines de milliers de personnes qui cherchent chaque année à passer d’Afrique en Europe de manière clandestine, n’avons-nous pas les moyens de les accueillir dignement ? Et si, en dernier recours, un retour au pays est décidé, il doit avoir lieu dans des conditions conformes aux droits humains.
Tertio, il ne s’agit pas de nous protéger de la « misère du monde », mais de se donner les moyens de la résoudre. La solution n’est pas une Europe retranchée dans un égoïsme aux relents racistes derrière tranchées et barbelés, et des dispositifs de surveillance sophistiqués qui engloutissent une partie de l’aide au développement.
La solution n’est pas de confier hypocritement le « sale boulot » à l’armée marocaine, ou, comme certains l’envisagent, d’ouvrir des camps pour migrants en Libye ou en Ukraine, où nous viendrions choisir, comme au marché aux esclaves de l’empire romain, les étrangers « utiles ». La mesure est encore jugée choquante par certains pays européens. Pour combien de temps ?

Nous devons assumer le monde dans lequel nous vivons. Il est déséquilibré, inégalitaire, injuste. L’histoire a placé des populations dans des situations de grande précarité. Certains essaient de tenter leur chance dans des pays où ils n’ont pas le droit d’aller. Cessons de leur tirer dessus ! Quel est leur crime ? Etre pauvre ? Etre Africain ? Etre sans papiers ? Etre victimes de passeurs mafieux ? Ne pas être capable de jouer immédiatement en en équipe de France de football ? Ne pas répondre aux « besoins » de nos pays ? L’Europe doit s’organiser autrement. Contrôle aux frontières, sans doute, mais en recevant les gens, en respectant leur dignité et leur humanité. Et surtout, mettre en place des possibilités d’allers-retours en Europe pour y travailler pendant de courts séjours, afin de proposer une alternative au dilemme entre misère au pays et clandestinité en Europe.

Des milliers d’Africains sont probablement déjà morts en Méditerranée et dans le Sahara au cours de ces dernières années. Victimes de la misère, victimes de notre indifférence. Une société qui ne sait accueillir l’étranger, qui le tue brutalement ou à petit feu, périra elle aussi à son tour.
Et puis, au fait, si demain l’étranger c’était nous ?

Jean-Marie Fardeau
Secrétaire général du CCFD

(Article paru dans Témoignage Chrétien du 10 octobre)

02/10/2005

Langues régionales : l'urgence d'un changement

Les récentes déclarations de Patrick Le Lay sur la Bretagne et la langue bretonne m'ont incité à rééditer cet article écrit au début de cette année pour la rubrique "J'ai fait un rêve" de la revue Alternatives Non-violentes, mais non publié parce que trop long... Ce texte est donc uniquement en français. Bonne lecture et n'hésitez pas à commenter !

1998, la France signe la charte européenne des langues minoritaires... Vous avez bien lu : 1998. Il ne s’agirait donc pas d’un rêve, mais d’une réalité, et bien non. Contrairement à presque presque tous les autres Etats de l’Union européenne la France n’applique toujours la charte européenne des langues minoritaires... Les langues bretonne, basque, corse, alsacienne, occitane, catalane, flamande, n’ont toujours pas de statut officiel en France, ni les langues parlées dans les Dom-Tom.

La charte européenne des langues minoritaires a été signée par Lionel Jospin, alors premier ministre mais renvoyée par Jacques Chirac devant le Conseil constitutionnel qui a déclaré cette signature non conforme à la Constitution. Et depuis, rien. Si, 20.000 personnes (1) dans les rues de Rennes, en mars 2003 pour demander cette ratification et la modification de la Constitution qu’elle implique. Dans l’indifférence totales des médias nationaux...

“Ne gomzan ket mui breton bemdez...”
“Ne gomzan ket mui breton bemdez, memes ar re gozh a gav gwell komz galleg etreze breman. Met me, me vourra muioc’h komz breton evit galleg” : “Je ne parle plus breton tous les jours, même les anciens préfèrent parler français entre eux aujourd’hui. Mais je préfère parler breton que parler français”... Ainsi s’exprime Germaine, une femme de Crac’h, commune du Morbihan, près d’Auray. Âgée de 68 ans, elle a appris le breton à la maison, dans son village, et le français à l’école, où sa langue maternelle était interdite. Ce cas est extrêmement fréquent parmi les Bretons d'origine rurale de sa génération.

Si Germaine n’a plus l’occasion de parler chaque jour, elle peut encore écouter la radio ou regarder la télé. Oui mais voilà, les médias publics lui proposent une émission d’une heure à la télé le dimanche (à la même heure que la messe!) et cinq minutes d’actualité chaque jour... Dans le Morbihan, seule une radio associative, mais subventionnée par la région, le département et l’Etat, propose des programmes breton-français. Dans la presse : un reportage par semaine dans le quotidien Le Télégramme, une leçon de breton le dimanche dans Ouest-France...

10.000 bretonnants meurent chaque année
Chaque année, 10.000 personnes bretonnantes de langue maternelle meurent. Il reste aujourd’hui environ 250.000 personnes capables de s’exprimer couramment dans cette langue contre 1.200.000 en 1945. Il s’agit surtout de personnes âgées. 9.000 enfants sont scolarisés;en 2004-2005 dans les filières bilingues créées depuis 25 ans par les parents : bilingue public, bilingue privé et écoles associatives (gratuites et laïques) Diwan.

La pédagogie par immersion (100 % en breton au départ) a motivé le refus d’intégration de Diwan dans l’Education nationale par le conseil d’Etat en 2002, malgré le soutien du ministre de l’Education de l’époque, Jack Lang. Pourtant, Diwan existe depuis 25 ans et les résultats de ses élèves sont plutôt supérieurs à la moyenne... Bizarre non ? Pendant des décennies des dizaines de milliers de Bretons ont intégré l’école française (publique ou privée) sans connaître un mot de français, ont été immergés dans une langue qui leur était étrangère, mais cela n’a guère posé de problème de conscience aux élites françaises. Dans le sens contraire, cela semble en poser... Car si les citoyens français sont égaux en droit (censément), ce n’est pas le cas des langues parlées sur le territoire de la République française et cette inégalité de traitement revient, finalement, à une inégalité citoyenne.

Passer de deux langues à une : un progrès ?
De mon côté, mes grands-parents étaient bretonnants de langue maternelle. Mais ils avaient bien compris que le français étaient la langue de la promotion sociale (toute les institutions le leur assénaient). Le breton était (et est encore), stigmatisé comme arriéré et inférieur. Beaucoup de Bretons ont intégré ce regard méprisant et colonial posé sur leur propre langue. Objectif des autorités : éradiquer les langues “régionales”. Elles y sont (presque) parvenu, refusant de signer, par ailleurs, certains textes internationaux de protection des minorités linguistiques (2). La transmission familiale ne se fait quasiment plus et les enfants qui apprennent le breton aujourd’hui le font à l’école... Mes grands-parents parlaient donc couramment deux langues dans leur vie quotidienne. Mes parents et moi en parlons une seule.
C’est le progrès, sans doute.

Depuis mon retour en terre bretonne, en l’an 2000, j’ai appris le breton, et je continue d’apprendre. Pour moi, c’est aussi une résistance non-violente face à un arbitraire d’Etat. Je n’ai jamais pu admettre l’attitude e la République française qui, à mes yeux, trahit ses propres valeurs en agissant ainsi; ni celles de beaucoup de Bretons eux-mêmes qui, dans leur grande majorité, se sont soumis à l’autorité. Ils n’ont pas pris conscience, ou pas voulu prendre conscience, de la perte culturelle que représente l’abandon de leur langue maternelle, parlée depuis 1.500 ans dans cette partie ouest de la Bretagne. Perte culturelle pour eux-mêmes, mais pour l’humanité entière car une langue qui disparaît est une part de notre richesse culturelle mondiale qui meurt.

Un préfet du Morbihan écrivait en 1831 : “Faire mourir une langue, c’est faire disparaître une individualité de la famille des nations ; c’est détruire une système d’entendement, un caractère national, des moeurs, une littérature. La philosophie et la morale condamnent également cet espèce de meurtre”. Ce préfet n’a pas été entendu. Quant au meurtre en question, un mot a été inventé depuis pour le qualifier : “ethnocide”.

Environ 6.000 langues parlées dans le monde
Un livre publié l’année dernière, “Ces langues, ces voix qui meurent” (3), établit un parallèle intéressant entre la perte de la diversité biologique et la disparition des langues. Environ 6.000 langues sont parlées actuellement dans le monde. La moitié est menacée de disparition dans le siècle actuel. Beaucoup ne sont plus parlées que par quelques individus (langues aborigènes d’Australie, d’Amérindiens du Nord ou du Sud, d’Afrique). Le breton est classé parmi les langues menacées par l’Unesco.

Notre mode vie actuel tend à une uniformisation culturelle rapide vers le modèle étasunien (pour aller vite). Les défenseurs de la langue française qui, parfois, combattent les arguments des partisans des langues dites régionales, ne voient pas que ces derniers défendent une vraie diversité culturelle vivante. Quand la République française, par la voie du président Chirac en particulier, défend “l’exception culturelle”, elle ne défend en fait que la langue française, pas les autres. Les autorités se gardent bien de promouvoir la diversité linguistique à l’intérieur de l’Hexagone.

En Bretagne, l’oppression linguistique a été mise en place depuis environ deux siècles. La royauté avait bien instauré le français comme langue officielle, mais sans chercher à l’imposer à tous les sujets. Au XIXe déjà, des débats ont lieu sur l’intérêt de l’emploi du breton à l’école, notamment pour enseigner le français aux masses bretonnantes... Mais la voie du bilinguisme n’a pas été choisie. C’est l’unilinguisme qu’ont imposé les élus, notamment dans l’Education nationale. Interdit de parler breton à l’école sous peine d’humiliation. Interdit d’enseigner le catéchisme en breton, sous peine de représailles administratives pour les prêtres. Impossibilité de monter dans l’ascenseur social avec la seule langue bretonne...

Une opposition diverses, mais constante
L’opposition à cette politique s’est manifestée sur le terrain politique, éducatif et religieux. Depuis le début du XXe siècle, des élus et organisations politiques demandent l’introduction du breton à l’école. Peine perdue. Cette cause était alors soutenue par des mouvement régionalistes proches de la droite monarchiste et catholique. Mais, à gauche, des instituteurs ont créé le mouvement Ar Falz dans les années 30 pour promouvoir le breton dans les écoles laïques. L’église catholique, de son côté, soutient l’usage de la langue bretonne pour éviter la contamination des idées républicaines ! Et puis l’abandonne quand elle sent que cela ne sert plus ses intérêts...

Juste avant la Seconde guerre mondiale, et dans les années 50, des élus reviennent à la charge, dont René Pleven (qui fut chef du gouvernement sous la IVe république). En 1953 une première loi autorise des cours facultatifs de langues régionales dans les établissements secondaires publiques. Première avancée, mais insuffisante. Face aux changements rapides de société, au déclin de la vie rurale, à l’urbanisation, le breton régresse rapidement. Aucune place ne lui est faite, quasiment, dans les médias publics. Il faut attendre les années 80 pour voir apparaître des radios associatives bilingues, ou unilingues en breton. Idem pour les écoles. A chaque fois, ce sont des groupes de citoyennes et citoyens qui se mobilisent, relayés par une partie des élus locaux. Ils veulent le bilinguisme et le construisent à leur niveau : primaire, secondaire, universitaire. Mais l’absence de reconnaissance officielle de la langue, et le manque d’environnement en breton (médias), entravent leur action.

L’erreur de la collaboration et de la violence
La vigueur d’autres pans de la culture, comme la danse, la musique, ne rejaillit pas forcément sur la pratique de la langue. Ce sont parfois des mondes qui s’ignorent... La langue bretonne apparaît, pour beaucoup de Bretons, comme dépassée, comme une langue dont ils approuvent théoriquement l’existence, comme un patrimoine, mais qu’ils ont renoncé à parler. Deux épisodes historiques n’aident pas à clarifier le débat : la collusion d’une grande partie des mouvements bretons avec l’occupant allemand pendant la seconde guerre mondiale (certains mouvements avaient déjà viré fascistes dès les années 30). Mais la collaboration massive de l’appareil d’Etat français avec les Allemands à cette époque, discrédite-t-elle la langue française ? Des grammairiens ont continué de travailler à l’unification de la langue bretonne pendant l’occupation, certes... Mais l’Académie française a-t-elle arrêté ses travaux pendant cette période ? Aucune institution française n’a, à ma connaissance, arrêté ses activités sous l’occupation...

Et puis il y a les périodes de revendications violentes des années 60-70 des FLB-ARB (Front de Libération de la Bretagne, Armée révolutionnaire bretonne). Ces groupuscules, soutenus par une minorité de la population, jugeaient légitime de recourir à l’action violente pour faire valoir les droits culturels et politiques des Bretons. Certains revendiquaient l’indépendance. Le recours à la violence n’est approuvé que par une minorité de la population bretonne. Il m’est arrivé cependant plusieurs fois cependant d’entendre cette phrase : “Si nous faisions comme les Corses, nous obtiendrions plus de chose”. Et il est vrai que, actuellement, l’offre d’enseignement de la langue corse est pratiquement généralisée, ce qui est très loin d’être le cas ici. L’offre en langue bretonne régresse même dans le secondaire. Les promesses faites par les ministres passent, et chaque rentrée réserve son lot de classes bilingues non-ouvertes malgré les demandes à cause du manque d’enseignants formés, de crédits, etc. Quant aux filières optionnelles, elles ne sont pas mieux loties.

Le centralisme jacobin menacé
L’Etat républicain semble parfois être plus à l’écoute des manifestations violentes que des manifestations non-violentes. Ainsi, il encourage la violence. Car si la démocratie est la loi de la majorité, elle est aussi l’aménagement du droit des minorités. Faute de quoi elle risque de devenir une dictature majoritaire en contradiction avec l’esprit et la lettre des droits de l’Homme.

La signature et l’application de la Charte européenne des langues minoritaires donneraient une reconnaissance et une légitimité aux langues régionales. La non-reconnaissance, au contraire, donne des arguments aux organisations hostiles à la République française, minoritaires mais agissantes. Le modèle français s’est construit sur un schéma communautaire : une seule langue, un seul peuple, une seule histoire, une seule organisation politique centralisée pour tout le territoire métropolitain... L’existence des langues régionales, et le fait de les parler, n’est pas une menace en soi pour la République française. Ce que la signature de la charte européenne, ou l’intégration de Diwan, menaceraient, par contre, c’est un modèle français uniformisant et un centralisme jacobin exacerbé.

La différence linguistique : une “sauvagerie ?”
“Qu’on vous soit différent suppose/par obligation qu’on ait tort” chantait Maxime Le Forestier (4) dans les années 70. La France des droits de l’Homme a bien du mal à intégrer les différences, et cela ne date pas d’aujourd’hui. “La différence linguistique condamne l’Autre à être le sauvage” (5). Suis-je un “sauvage” quand je parle ou j’écris en breton ? J’en ai l’impression parfois, dans le regard ou les réflexions de certains de mes amis, ou de relations.

Pourtant l’apprentissage et la découverte de la langue bretonne est un passionnant parcours de connaissance linguistique, littéraire, mais surtout humain. Le fait de parler, écrire, lire, le breton, m’oblige aussi à ouvrir les yeux et à être le témoin d’un processus triste : la mort possible d’une langue. Que faut-il faire pour sauver le malade ? Le conseil régional, pour la première fois, vient de lancer un plan de sauvetage de la langue. L'actuel président, Jean-Yves Le Drian (PS) a fait beaucoup de promesses dans ce domaine lors de la campagne électorale.

L’application de la charte européenne des langues minoritaires par la République française fait aussi partie des remèdes (mais ce n’est pas le seul). Elle aiderait aussi la communauté nationale française à changer. A porter un autre regard sur ses minorités linguistiques. A approfondir le droit à la différence dans le respect de la République française et européenne. Cette Europe ou tant de langues dites “régionales” (le gallois, l’écossais, le galicien, le catalan, le basque...) ont désormais un statut officiel. Mais un grand village gaulois, replier sur lui-même, résiste encore.

Christian Le Meut

(1) A l’échelle de la France, cela aurait représenté 300.000 manifestants...
(2) La France n’a pas ratifié l’article 27 du pacte international sur les droits civils et politique, ni l’article 30 de la convention des droits de l’enfants, ni la convention cadre européenne sur les minorités nationales, ni donc la charte européenne des langues minoritaires...
(3) “Ces langues, ces voix qui disparaissent”, Daniel Nettle-Suzanne Romaine, ed. Autrement, 19 €.
(4) Chanson “La vie d’un homme”
(5) “Ces langues...”, p. 63.


Suggestions de lectures :
- “Linguistique et colonialisme”, Louis-Jean Calvet, petite bibliothèque Payot, 2002.
- “Halte à la mort des langues” (2002), et “Le souffle de la langue, voies et destins des parlers d’Europe” (1992), Claude Hagège, éditions Odile Jacob.
- “Le français, histoire d’un dialecte devenu langue”, R. Anthony Lodge, Fayard, 1997.

05/09/2005

Le Lay : "Génocide culturel de la langue bretonne"

Salut d'an holl : embann a ran ar pezh lâret get an aotroù Le Lay (rener TF1) barzh ar gelaouenn "Bretons" a ziout ar "génocide culturel de la langue bretonne". Danvez zo da dabutal, d'am sonj !

Salut à tous et toutes, la dépêche AFP ci-dessous reprend quelques propos de Patrick Le Lay (PDG de TF1) dans le nouveau magazine "Bretons". Il y a de quoi débattre !

(AFP) - "Le Pdg de TF1 Patrick Le Lay affirme, dans une interview au magazine "Bretons" de septembre, ne pas se sentir Français mais Breton, et accuse la France de "génocide culturel de la langue bretonne".
"Je ne suis pas Français, je suis Breton. Je suis un étranger quand je suis en France", déclare le patron de la principale chaîne de télévision française. Evoquant longuement ses racines bretonnes dans cette interview, M. Le Lay affirme que "la France a procédé à un génocide culturel de la langue bretonne", et que "la culture bretonne n'a pas le droit d'exister".
Cette situation explique, selon lui, les réactions parfois violentes ces dernières décennies des autonomistes bretons. Ils "se sont laissés embarquer par romantisme, par manque de réflexion, mais c'était un truc noble dans leur esprit", estime-t-il en précisant qu'il "réprouve l'action violente".
"Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut les aider à se réinsérer dans la société", ajoute-t-il en reconnaissant avoir engagé à la chaîne régionale bretonne TV-Breizh, filiale de TF1, l'autonomiste breton Arnaud Vannier alors que ce dernier était en attente de jugement dans l'affaire de vol d'explosifs à Pleven.
M. Le Lay critique par ailleurs violemment "le système administratif jacobin français" qui a refusé à trois reprises des projets de TF1 pour obtenir des fréquences hertziennes locales en Bretagne: A Nantes, "c'est le Figaro, journal breton bien connu, qui a eu la fréquence, c'est à hurler".
Il s'en prend aussi au "silence assourdissant des élus bretons", qu'il accuse de ne pas l'avoir soutenu dans cette bataille, à l'exception, note-t-il du président du conseil régional de Bretagne Jean-Yves Le Drian, député et ancien maire de Lorient où est basée TV-Breizh.
M. Le Lay admet enfin qu'il n'a jamais pu apprendre le breton parce qu'il a des "difficultés avec les langues". "Si je me mettais deux mois à fond, avec toutes les bases que j'ai, je parlerais breton couramment. Mais comme c'est un truc d'intellectuel, ce n'est pas grave", ajoute-t-il cependant.
Le magazine Bretons, lancé en juillet, est un mensuel de "société", de "culture" et de "musique" consacré à la Bretagne, qui vise à une diffusion de 30.000 exemplaires sur toute la France. Son capital est détenu par son rédacteur en chef Didier Le Corre et un associé.
Dans l'entourage de M. Le Lay, on a confirmé jeudi la teneur de cette interview, réalisée à Paris le 9 août."

19/08/2005

Les prolos*

Attention messieurs dames, écoutez bien : je vais vous livrer un scoop, une information extraordinaire : il y aura bientôt une émission intéressante à la télévision ! Je répète : il y aura bientôt une émission intéressante à la télévision ! Oui, je sais, vous trouvez ça incroyable, impossible, mais si, je vous l’assure, ce n’est pas de la science fiction, juste un petit miracle. Bon, évidemment, je modère tout de suite votre enthousiasme, elle va être diffusée à 22h50. C’est évident, il ne faudrait pas risquer que des enfants ou des personnes trop sensibles là voient, le manque d’habitude risquerait de les traumatiser... Évidemment, elle ne passera pas sur la une, mais sur la deux, comme quoi le service public ne fait pas que suivre les chaînes commerciales et peut avoir une programmation différente... Mais pas avant 22h50. Faut pas exagérer.
Il se trouve que j’ai vu au cinéma le documentaire qui va passer bientôt. Il est intitulé Les Prolos. Le réalisateur, Marcel Trillat, un journaliste chevronné, est allé à la rencontre du monde ouvrier. Et oui, de plans sociaux en délocalisations, on finissait par croire qu’il avait disparu, le monde ouvrier. Or il y a encore six millions d’ouvriers et d’ouvrières à se rendre chaque jour au travail en France. Et Marcel Trillat les a suivis dans six entreprises. Dans de grosses entreprises, comme Renault, où le syndicalisme est une culture d’entreprise, dans de plus petites entreprises comme celle établie en Isère où aucun syndicat ne s’est jamais implanté.

Queen Mary : bateau pour riches construit par des pauvres...
On découvre même, dans une autre boîte, un syndicat CGT qui travaille main dans la main avec le directeur pour améliorer la rentabilité, ce qui a permis d’éviter le démantèlement d’un des services destiné à être livré à la sous-traitance. Délégué syndical et directeur sont allés ensemble rencontrer les actionnaires de la multinationale propriétaire et ont réussi à les convaincre d’éviter de vendre ce service. Pari gagné pour cette fois, mais sans illusion: on voit bien que le directeur comme l’entreprise peuvent être délocalisés d’un jour sur l’autre...
Et puis Marcel Trillat et son équipe sont venus en Bretagne, plus précisément à St Nazaire, aux chantiers de l’Atlantique qui fabriquent le Queen Mary. Là, interdiction de filmer, les scènes sont donc en caméra cachées. On découvre des conditions de travail dignes de Germinal : des ouvriers soudeur qui étouffent, sans masque dans des endroits confinés, des ouvriers sous-payés, des toilettes qui ne méritent pas ce nom... Tout tient en un mot : sous-traitance, voir sous-sous traitance, et main d’oeuvre étrangère. Ici, les corporations ne se connaissent pas mais se tirent la bourre pour suivre les plannings. Les ouvriers ne se connaissent pas car travaillant dans des entreprises différentes, voire en intérim.

La course poursuite du cégétiste
On suit même un délégué syndical qui a pris en chasse un camionnette dans laquelle sont montés des ouvriers étrangers, pris en charge complètement par leurs employeurs : logés, nourris, encadrés... Ces ouvriers sont moins payés que ne le seraient des ouvriers français, ce qui est illégal... mais le travail syndical est compliqué par le fait que le monde ouvrier est ainsi atomisé par la sous-traitance et le recours à une main d’oeuvre qui accepte des conditions de travail illégales. Certains se rebiffent toutefois, et font grève, comme cela a été le cas à Saint Nazaire... Le Queen Mary, fabriqué à St Nazaire, sillonnent les mers désormais, avec sa clientèle de passagers fortunés. Marcel Trillat a montré l’envers du décor.
Et il emmène aussi ses spectateurs dans les rues de Paris ou des salariés, d’origine étrangère, sillonnent les rues la nuit en mobylette pour aller sortir les poubelles, et les ranger une fois que sont passées les ramasseurs. Un peu partout, les syndics ont supprimé les concierges et ce sont donc ces coursiers qui les remplacent. Celui qui est filmé avait eu un contrat de travail de quinze heures par jour, sans congés hebdomadaires... Après quelques mois, et quelques accidents, ll a avisé l’inspecteur du travail qui a fait... son travail, et a débarqué chez l’employeur. Le contrat a été saisi, et rectifié.
Il y aurait donc encore des freins à l’esclavagisme moderne ?

Christian Le Meut

* Chronique diffusée en 2003 sur Radio Bro Gwened

18/08/2005

Le breton, une langue morte ?

Le 22 mars 2003 a été un beau jour pour la langue bretonne. Entre 15.000 et 20.000 personnes ont défilé dans les rues de Rennes pour la défense de la langue. Mais, le même jour, un débat était publié dans le journal Ouest-France a propos du breton. Les invités étaient Patrick Malrieu, président du Conseil culturel de Bretagne, organisateur de la manifestation, et François Goulard, alors député maire UMP de Vannes (devenu ministre depuis). J’ai été un peu étonné par les propos tenu par ce dernier. Il a dit, notamment, à propos du breton : “Je suis très sceptique sur la possibilité de faire renaître une langue”, “Ne cherchons pas à imposer une langue si elle n’est plus pratiquée”... Pourquoi employer le verbe “renaître” ? Mais, si le breton est mort, pourquoi entends-je chaque jour des émissions en langue bretonne sur Radio Bro Gwened ? Sont-elles réalisées par des fantômes ? Quand je parle, quand je lis, quand j’écris en breton, tous les jours, peut-être suis-je déjà mort ? Biskoah kemend all, personne ne me l’avait dit !

Des anciens bien vivants
Mais, peut-être est-ce que je ne vis pas sur la même planète que M. Goulard. Par exemple, je vais le jeudis sur le marché à Hennebont, faire mes courses et là, j’entends parler... breton. Anglais et allemand aussi, surtout l’été... Ce sont surtout des anciens qui parlent breton mais, manifestement, ils sont encore bien vivants... Je ne sais pas si M. Goulard fréquente beaucoup les marchés, mais je constate qu’il enterre une langue avant même qu’elle ne soit morte. Pourquoi donc ? Selon notre député du Morbihan, il ne serait pas possible de rétablir le breton comme langue “vernaculaire”, donc comme langue de la vie quotidienne je cite “par des moyens publics”... Sauf que, cette langue est encore parlée dans la vie quotidienne par des dizaines de milliers de personnes, environ 60.000 probablement dans le Morbihan, 250.000 en Bretagne. Elle est donc encore une langue vernaculaire...
Et comment l’Etat français a-t-il procédé, lui, pour chasser le breton de la vie publique, économique, sociale, scolaire, pour réduire son espace de plus en plus, si ce n’est pas des moyens publics ? Les lois et autres règlements interdisant l’apprentissage ou la pratique du breton à l’école, au catéchisme, les règlements interdisant l’emploi du breton dans l’administration. Tout cela procède bien de “moyens publics” mis en place depuis plus de cent ans pour imposer le français et aboutir ensuite à la disparition du breton.

Pas de média de masse...
Les moyens publics qui ont été très efficaces pour combattre l’usage de la langue bretonne, ne le seraient plus quand il s’agirait de secourir cette langue ? A qui veut-on faire croire cela ? Pour continuer avec les citations de François Goulard, “Il est trop tard pour avoir un média de masse en breton : il n’y a plus assez de gens qui le comprennent”. M. Le député sait-il, par exemple, qu’un quotidien bilingue, alsacien et français, est édité par les Dernières Nouvelles d’Alsace et vendu à 40.000 exemplaires... Mais le maire de Vannes le sait-il ? A-t-il remarqué les 500 enfants qui apprennent le breton dans la ville dont il est maire ?
Une autre citation, pour notre déplaisir : “Le breton, en tant que langue vernaculaire, correspond à une très petite minorité de notre population”... Alors, M. Goulard, si c’est une question de chiffre, de quantité, bien que j’en doute puisque nous sommes dans un domaine concernant l’être humain, et donc les droits de l’Homme, et que les quantités n’ont rien à faire là, je rappellerai quand même que, selon un numéro spécial de Courrier international sur les langues de la planète, nous ne sommes que 2,1% des habitants de la planète terre à parler le français dont 1,3% de francophones de naissance. Si c’est un problème de quantité, il y a de quoi avoir des inquiétudes quant à l’avenir du français aussi ! Mais là, il y a des moyens publics pour le secourir...

La renaissance de l'hébreu
Et, enfin, s’il n’est pas possible d’agir par des moyens publics, pourquoi a-t-on instauré les lois Toubon qui défendent la langue française, face à l’anglais; pourquoi la Constitution instaure-t-elle le français comme seule langue de la République ? Si ce ne sont pas là des “moyens publics” de défense d’une langue, qu’est-ce que c’est ?
M. Goulard a probablement entendu parlé d’un pays qui s’appelle Israël. Là, une langue, l’hébreu, morte depuis plus de 2.000 ans, a été choisie voici une cinquantaine d’années pour être la langue officielle de cette état. Et elle est aujourd’hui parlé par des millions de gens.
Heureusement, il y a des élus de Bretagne qui voit la réalité telle qu’elle est, la langue bretonne (ainsi que le gallo), comme des réalités bien vivantes pour des centaines de milliers de gens, quotidiennement, dans notre région. L’Etat et la région prendront-ils les moyens de mettre en place un “véritable plan Orsec” pour sauver cette langue, comme le demande, notamment, le Conseil culturel de Bretagne ? Ou sinon, prendront-ils le risque de se voir accuser de non assistance à langue en danger ? L’avenir le dira.
Christian Le Meut (2003)

Brezhoneg : ur yezh marvo ?...

An 22 a viz Meurzh 2003 a zo bet an devezh bras evit ar brezhoneg : 15.000 den, pe muioc’h, oa bet da vanifestiñ war straedoù Roazhon evit ar brezhoneg. Met, just araok un tabut a oa bet embannet war gazetenn Ouest-France a ziout hor yezh. Piv oa bet kouviet ? D’an tu Patrick Malrieu, prezidant ar C’huzul sevenadurel, en doa galvet an dud da vanifestiñ, ha, d’an tu all, François Goulard, maer ha kannad Gwened, UMP (deuet da vout ministr abaoe). Spontet oan bet e lenn ar pezh lâret gantan. Da skouer, lâret en deus, a ziout ar brezhoneg : “Je suis très sceptique sur la possibilité de faire renaître une langue”, “Ne cherchons pas à imposer une langue si elle n’est plus pratiquée”...
Pegen souezhus eo lenn an dra-se. Perak “renaître” ? Me sonje-me oa bev atav brezhoneg : bemdez e komzan, e selaouan brezhoneg war ar radio, e skrivañ pe e lennan e brezhoneg... Alies e klevan brezhoneg war marc’had e Hen Bont ? Brezhoneg komzet get re gozh zo, ha n’int ket marv anezhe c’hoazh, met ivez get tud yaouankoc’h. Marv eo ar yezh, hervez an aotrou Goulard ! Met, d’am sonj, ne vevan ket war memes bed evit hini an aotrou Goulard...

Politikerezh publik pe pas ?
Ur frasenn all oa spontus : hervez an den se, ne vehe ket posupl lakaat en dro ar brezhoneg da vout ur yezh “vernaculaire”, evel yezh pemdeziek, get sikour ur politikerezh publik : “On ne peut pas y parvenir par des moyens publics”... Souezhus awalc’h. Penaos n’eus graet ar Stad abaoe kant vloazh evit lakaat ar brezhoneg er maez ag ar vuhez publik, er maez ag ar vuhez ekonomikel, sokial, er maez ag ar skolioù, mard n’eo ket dre ur “bolitikerezh publik” ? get lezennoù e leizh ? Difenet veze komz ha dezkiñ brezhoneg er skol, difennet oa ar brezhoneg er c’hatekism, er melestradurezh... Hag al lezennoù Toubon, savet evit difenn ar galleg a enep ar saozneg (sanset) ? Hag ar Vonreizh, a lavar n’eus nemet ur yezh ofisiel er Republik ha plas ebed evit ar yezhou all... N’int ket “des moyens publics” evit difenn ur yezh ? Diskarret eo bet ar brezhoneg dre ur “bolitikerezh publik” met ne vehe ket tu adlansiñ anezhi dre ur bolitikerezh publik ? Ar pezh a zo gwir evit klask lazhañ ur yezh ne vehe ket gwir evit sikour anezhi ? Ar pezh a vank zo ur youll.

Re nebeut a vrezhonegerion ?
Evit kenderc’hel get ar pezh lâret ged an aotrou Goulard, ar frasenn se : “Il est trop tard pour avoir un média de masse en breton : il n’y a plus assez de gens qui le comprennent” . Skingomzoù ha kazetennoù e brezhoneg zo, ha komprenet int get kalz tud. E Bro Alzaz, e vez embannet bemdez ur gazetenn divyezhek, galleg-alzasianeg, get Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Ha 40.000 a skouerenn e vez gwerzhet bemdez...
Ur frasenn all, evit hor flijadur : “Le breton, en tant que langue vernaculaire, correspond à une très petite minorité de notre population”. 250.000 a dud a gomz brezhoneg, n’eo ket netra met n’eo ket trawalc’h evit an aotrou Goulard ! War dro 9 % ag an dud a gomz c’hoazh er Morbihan, da skouer... Hervez ar gazetenn Courrier International n’eus nemet 2,1% ag an tud, er bed a beizh a gomz galleg... Hag en deus klewet komz, an aotrou Goulard, a ziout ur stad anvet Israël e lec’h ma vez komzet ur yezh marv abaoe 2000 bloazh, an hebraeg, bet choazet evel yezh ofisiel 50 vloazh zo... Ha komzet vez bremañ hebraeg bemdez ged milionoù a dud.
Eurasament, dilennidi all a Vreizh a well emañ bev atav ar brezhoneg. Met ur sort “plan Orsec” a vehe ret sevel get ar rannvro hag ar Stad evit saveteiñ ar yezh, evel ar pezh laret get Patrick Malrieu barzh Ouest France.

Christian Le Meut (2003)

12/08/2005

Une langue meurt tous les 15 jours

D’autres chiffres sont livrés dans “Cause toujours” (lire "6.700 langues parlées dans le monde), ce numéro de Courrier international consacré aux langues: parmi les 1.200 langues parlées il y a cent ans en Amazonie, 800 ont disparu aujourd’hui ! 96% des langues sont parlées par seulement 4% de la population. La grande majorité des langues sont parlées par de toutes petites communautés. Il y a cinq ans, 51 langues n’étaient plus parlées que par une personne seulement, dont 28 langues aborigènes d’Australie. Tous les quinze jours, une langue disparaît sur notre belle planète...

La langue bretonne sauvée si elle est traitée comme sa cousine galloise
Selon un article paru dans la revue londonienne Prospect le breton ne pourra être sauvé que s’il fait l’objet d’une véritable politique de promotion comme celle menée actuellement au pays de Galles.
Tout au long de l’histoire, des langues sont mortes, comme le latin, ou l’étrusque, une langue que les chercheurs n’ont toujours pas déchiffrée. C’est un processus normal quand il s’inscrit dans la durée : le français, l’italien, le roumain, le castillan, le catalan, etc, ont remplacé le latin en évoluant avec le temps et avec l’apport d’autres langues. Mais l’on assiste aujourd’hui à un phénomène de disparition pur et simple lié au colonialisme et à la mondialisation engagée depuis plusieurs siècles.
Selon le linguiste gallois David Crystal, je cite, “la disparition des langues devrait nous préoccuper au même titre que celle des espèces animales ou végétales. Car cela réduit la diversité de notre planète”. Et, un peu plus loin : “La diversité occupe une place centrale dans la théorie de l’évolution, car elle permet à une espèce de survivre dans des milieux différents. L’uniformisation présente des dangers pour la survie à long terme de l’espèce. Les écosystèmes les plus forts sont ceux qui sont le plus diversifiés”.

Une seule langue et un monde pacifique ?
Autre question d’importance abordé dans ce numéro : le fait de parler une seule et même langue rendrait-il le monde plus pacifique ? Rien n’est moins sur. Beaucoup de guerres ont opposé des nations parlant la même langue, sans parler des guerres civiles et autres génocides : le Rwanda, la Yougoslavie et l’Irlande du Nord sont des exemples récents montrant que le fait de parler la même langue ne signifie pas pour autant que l’on arrive à se comprendre.
Ce ne sont pas les langues qui se font la guerre, mais les gens. Des systèmes démocratiques et respectueux des droits de l’Homme peuvent permettre à des communautés de langues différentes de coexister.
Mais je ne résiste pas à l’envie de vous livrer des citations de l’écrivain libanais Amin Maalouf, cité dans ce numéro spécial : “Il suffit de contempler l’Algérie pour se rendre compte des effets désastreux d’une politique de viol linguistique et culturel. Imposer une langue à un peuple aux dépens de sa propre langue est toujours une agression aux conséquences tragiques”. Je crois que cette affirmation n’est pas uniquement vraie pour l’Algérie. Mais écoutons encore Amin Maalouf : “La véritable attitude civilisatrice, la véritable contribution à une gestion pacifique du monde inquiétant où nous vivons, c’est de consolider et d’organiser harmonieusement la diversité culturelle et linguistique des hommes pour que nul ne se sente bafoué, marginalisé, exclu, incompris, méprisé, et que nul ne soit tenté par le langage de la violence. Cela suppose que l’on s’emploie à conforter la place de toutes les expressions culturelles et à faire en sorte que chaque personne puisse accéder à la modernité dans sa propre langue”.

Ashoge !
Respecter les langues, c’est respecter les peuples et populations qui les parlent. Et, comme l’écrit un linguiste français, “La guerre des langues n’est jamais que l’aspect linguistique d’une guerre plus vaste”. Un combat pour les droits de l’Homme, par exemple ?
“Cause toujours”, ce numéro spécial de Courrier international sur les langues de la planète se termine par un liste du mot “merci” traduit en 441 langues. Alors, savez-vous comment l’on dit “merci” en langue apache ? “Ashoge”... Et cette langue était encore parlée par 15.325 personnes en 1990, selon les chiffres de Courrier international.
Alors "ashoge" d'avoir pris de votre temps pour lire cet article.

Christian Le Meut